Ce que l’histoire dit du litige actuel des diamants

Rob Bates

Lorsque Dan Scott, créateur et architecte de la marque Luxe Licensing, entend les vendeurs de diamants synthétiques et naturels s’attaquer mutuellement, cela le peine. Car il a déjà assisté à ce genre de spectacle.

Dans un webinaire organisé au cours de la semaine du 28 janvier pour Gemmological Research Industries, Dan Scott, ancien directeur marketing du designer Scott Kay, a raconté deux litiges au sein d’un même marché dans lesquels il a été impliqué : platine contre palladium et cobalt contre carbure de tungstène. Il a expliqué au JCK que, bien que les deux parties aient connu des victoires temporaires, tout le monde a fini par y perdre.

Lorsque Dan Scott travaillait pour Scott Kay, le défunt designer – dont le premier amour était le platine – a commencé à s’intéresser à son alternative alors moins chère, le palladium. Mais tous les membres de l’industrie ne jugeaient pas le palladium comme un métal précieux.

Un bijoutier cité par le JCK a affirmé (dans des termes qui semblent tout à fait adaptés au marché actuel) : « Si vous êtes prêt à utiliser des métaux moins bons que le palladium, alors pourquoi ne pas utiliser des pierres synthétiques, voire des diamants synthétiques ? » Scott Kay a par la suite qualifié ces commentaires de « surréalistes ».

Enfin, un accord informel a pu être trouvé – le platine serait utilisé pour le bridal, tandis que le palladium servirait aux bijoux de mode. Des projets ont été élaborés pour que les deux métaux fassent l’objet d’une promotion parallèle. Au final, le principal minier de palladium a continué de son côté.

« Cela a ouvert une porte […] permettant de créer des bagues de fiançailles et des alliances en palladium, sans affrontement, explique Dan Scott. Bien sur, cela a donné lieu à la bataille des métaux blancs précieux et naturels qui a envoyé le platine et le palladium dans une spirale descendante. »

« Elle n’a tout simplement pas été gérée d’une façon qui me semble bénéfique pour les deux parties. Regardez où en sont les prix du platine actuellement. Et je ne connais pas beaucoup de détaillants qui continuent à utiliser du palladium. »

Par la suite, Scott Kay, qui n’était pas du genre à refuser le combat, a participé à une nouvelle rixe relative aux mérites du cobalt par rapport au carbure de tungstène qui, d’après le designer, était « cassant ».

Cet affrontement s’est révélé plus sérieux. Son concurrent, Frederick Goldman, qui détient désormais la marque Scott Kay, a déposé une demande auprès de la Federal Trade Commission pour peser sur les revendications de Kay. Et même si le cobalt a suscité un certain intérêt, celui-ci a été de courte durée.

« Les deux métaux étaient en guerre alors qu’ils auraient pu cohabiter, explique Dan Scott. Les détaillants se sont retrouvés piégés au milieu et ne savaient pas de quel côté se tourner. Et alors que nous étions en train de nous battre, qu’il y avait des procès et toute cette folie, certaines personnes avisées ont commencé à parler des avantages du titane, qui avait un tarif inférieur et un aspect similaire. Les détaillants ont pris le chemin le plus facile et commencé à vendre un produit n’étant sujet à aucune controverse, ne connaissant aucun problème. »

Dan Scott, qui rédige des articles pour Lab Grown Magazine, constate la même chose dans le secteur des diamants. D’après lui, il est encore moins logique que les secteurs des diamants naturels et synthétiques soient opposés, puisque les diamants synthétiques sont tarifés par rapport à la liste Rapaport des diamants naturels.

« Des liens forts existent entre nous, explique-t-il. C’est comme si nous étions frères siamois. Si l’un descend, l’autre en fait de même. S’il y a trop de luttes ou de mécontentements ou de vraies complications, les détaillants passeront facilement à autre chose. »

Ce qui pourrait être un désastre. Il ajoute : « Si l’industrie diamantaire plonge, vous assisterez à une véritable désolation, à d’énormes pertes d’emplois. »

Dan Scott a déjà entendu parler de consommateurs qui se tournaient vers les pierres de couleur ou les perles pour leur élément central.

Au lieu d’essayer de s’opposer aux diamants naturels dans le domaine du bridal, il considère que les producteurs de diamants synthétiques devraient profiter des opportunités de ce nouveau produit, pour une mode accessible et en remplacement des diamants de couleur qui ne sont ni disponibles ni abordables pour la plupart des gens.

« Il y tant d’avantages et de marges disponibles dans ces domaines, affirme-t-il. Et il y a aussi moins de possibilités de comparer les prix. »

L’activité des diamants synthétiques est bien installée dans sa phase « conquête de l’Ouest sauvage », explique Dan Scott. Les détaillants ne savent pas trop comment parler des diamants, notamment sur des concepts litigieux comme l’aspect écologique.

« De nombreuses sociétés semblent composer au fil de l’eau, en espérant ne pas avoir de problèmes, par exemple pour avoir fait une déclaration erronée », affirme-t-il.

Le fait que le secteur rassemble de nombreux acteurs de courte durée, qui ne cherchent qu’à gagner de l’argent rapidement, sans se préoccuper des ravages qu’ils peuvent causer, n’est pas un atout. Mais pour ceux d’entre nous qui comptent travailler dans ce secteur sur le long terme, Dan Scott aimerait voir des associations commerciales s’impliquer davantage dans le développement d’une terminologie de référence pour régler ces problèmes. Cela est plus probable maintenant qu’un nombre croissant de détaillants et de grossistes vendent les deux sortes de diamants.

Heureusement, ces derniers mois, la guerre des mots paraît s’être quelque peu apaisée, bien qu’elle ne se soit pas totalement éteinte. Le Natural Diamond Council a affirmé ne plus souhaiter se battre contre son nouveau concurrent, puisqu’il considère qu’il existe une meilleure opportunité de développer le marché dans son ensemble. Gwyneth Borden, la nouvelle directrice de la politique publique pour le fabricant de diamants synthétiques Diamond Foundry, convient que la négativité va à l’encontre des intérêts de l’industrie.

« Les deux produits devraient pouvoir coexister, grâce à leur proposition de valeur, affirme-t-elle. Les messages conflictuels risquent d’éloigner les consommateurs des diamants. »

Dan Scott espère que ce mode de pensée va dominer le marché.

« Les diamants synthétiques devraient accueillir les diamants naturels, sans réserve et avec la meilleure volonté du monde, affirme-t-il. C’est leur raison d’exister. L’unité entre diamants naturels et synthétiques pourrait être l’atout le plus puissant dont l’industrie des bijoux ait jamais profité. »

Sa société, Luxe Licensing, collabore avec des clients, comme Paula Crevoshay, qui ne travaillent pas avec les diamants synthétiques, ainsi qu’avec des marques de semi-luxe qui ne veulent que ce genre de pierres.

« Il y aura toujours des publics duels, affirme-t-il. Mais il ne doit pas y avoir de duel entre les diamants. »

Source JCK Online

 


Photo © Lightbox, De Beers.