Agir sur le changement

Avi Krawitz

La De Beers évoque le changement, exhortant le marché à anticiper face à un environnement volatil et toujours incertain. Même si la société a adressé son message à l’industrie dans son ensemble, et plus particulièrement aux sightholders, elle continue d’adapter son ordre du jour et sa stratégie commerciale pour garantir sa croissance sur un marché en constante évolution.[:]

Pour analyser la stratégie de la De Beers, il faut prendre un peu de recul, car la société semble progresser au-delà de son simple rôle de fournisseur de brut. 

On pourrait bien sûr imaginer que le minier se positionne pour capitaliser sur chacun des domaines de croissance du secteur. Après tout, Forevermark lui assure une présence dans la vente au détail de bijoux, ainsi qu’une capacité de certification des diamants et un positionnement d’image de marque. La société a également œuvré pour lutter contre la menace que représente l’arrivée sur le marché des diamants synthétiques non déclarés. Pour cela, elle vend des produits comme ses machines DiamondSure, DiamondView et Automated Melee Screening.

En août, la De Beers a fait part de son intention d’entrer sur le marché secondaire du taillé. Elle a ainsi étudié diverses façons d’améliorer la procédure de revente des diamants, proposée au consommateur. Lors du prochain salon Hong Kong Jewellery and Gem Fair, la société dévoilera aussi une nouvelle initiative dans le domaine de la recherche. Celle-ci proposera des informations sur le marché, grâce à un rapport inaugural intitulé Diamond Insight Report et un projet de site Web associé.

Certes, la De Beers tire la grande majorité de ses revenus des ventes de brut sur les plates-formes des sights et des enchères, revenus qu’elle complète par une offre de diamants industriels au moyen d’Element Six. Mais la société s’aventure aussi dans les marchés du taillé et de la vente de détail, de la certification, de l’équipement, de la recherche, ainsi que de la création de marques. 

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Du point de vue de la De Beers, ces étapes sont nécessaires pour maintenir sa position au sommet de la pyramide. Même si ces initiatives sont logiques sur le plan économique – elles devraient finir par assurer des revenus supplémentaires, si ce n’est déjà le cas – la direction assure qu’elles permettent de protéger l’intégrité du produit et de garantir la proposition de valeur des diamants, tant pour le bien de la De Beers que pour celui de l’industrie.

Un porte-parole de la De Beers a expliqué à Rapaport News que la société appuie sa philosophie sur quatre piliers : 1. l’intégrité du produit, pour affronter des menaces, comme celle des diamants synthétiques non déclarés ; 2. l’intégrité éthique, afin de protéger le produit contre l’effet des conflits, des abus des droits de l’homme ou des pratiques de travail inéquitables et autres ; 3. assurer la valeur émotionnelle des diamants, dans le cadre de ses initiatives de marketing et de marque par Forevermark ; 4. préserver la valeur financière des diamants, ce que la société espère réaliser en entrant sur le marché secondaire.

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« La société appuie sa philosophie sur quatre piliers : 1. l’intégrité du produit, 2. l’intégrité éthique, 3. assurer la valeur émotionnelle des diamants, 4. préserver la valeur financière des diamants. »

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La De Beers entend augmenter la valeur de son offre principale de brut en suivant ces directives. Elle exhorte ses clients à lui emboîter le pas, en s’ouvrant au changement.

Les sightholders ont déjà vécu des changements importants l’année dernière. Philippe Mellier, le PDG de la De Beers, l’a reconnu lors du récent séminaire Business Excellence organisé pendant le sight du mois d’août au Botswana : le plus important a été le changement d’environnement, les sights ayant déménagé de Londres à Gaborone.

La prochaine exigence pour les sightholders – ce sera peut-être le changement le plus important – sera de s’adapter aux Normes internationales d’information financière (IFRS). Cela sera obligatoire pour obtenir un sight au cours de la prochaine période contractuelle, qui débutera le 1er avril 2015. S’ils postulent pour un contrat dans les mois à venir, les sightholders devront prouver qu’ils respectent les principes de bonnes pratiques de la De Beers et qu’ils disposent d’une structure d’entreprise conforme à l’IFRS – ou d’un programme pour y parvenir avant 2017.

Même si la De Beers cherche à s’entourer de clients bien structurés et stables financièrement, capables de résister aux périodes de volatilité, la société affirme également que, face à un environnement bancaire prudent et changeant, la conformité financière est nécessaire à l’industrie.

