Au Botswana de choisir‎

Avi Krawitz

Un outsider se cache, tapi dans l’ombre de l’industrie du diamant : il s’agit du gouvernement du Botswana. Sur le point de devenir un fournisseur majeur de brut de plein droit, c’est-à-dire indépendamment de la Diamond Trading Company (DTC), il pourrait même bientôt réussir à se faire entendre par la De Beers.
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Le gouvernement a la possibilité de porter sa participation dans la De Beers de 15 % à 25 % lorsque Anglo American aura racheté la part de la famille Oppenheimer, normalement au troisième trimestre. Le gouvernement devra donc décider dans les mois à venir s’il souhaite conclure la transaction.

Dans un cas comme dans l’autre, il existe des arguments valables. La De Beers est depuis longtemps une vache à lait pour le pays et, compte tenu des ressources diamantifères vastes, mais limitées, du Botswana, le gouvernement devrait peut-être exploiter cette industrie autant qu’il peut, et pendant qu’il le peut encore.

Le gouvernement est bien conscient de ses limites. Il s’est d’ailleurs engagé avec succès dans un programme de « plaque tournante du diamant », dont l’objectif est de réduire sa dépendance au secteur minier et de générer davantage d’activités liées aux diamants dans le pays. Aujourd’hui, ce sont 21 sightholders qui gèrent ou installent des structures de taille au Botswana. La DTC transfère actuellement ses sights de Londres à Gaborone ; en outre, de nombreux services annexes, tels que des banques, des sociétés de fret, des courtiers et des laboratoires y ont installé des bureaux (voir la vaste étude sur l’industrie en plein essor du Botswana publiée dans le prochain numéro de juillet de Rapaport Magazine). ‎

La phase de diversification suivante, qui vise à lancer les échanges de brut, est imminente malgré certaines difficultés et des retards croissants. La société nouvellement formée, Okavango Diamond Trading Company, continue de négocier un contrat visant à nommer un président-directeur général (PDG) et espère démarrer les ventes d’ici la fin de l’année, avec plus d’un an de retard. ‎

Pourtant, la diversification est bien engagée et l’attention se porte maintenant sur la transaction d’Anglo. En novembre, le géant minier a convenu d’acquérir la participation de 40 % de la famille Oppenheimer dans la De Beers pour un montant de 5,1 milliards de dollars, portant ainsi sa propre participation à 85 %. Dans le cadre de l’accord, le gouvernement a le droit d’augmenter sa participation dans la De Beers de 15 % à 25 %, auquel cas la participation d’Anglo s’élèverait à 75 %.‎

Nous ne savons que peu de choses sur les conditions de la convention d’option. Le gouvernement s’est probablement vu proposer le même prix que celui auquel Anglo a acheté la participation d’Oppenheimer. Il devrait donc verser 1,3 milliard de dollars environ pour ces 10 % supplémentaires.

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Des Kilalea, analyste chez RBC Capital Markets, a suggéré à Rapaport News que la décision du gouvernement serait donc sans doute purement budgétaire. Le gouvernement considère-t-il que la De Beers est un bon investissement pour ces 1,3 milliards de dollars ou ces fonds seraient-ils mieux affectés ailleurs ?

Dans son discours du budget prononcé en février, O.K. Matambo, le ministre botswanais des Finances et de la Planification du développement, a admis les contraintes budgétaires qui lui étaient imposées et a souligné les principales préoccupations du gouvernement pour l’année.‎

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« Les priorités du gouvernement pour le budget 2012-2013 restent la prestation de services et l’entretien des infrastructures existantes, avec l’achèvement des projets en cours, tels que la production d’énergie, les barrages, les routes et les projets rentables, qui présentent des taux de rendement élevés », a-t-il déclaré. « Ces domaines prioritaires devraient améliorer l’efficacité, créer de l’emploi et favoriser la croissance du secteur privé. »

Pour parler franchement, un investissement dans la De Beers ne contribuerait pas à créer des emplois et n’encouragerait pas non plus la croissance du secteur privé. Au contraire, il augmenterait les engagements déjà exagérés du secteur public. Au vu du contexte économique actuel, le Trésor sera également réticent à s’endetter davantage pour financer l’acquisition.

Compte tenu de la faiblesse de l’économie mondiale, le gouvernement pourrait aussi se demander s’il a vraiment intérêt à augmenter son exposition aux diamants. O.K. Matambo l’a confirmé, si les faibles prévisions de croissance pour le volume des ventes de diamants en 2012 se vérifient (prévisions qui pourraient encore s’être assombries depuis février), les conséquences pourraient être désastreuses pour l’économie locale.

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‎« Si l’économie mondiale connaissait une récession à double creux, dans une situation de fort endettement pour le pays, un rétablissement rapide et complet de l’économie nationale pourrait se révéler difficile. Nous devons donc être tous prêts à faire des sacrifices », a-t-il expliqué.‎

Bien sûr, l’inverse vaut également ; une reprise serait une aubaine pour le budget. Au moment de prendre sa décision, le gouvernement aura sûrement en tête le proverbial scénario d’une courbe croissante de la demande face à une pénurie du stock à long terme de la De Beers.

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La structure de participation du Botswana dans la De Beers revêt une forme complexe. En plus des 15 % détenus dans la société holding, il est également partenaire à égalité dans Debswana, coentreprise constituée avec la De Beers et société minière locale du diamant, et dans la DTC Botswana, le bureau de commercialisation local du brut. Dans le cadre de cette structure, sur chaque dollar vendu par la De Beers, 80 cents environ sont apportés par le gouvernement. ‎

En conséquence, il est difficile de quantifier, depuis l’extérieur, le chiffre d’affaires qui sera généré par les 10 % supplémentaires. Des Kilalea remarque que les actions aideraient à diversifier la participation du gouvernement dans les opérations minières en dehors du Botswana, étant donné les opérations sud-africaines, namibiennes et canadiennes de la De Beers. L’accord augmenterait également son exposition aux programmes de vente au détail et de produits synthétiques industriels de la société.

Cependant, une autre question, d’égale pertinence, porte sur la relation du gouvernement avec Anglo. Même si Nicky Oppenheimer était considéré comme l’homme de la situation de la De Beers pour le gouvernement, le désinvestissement de sa famille apporte une nouvelle dynamique pour le Botswana, plus axée vers l’entreprise, qui pourrait faire sortir le gouvernement de sa zone de confort. ‎

En fin de compte, avec ou sans les 10 %, le gouvernement restera un partenaire minoritaire dans l’entreprise. S’il pense pouvoir accroître son influence sur les décisions prises grâce à ces nouvelles actions, sa décision pourrait basculer en faveur de la transaction.‎

Le fait est peu probable, cependant, et le choix devrait s’appuyer sur d’autres facteurs. Comme l’affirme Des Kilalea, la décision devrait être liée au budget. Le gouvernement doit principalement établir si les bénéfices à long terme justifient le coût.‎

Toutefois, la décision doit aussi tenir compte de la stratégie économique à long terme du pays. Le gouvernement a eu raison de se positionner pour mieux tirer profit de ses ressources diamantifères. En fin de compte, son programme de plaque tournante et les développements qui y sont liés offrent de meilleures perspectives et des espoirs accrus pour son rôle prévu dans l’industrie. Non pas que les deux s’excluent mutuellement. Mais il semble peu probable que la transaction d’Anglo apporte des avantages supplémentaires. ‎

Source Rapaport