Cartier Libre, collection Polymorph : la métamorphose

Isabelle Hossenlopp

En horlogerie comme en joaillerie, Cartier a toujours aimé jouer avec les formes. Tout a commencé avec la magie des aiguilles flottantes d’une horloge mystérieuse sortie des ateliers de la Maison pour ensuite donner lieu à la création de cadrans de montres rondes, carrées, tonneau, ovales, rond dans un carré, … jusqu’à la surprenante montre Coussin sertie de près de 1000 pierres précieuses, inédite en horlogerie, qui s’abaisse ou se gonfle sous une simple pression du doigt. En joaillerie, la Maison parisienne puise sans cesse dans son territoire stylistique, nourri au fil des décennies par les arts du monde entier.

Chaque année, une collection est conçue en toute liberté par les studios de création de la Maison Cartier. Cette année, avec Cartier Libre, Collection Polymorph, ce sont de petites pépites remplies d’imagination, pièces uniques ou séries limitées de montres, de bijoux et d’accessoires qui se transforment, révélant une facette inattendue. Ces créations aux formes pures s’amusent autour de nouvelles perspectives, autour des lignes, des volumes, des contrastes et des faux-semblants.

Une nouvelle façon de regarder l’heure ?

Plusieurs pièces de joaillerie horlogère révèlent de minuscules cadrans lovés au cœur d’étonnantes créations.

La signature de la panthère est bien là, à la fois omniprésente et inédite. Ici, un clip aux griffes en pierres de lune et diamants sertis neige, relevées d’onyx taillé sur œuvre, dévoile un petit cadran d’environ 1 cm2 par simple pression sur une griffe.

Intrigantes tout autant qu’extravagantes, de petites montres-épingles hélicoïdales se portent au revers d’une veste ou d’une manche. Leur style audacieux déroule les codes signature de la Maison : les associations de couleurs, la taille sur œuvre des onyx, des rubis et de la chrysoprase, la précision du travail de la laque, le contraste des pavages de diamants, la profusion de pierres aux couleurs vives.

Autre extravagance horlogère, un mousqueton affiche un cadran pivotant, entouré de boules de lapis-lazuli, d’onyx, de spinelles noirs, de turquoise et de chrysoprase qui roulent sur elles-mêmes dans des combinaisons chromatiques qu’affectionne la Maison Cartier. Le mousqueton s’ouvre en appuyant sur un cabochon de saphir. Ce bijou fonctionnel – il s’accroche à une ceinture ou à un sac – et d’une totale extravagance explore une démesure de savoir-faire, de tailles et de sertis : diamant baguette serti rail, diamants serti neige ou brillant, rubis en carré suiffé, saphir et émeraude serti clou.

A cette collection s’ajoute un bijou hommage au début du XXème siècle, un bijou d’épaule, long cordon joaillier qui se pose à cheval sur une épaule. La fine liane composée de multiples couleurs de pierres se termine, sur le devant, par une montre-breloque cachée par une plaque d’or guillochée et émaillée de bleu pivotant sur le cadran. L’élégance absolue.

Les bijoux magiciens

Sur une bague, un dôme serti de diamants montés sur des tiges invisibles voit son volume se transformer au gré de la pression qu’elle reçoit. Au moindre geste, la lumière joue sur cet impressionnant dôme de lumière qui, détail très original, se glisse entre deux doigts. Le bijou célèbre le goût de Jeanne Toussaint pour les bijoux en volume.

Après les bijoux qui se métamorphosent sous la pression du doigt, d’autres se retournent sur leur axe pour se recomposer de façon radicalement différente.  Deux bijoux naissent d’un seul, comme les deux moitiés du bracelet ou de la bague qui composent cette parure. En se retournant, elles transforment un bijou à la surface bombée et lisse en une pièce qui semble composée de deux parties. Une architecture de lumière apparaît alors, comme une pluie de diamants jaillie d’un maillage d’or. 

Sur un autre bracelet, ce sont les heures qui passent dans un lumineux ciel d’été. Chaque disque qui compose le bijou évoque une phase de la course du soleil en passant par toutes les nuances de la lumière, du jaune pâle à l’orangé flamboyant. Une pure merveille, fidèle au goût de Jeanne Toussaint pour les pierres fines alors peu utilisées en joaillerie et qui viennent éclairer de leurs feux cette composition admirable.  Suivant la même idée, une éclipse de lune déploie ses différentes phases en disques de diamant et d’onyx sur une bague aux accents nocturnes. Les disques sont mobiles, la lune se décompose et se recompose à l’infini, soulignant encore le goût et le talent de Cartier pour la métamorphose. 

Dans son exploration de la matière changeante, Cartier s’inspire aussi de l’art japonais du kintsugi, technique de réparation des porcelaines ou céramiques brisées au moyen de laque saupoudrée de poudre d’or. Ici, Cartier utilise le fil d’or pour représenter les traces de réparation imaginaire de deux bracelets joncs. Les inserts de pierres composent une marqueterie précieuse faite de contrastes, illuminée de rubis, de diamants et de fils d’or aux lignes brisées à laquelle s’ajoute encore des pierres calibrées serties sur la tranche. Le travail lapidaire, précis et complexe, révèle ici toute son excellence.

Visuels © CARTIER ©JULIEN THOMAS HAMON