Baisse de la production…

Avi Krawitz

Il peut parfois être très épineux de prédire le marché du diamant, notamment pour ceux qui évoluent du côté de l’offre. Les miniers, généralement réticents à réduire leurs activités, progressent avec précaution en 2012. L’engagement pris la semaine dernière par la De Beers de surveiller la production face à la demande des sightholders ne doit donc pas être pris à la légère.[:]

« À la lumière des tendances actuelles sur le marché du brut, et en accord avec la stratégie de production annoncée par la De Beers au [quatrième trimestre] 2011, les opérations ont continué de se concentrer sur les retards d’entretien et de dégagement des déchets, a précisé la direction dans les résultats intermédiaires de la société. Cette stratégie a permis à la De Beers de satisfaire la demande de brut des sightholders, tout en positionnant progressivement les mines pour de futures augmentations de la demande. »

La production de la De Beers a chuté de 13 % en glissement annuel, à 13,4 millions de carats au premier semestre 2012. La société a toutefois soutenu que les conditions du marché resteraient difficiles au second semestre. Philippe Mellier, le président-directeur général (PDG) de la De Beers a entre-temps souligné que sa société était en bonne voie pour parvenir à une production en année pleine comprise entre 28 millions et 30 millions de carats en 2012, contre 31,328 millions de carats en 2011.

Pour parvenir aux prévisions basses, il conviendrait d’assurer une montée en puissance de la production d’au moins 14,6 millions de carats au second semestre. Même si les niveaux de production devraient toujours être inférieurs à ceux de 2011, année qui a vu l’extraction de 15,8 millions de carats entre juillet et décembre, ces objectifs semblent pour l’heure ambitieux, surtout compte tenu des débuts houleux de la De Beers au second semestre de cette année.

La société a manqué un mois de production dans sa mine de Jwaneng, au rendement généralement très positif, après une suspension des opérations due à un accident mortel survenu le 29 juin. De manière plus significative pour le marché, et même si la De Beers a indiqué avoir vendu un peu plus que ce qu’elle a produit au premier semestre et ne pas constituer de stock, cette situation pourrait avoir changé en juillet.

Les sightholders ont refusé des marchandises lors des sights de juin et juillet, indiquant que la Diamond Trading Company (DTC) détenait actuellement une certaine quantité de stock invendu. En refusant le stock, les sightholders exigent une baisse des prix ou, du moins, une offre inférieure qu’ils ne seraient pas tenus d’accepter.

La DTC a déclaré à ses clients qu’ils pouvaient reporter jusqu’à 50 % de leur sight de juillet à des sights ultérieurs, avant le mois d’avril 2013. Mais, même si, pour la société, les sightholders devraient accepter les attributions refusées en plus de celles qui restent dans la période ITO (intention de vendre), au cours des huit prochains mois, la demande pour le brut de la DTC est clairement en baisse. De la même façon, Neil Ventura, PDG de l’unité Diamdel de la De Beers, a rapporté à Rapaport News que la participation des acheteurs avait reculé d’environ 10 % lors du dernier cycle d’enchères en ligne pour le brut de Diamdel.

En réalité, les diamantaires de toute la filière surveillent leur stock depuis le début de 2012 et continueront d’agir ainsi. Les rumeurs veulent que les coffres-forts des fabricants et des négociants soient remplis d’un excès de brut et de taillé.

Les sightholders se limitent au brut qu’ils ont acheté très cher au deuxième trimestre et en juillet et qu’ils sont incapables de vendre ou de fabriquer sans subir de pertes. Dans le même temps, les échanges de taillé ont ralenti, en partie en raison du calme saisonnier de l’été mais surtout parce que la demande a diminué face à une faiblesse prolongée de l’économie.

Les grossistes et détaillants aux États-Unis et en Extrême-Orient se contentent de passer le mois d’août avec le stock existant, puisqu’ils ne prévoient pas que les prix du taillé se stabilisent avant le quatrième trimestre. Vu la tendance baissière, personne ne veut acheter en grande quantité, de crainte que les prix ne continuent de fléchir, entraînant une dépréciation du stock. La volatilité des devises face au dollar a renforcé l’incertitude de l’industrie, non seulement pour les Indiens qui traitent en roupies, mais aussi pour les négociants belges qui supportent des dépenses en euros, voire pour les négociants israéliens qui doivent assurer la couverture du shekel, dont le cours est en retrait.

Les acheteurs de brut et de taillé sont confrontés à une nouvelle réalité, celle du resserrement des marges et de la baisse de l’offre. Face à un tel contexte d’instabilité, ils sont réticents à se constituer un stock, ce que l’on peut comprendre.

Pour leur part, les sociétés minières sont sur la corde raide. Qu’elles choisissent ou non de réduire l’offre dépendra en grande partie de l’ampleur de leurs opérations et du prix auquel elles sont prêtes à vendre leurs marchandises.

Les derniers tenders de brut de certains petits producteurs ont en effet donné des résultats encourageants. Namakwa Diamonds a indiqué avoir vendu les 51 lots proposés lors du tender de juillet de sa mine de Kao qui a eu lieu à Anvers, mais le prix moyen de 286 dollars/ct a chuté de 28 % en dessous de celui obtenu lors de son tender de mai. Firestone Diamonds a indiqué que les prix de ses tenders de juillet à Anvers et à Gaborone étaient passés à 91 dollars/ct, contre 71 dollars/ct en mai, suite à la vente de 45 773 carats de sa production à la mine de Liqhobong.

Pour être juste, il est actuellement plus facile aux petits producteurs de vendre leurs marchandises qu’aux grands miniers, qui travaillent avec des contrats à long terme. La De Beers et ALROSA, qui représentent ensemble environ 60 % à 70 % de la production mondiale, ont adopté un modèle de vente et une stratégie de production différents.

D’un côté, les prix lors des tenders de petites sociétés sont commandés par la demande des clients et ils ont chuté ; ceux de la De Beers et d’ALROSA, quant à eux, sont déterminés par des obligations contractuelles. La DTC a souvent insisté sur le fait qu’elle fixait ses prix sur le long terme, faisant remarquer qu’elle n’opérait ni au sommet du marché, lorsque les conditions sont favorables, ni au plus bas, dans des situations plus difficiles.

D’une façon ou d’une autre, la société ne veut pas se retrouver avec un excédent de stock à la fin de l’année. Si la DTC a l’intention de maintenir des prix relativement stables, la seule option de la De Beers consiste à limiter l’offre. Au vu de l’importance des stocks ailleurs dans la filière et des inquiétudes économiques qui continuent de peser sur la demande, sa production devrait refléter la prudence déjà annoncée.

Certes, compte tenu de l’accent continu mis sur l’extraction et la gestion des déchets et de ses problèmes à Jwaneng, les prévisions de production de la De Beers pour le second semestre 2012 semblent démesurées. Mais là encore, si les prix restent élevés, une offre plus faible que prévue au cours d’une période difficile peut constituer un soulagement attendu pour le marché.

Source Rapaport