Amour, gloire et beauté : ce que les joailliers doivent savoir sur la génération Y

Kristin Young

Ou quels sont les liens entre la génération Y (souvent mal comprise) et le luxe, la consommation, les dépenses et la vente au détail.[:]

La génération Y a souvent été décrite comme narcissique et compétente, mais aussi comme des poules mouillées élevées par des parents omniprésents (« parents hélicoptère »), des enfants trophée qui sont récompensés ˗ non pas parce qu’ils ont gagné, mais pour le simple fait qu’ils ont participé à un événement ˗ et un groupe qui vit dans un monde numérique, éloigné de la réalité. Les qualificatifs évoquaient aussi la génération boomerang ou génération Peter Pan, qui retarde certains des rites de passage à l’âge adulte. Bon nombre des jeunes adultes de la génération Y qui ont un travail vivent toujours avec leurs parents. Et comme ils peuvent compter sur leur famille pour rebondir, ils sont capables de quitter leur emploi sur un coup de tête.

« De toutes les générations, c’est la plus mal comprise », affirme Jamie Gutfreund, la directrice marketing de Noise/The Intelligence Group, les éditeurs du rapport Cassandra, qui propose des prévisions et des perspectives sur le segment des jeunes consommateurs.

La génération Y est la plus habile avec les nouvelles technologies et la plus éduquée à ce jour. C’est la première génération internationale – un groupe qui se sent autant touché par les actualités à l’étranger que dans leur propre pays. Ils accueillent les autres cultures, ont une envie folle de voyager et recherchent des expériences authentiques plutôt que des gains matériels.

Ils sont réputés pour le plaisir qu’ils ressentent à farfouiller : ils achètent n’importe où et n’importe quand et interagissent avec les marques – parfois même au quotidien. Pourtant, ils conservent des articles dans leurs paniers d’achat en ligne, comme s’il était inutile de les valider.

Si ce sont de « faux-consommateurs », comme l’ont affirmé les détaillants et les spécialistes du marketing, les fils et les filles de la génération du baby-boom – nés entre le début des années 80 et l’an 2000 – sont aussi considérés comme le Saint Graal pour l’avenir de la consommation. Les chiffres sont prometteurs : estimée à 80 millions de personnes, rien qu’aux États-Unis, c’est la génération la plus importante depuis celle de leurs parents. Lorsqu’ils atteindront leur apogée en 2020, ils devraient dépenser 1 400 milliards de dollars chaque année, soit 30 % du total des ventes de détail, ainsi que l’affirme une enquête menée par le cabinet de conseil professionnel Accenture.

La génération Y continue d’évoluer, particulièrement dans le segment du luxe.

[two_third]À la différence des générations précédentes, qui gravitaient autour du sac ou des objets de marque « dont tout le monde parle », la génération Y considère généralement le luxe comme quelque chose de personnel, qui n’est pas destiné à impressionner les autres. Selon Jamie Gutfreund, 72 % des membres la génération Y affirment que le luxe est un signe de qualité, tandis que 41 % d’entre eux affirment que le luxe ne tient pas tant à l’objet qu’à sa durée de vie. « Après la récession, ils se sont habitués à ne plus avoir besoin de beaucoup de choses, explique-t-elle. Ils sont confrontés à la rareté des emplois et à des prêts étudiants plus élevés que toute autre génération et ils doivent encore prendre des crédits. Si vous épinglez [sur Pinterest] une pièce Bulgari, vous êtes dans le move. Vous n’avez pas nécessairement besoin de l’acheter. »[/two_third][one_third_last]

« La génération Y considère généralement le luxe comme quelque chose de personnel, qui n’est pas destiné à impressionner les autres. »

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La génération Y entretient une relation un peu décalée avec la propriété. Lorsqu’ils décident d’acheter un article cher, ils évaluent longuement sa valeur à la revente. Près d’un tiers de ceux qui ont été interrogés par le rapport Cassandra en 2013 ont affirmé avoir revendu des articles coûteux sur des sites de petites annonces comme Craigslist dans les six premiers mois. À peu près la moitié d’entre eux se sont dits intéressés par la location de marchandises de prix dont ils avaient besoin pour une occasion particulière, au lieu de les acheter au prix fort. Pourtant, ils pensent aussi sur long terme et sont prêts à dépenser plus pour faire un investissement, plutôt que d’acheter des bijoux de mode ou de fantaisie.