Dans un entretien récent avec Rapaport News, Nigel Simson, le vice-président senior des ventes internationales aux sightholders de la De Beers, a affirmé : « Nous savons que de nombreuses banques cherchent à réévaluer leur exposition à l’industrie et que les liquidités posent problème. » Selon lui, l’industrie doit s’assurer un financement supplémentaire, en provenance d’autres sources. Cela ne sera possible que si elle peut justifier du niveau de transparence attendu et du respect des réglementations financières. Elle doit pouvoir rassurer une banque souhaitant prêter à un nouveau client potentiel.

[two_third]Il est difficile de contester ce point. Et, de fait, lorsque les fabricants pourront prouver que la transparence financière et la conformité se sont améliorées, l’industrie profitera forcément d’une position plus saine et d’une meilleure réputation. Ce faisant, la De Beers demande également aux sightholders de changer d’optique professionnelle. En un sens, elle leur demande de basculer d’un modèle d’activité familial à une structure plus professionnelle – à l’instar de ce qu’a fait la De Beers lorsque Anglo American a racheté la participation des Oppenheimer dans la société en 2012.[/two_third][one_third_last]

« Elle leur demande de basculer d’un modèle d’activité familial à une structure plus professionnelle. »

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En adoptant une structure plus professionnelle, la De Beers suppose que les fabricants élargiront leur vision du marché et seront mieux préparés à affronter les défis actuels de l’industrie.

Selon la De Beers, l’un des plus urgents parmi ces défis est de travailler sur un marché du luxe de plus en plus concurrentiel. Philippe Mellier a demandé aux sightholders de collaborer avec la De Beers afin de mieux comprendre le secteur – du luxe, et pas seulement des diamants –, en vue d’y garantir la position de l’industrie du diamant. De meilleures connaissances permettraient également aux diamantaires de se positionner pour être plus à l’aise face aux incertitudes, a-t-il expliqué. L’objectif, selon Philippe Mellier, est de pouvoir finalement prévoir les développements du marché, voire d’influencer l’avenir, de sorte que les autres produits de luxe soient obligés de suivre.

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C’est tout à fait ce que semble faire la De Beers dans sa stratégie commerciale. En se positionnant sur l’ensemble de la filière, la société peut non seulement améliorer la proposition de valeur de ses diamants, mais aussi mieux gérer un marché incertain et, peut-être même, agir sur les futurs changements.

Philippe Mellier a formulé ses ambitions en évoquant le rôle qu’a joué Apple dans l’évolution de l’industrie musicale, grâce à iTunes, une innovation qui lui a permis de dominer le marché. Il a ensuite expliqué que la De Beers avait obtenu un effet similaire sur le marché de la joaillerie au XXe siècle. Selon lui, « nous étions face à une réalité économique changeante aux États-Unis, avec une classe moyenne grandissante qui affichait des revenus disponibles. Nous avons alors créé une nouvelle catégorie de consommateurs, en développant le rêve du diamant et en capitalisant sur la valeur émotionnelle des produits en diamants. »

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« Philippe Mellier a demandé aux sightholders de collaborer avec la De Beers afin de mieux comprendre le secteur – du luxe, et pas seulement des diamants –, en vue d’y garantir la position de l’industrie du diamant. »

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Cette mission est toujours d’actualité. La De Beers affirme que le rêve des diamants est menacé par des problèmes de réputation (diamants synthétiques non déclarés, diamants du conflit et atteintes aux droits de l’homme). Sa valeur financière recule, car les consommateurs n’arrivent pas toujours à revendre leurs diamants à un prix équitable.

En outre, parallèlement au développement de la classe moyenne, un énorme potentiel est apparu en Chine et en Inde. Les consommateurs y disposent de choix désormais beaucoup plus vastes pour les produits de luxe. Les bijoux en diamants luttent pour attirer l’attention des consommateurs face à des iPad, smartphones, téléviseurs, sacs à main, articles de mode haut-de-gamme et autres.

L’industrie a donc certainement besoin d’une stratégie pour affronter ces défis et il faut féliciter la De Beers pour sa prise de conscience et son approche anticipative. Alors, une fois de plus, la logique commerciale veut peut-être que l’on se diversifie pour aborder l’incertitude de manière efficace. Comme l’a souligné Monsieur Mellier, « les diamants sont éternels, mais l’industrie diamantaire continuera d’évoluer. » Quant à savoir si le reste de l’industrie se prépare à ces défis, la question posée par le minier est digne d’intérêt.

Source Rapaport