Comment survivre au rétrécissement de l’industrie diamantaire

Avi Krawitz

Le marché diamantaire continue de subir des pressions et devrait se regrouper encore davantage cette année. En plus d’être coincés entre les coûts élevés du brut et une baisse des tarifs du taillé, les négociants se plaignent que de trop nombreux acteurs recherchent les mêmes marchandises.[:]

Le marché est tout simplement saturé de fournisseurs de taillé et donc de marchandises pour lesquelles la demande est insuffisante.

Fabricants et négociants sont pris entre les miniers et le retail. Ils ont la charge d’assurer les stocks de l’industrie : l’offre de brut devrait augmenter cette année, alors que les détaillants de bijoux continuent de se regrouper et se contentent de stocks réduits.

Sachez que, d’après le Jewelers Board of Trade, 1 669 boutiques de joaillerie ont fermé aux États-Unis en 2016 et que la croissance de la vente au détail en Chine ralentit depuis deux ans après avoir connu un développement agressif.

Les goûts des consommateurs évoluent également. Les clients aux revenus intermédiaires préfèrent aujourd’hui des tarifs inférieurs, sur fond de prudence économique mondiale. La gamme des diamants taillés recherchés s’est donc rétrécie.

On annonce par conséquent, et de façon régulière, des pénuries de taillé dans certaines catégories demandées et des excès de stocks pour celles qui le sont moins. C’est d’ailleurs le cas actuellement, avec une nouvelle série de diamants taillés en cours de transformation.

Les niveaux de stocks devraient augmenter car de gros volume de taillé sont attendus sur le marché dans les mois à venir. Les achats de brut ont en effet bondi en janvier.

Le marché semble toujours avoir du mal à trouver son équilibre.

En réalité, la filière intermédiaire s’est déjà resserrée ces 18 derniers mois, d’après Praveenshankar Pandya, président du conseil du Gem and Jewellery Export Promotion Council (GJEPC). Il estime que le secteur de la fabrication en Inde a perdu près de 15 % après la récession du second semestre 2015.

À l’époque, les fabricants ont cessé d’acheter du brut après que des échanges agressifs l’année précédente ont gonflé les stocks de taillé et placé les prix du brut à un niveau intenable. Les petits fabricants, dont beaucoup comptent sur l’offre de brut et le travail d’externalisation des sightholders, ont été les plus durement frappés lorsque l’activité a plongé, les obligeant alors à fermer leurs structures, a expliqué Praveenshankar Pandya.

Bien que la rentabilité globale se soit quelque peu améliorée après la stabilisation du marché en 2016, les petites usines ont subi de nouvelles pressions lorsque le gouvernement indien a introduit sa politique de démonétisation juste après Diwali, en novembre, a-t-il ajouté.

De nombreux travailleurs, qui étaient partis en vacances pendant le festival, ont retardé leur retour car les liquidités étaient serrées après les mesures de répression engagées contre les transactions en espèces. La démonétisation a en effet éliminé quelque 86 % des billets en circulation. Entre 5 % et 7 % de ces petites usines doivent encore reprendre leurs opérations, a indiqué Praveenshankar Pandya.

Certaines devraient rouvrir dès que le pays se sera fait à sa nouvelle réalité et que le système commercial, comme les particuliers, auront remis de l’ordre chez eux, principalement en ouvrant des comptes bancaires pour faciliter le passage au paiement électronique.

L’activité commence déjà à se stabiliser, même s’il faudra encore au moins six mois pour que les échanges se remettent complètement des conséquences de la démonétisation. La demande de brut a bondi en janvier. La De Beers a ainsi enregistré son plus gros sight depuis 30 mois, d’après les dossiers de Rapaport.

Cela a entraîné de nouvelles préoccupations au sujet d’une possible surchauffe du marché du brut qui avait pourtant trouvé un certain équilibre et de meilleures marges bénéficiaires l’année dernière. Les prix ont progressé puisque plus d’un milliard de dollars de nouveaux diamants bruts sont entrés sur le marché sans qu’il y ait de hausse parallèle de la demande de taillé. La demande devrait être plus réduite lors du sight de la De Beers de la semaine du 20 février ou c’est du moins ce que l’on espère.

Les sociétés minières semblent quant à elles assez optimistes face au marché du brut puisque la production mondiale devrait augmenter de 5 % à 10 % cette année, d’après les estimations de Rapaport.

Cela pose la question de savoir s’il y a suffisamment de demande pour répondre à l’offre supplémentaire. Et il faudra surtout savoir si la rentabilité du brut est suffisante pour faire vivre les nombreux acteurs de la filière intermédiaire.

Enfin, ce sont les facteurs économiques qui détermineront si le marché est saturé de fournisseurs ou non, a souligné Ernie Blom, le président de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB), dans un point presse qui a suivi l’assemblée annuelle du groupe à Mumbai la semaine du 6 février.

Cela signifie que les entreprises qui survivront seront celles qui trouveront le bon axe. Les autres devront inévitablement jeter l’éponge.

La WFDB a exhorté ses plus de 30 000 membres à s’assurer de bien respecter les normes de conformité financière et la transparence requises par les banques, les régulateurs et autres, et ce pour survivre. La question a été évoquée lors du Séminaire sur la finance du groupe organisé pendant l’assemblée de la semaine du 6 février. Mais Ernie Blom a aussi précisé que les sociétés doivent se concentrer sur la rentabilité plutôt que sur le chiffre d’affaires lorsqu’elles travaillent sur le marché du brut.

« La rentabilité est un problème car nous avons tendance à vouloir augmenter les ventes mais pour survivre, il suffit d’acheter du brut rentable », a-t-il insisté.

Andrey Zharkov, le PDG d’ALROSA, ne plaisantait qu’à moitié lorsqu’il a encouragé les diamantaires israéliens à ne pas acheter trop de diamants à sa société, de crainte que le marché ne répète sa récession de 2015.

Après tout, l’industrie a fait de gros progrès l’année dernière en limitant l’offre de brut et en permettant une baisse des prix, laissant ainsi la place à une amélioration des marges bénéficiaires pour les fabricants. Cela a partiellement disparu en janvier et les craintes augmentent que le marché ne reprenne ses vieilles habitudes : rechercher le chiffre d’affaires plutôt que le bénéfice.

Alors que les échanges de taillé restent limités, tous les yeux seront tournés vers le sight de la De Beers de la semaine du 20 février afin d’évaluer les perspectives de rentabilité du secteur de la fabrication pour l’année à venir. Des excès constants dans l’achat de brut, comme cela est apparu évident en janvier, vont continuer d’éroder les marges de fabrication et finir par accélérer le resserrement du marché.

Inévitablement, seules survivront les sociétés conservatrices sur le marché du brut, n’achetant que les marchandises pouvant être fabriquées et vendues avec un bénéfice.


Source Rapaport