« Le luxe est proportionnel à leurs revenus, affirme Jamie Gutfreund. Une paire de boucles d’oreilles asymétriques « mise en Dior », aux environs de 450 dollars, est un article de luxe pour de nombreux membres de la génération Y. Sa valeur à la revente est importante, c’est un classique et cela se remarque. »

Même si une grande partie de la génération Y n’a pas encore atteint le summum de sa carrière (les plus vieux ont 35 ans), certains s’enrichissent rapidement. Cela a été l’une des plus grosses révélations pour Milton Pedraza, le PDG de l’institut Luxury, basé à New York. « Nous constatons un effet de seuil des richesses », explique-t-il, ajoutant que certains membres de la génération Y, plutôt aisés, sont extrêmement jeunes et travaillent généralement dans la Silicon Valley et la Silicon Alley, dans les services financiers et dans les médias. Ils commencent aussi à hériter des richesses de la génération du baby-boom. « Les riches le deviennent plus rapidement et veulent des articles et des services de luxe plus vite que ce que l’on avait prévu, affirme Milton Pedraza. Nous pensions que l’évolution serait plus lente. »

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Pour la génération Y, la marque compte – mais pas pour le seul plaisir de l’exhiber. Ils étudient attentivement sa réputation et les expériences des autres avec elle. Ils veulent également de la transparence, exigent de l’authenticité et des pratiques commerciales éthiques. Ils réagissent particulièrement bien lorsque les marques sont à même de leur raconter l’histoire de leurs articles ou d’en expliquer la provenance.

L’été dernier, LVMH a ouvert les portes de ses ateliers privés en France, en Italie et en Espagne pour la deuxième édition des « Journées particulières ». Elle a ainsi invité le public à découvrir comment sont fabriqués ses articles de luxe. L’initiative a connu un succès retentissant, notamment auprès des consommateurs les plus jeunes, et a attiré un total de 120 000 visiteurs en un week-end.

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« Pour la génération Y, la marque compte – mais pas pour le seul plaisir de l’exhiber. Ils étudient attentivement sa réputation et les expériences des autres avec elle. Ils veulent également de la transparence, exigent de l’authenticité et des pratiques commerciales éthiques. »

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Certes, la génération Y veut connaître l’histoire des marques, mais ils veulent aussi être entendus. Parfois appelés « consommateurs aventuriers », ils entendent apporter une contribution aux marques dans lesquelles ils croient, aussi bien au plan créatif que financier. Et cela ne vaut pas que pour les petites marques, les grands noms internationaux sont également concernés.journees-particulieres-lvmh-affiches

« Ils s’imaginent consultants, explique Milton Pedraza. Ils ne veulent pas se lancer dans un monologue. La génération Y semble donc bien plus décidée à partager ses données. »

La génération Y veut avoir son mot à dire dans ce que fait ou crée une marque. Leurs attentes sont donc décuplées. Ils ne considèrent pas que les e-mails provenant des marques soient du courrier indésirable, à condition qu’ils soient pertinents – à charge pour les marques et les détaillants de procéder à un vrai travail d’analyse pour personnaliser leurs offres.

« S’ils doivent dépenser de l’argent pour un produit, ils savent qu’ils investissent dans une marque, affirme Jamie Gutfreund. Ils veulent être considérés comme des actionnaires, ils jouent un rôle dans le résultat. »

Gabriel & Co., une maison de joaillerie de New York, aide les détaillants indépendants à se tenir au courant des dernières tendances numériques de la génération Y. Elle propose tout un ensemble d’initiatives, notamment un nouveau logiciel exclusif, Engaged eShop, qui peut être intégré sur le site Internet des détaillants.

Ce logiciel permet aux utilisateurs de découvrir le stock d’une marque selon des critères de matière, de style ou de collection. Il offre une vision des produits à 360° et fournit des informations sur les tarifs en temps réel. Grâce à eShop, les détaillants peuvent proposer à leurs clients une expérience d’achat complète sur Internet, en évitant le coût du stockage physique des marchandises.

« Nous avons dû nous battre pour redonner le pouvoir aux détaillants, explique Jack Gabriel, le fondateur et PDG de la société. Il y a un intérêt formidable à associer un site Internet professionnel à un magasin traditionnel. [Un programme comme eShop] nécessiterait des centaines de milliers de dollars d’investissements. »

Pour avoir le maximum de succès, les entreprises doivent aborder la génération Y sur de multiples canaux – magasins traditionnels, sites Internet et applications mobiles. Simplement, n’oubliez pas que la transparence s’applique des deux côtés. « Ils ont une arme formidable avec Facebook et YouTube – si vous cherchez à arnaquer la génération Y, cela se saura très vite, explique Milton Pedraza. Vous devez tenir vos engagements. »

Bien que la technologie nous isole socialement, cette génération apprécie fortement le contact personnel dans les magasins. La génération du baby-boom effectue des recherches en ligne, puis se rend dans un magasin pour acheter l’article. La génération Y fait l’inverse. Ils se rendent dans les magasins pour vivre une expérience. Ainsi, le magasin phare d’Urban Outfitters à New York a fait du shopping un véritable jeu pour la génération Y. Il emploie des vendeurs très loquaces et propose un lieu pour découvrir de vieux appareils photo, ainsi qu’un photomaton qui permet de publier des images sur Instagram. Pourtant, ne soyez pas surpris si ces visiteurs quittent le magasin les mains vides et achètent sur Internet.

« Les besoins humains de base n’ont pas changé, explique Milton Pedraza. Ce qui a changé, c’est la façon dont les gens cherchent à les satisfaire. Les êtres humains sont très importants et les relations humaines plus importantes que jamais. »

Source JCK Online


Photos Dior et LVMH.