Varda Shine – « Les sightholders et l’ITO resteront le noyau des activités de la De Beers »

Marianne Riou

Inutile de présenter Varda Shine aux professionnels du diamant ! À l’aube de sa nouvelle vie, l’emblématique vice-présidente des ventes mondiales de la DTC a accepté de revenir, pour www.rubel-menasche.com, sur son parcours au sein de la De Beers. [:] Elle évoque avec nous 30 ans de passion dans un secteur qui n’a sans doute pas fini d’entendre parler d’elle…

– Mme Varda Shine, pourriez-vous nous raconter comment vous en êtes venue à travailler dans l’industrie et, surtout, à rejoindre la De Beers, au sein de Diamdel, à Tel Aviv d’abord, en 1984 ?

À l’issue de mon service national en Israël, j’ai postulé avec succès pour des études de médecine, à l’université. En attendant la rentrée, j’ai pris un emploi d’été chez Diamdel pour me constituer un pécule. Or, je suis rapidement devenue « accro aux diamants » et j’ai décidé de rester dans l’entreprise. Il n’a pas fallu longtemps avant que je sois promue directrice des ventes et je ne l’ai jamais regretté.

Au final, j’ai passé 30 ans dans l’industrie du diamant, auprès de la De Beers, à travailler à divers postes et dans différents endroits. La plupart des fonctions que j’ai occupées étaient liées à la vente ou à l’évaluation du brut de la De Beers.

– Pourriez-vous revenir sur votre parcours de façon plus précise ?

En tant que de Directrice des ventes chez Diamdel, j’ai eu un rôle majeur à jouer dans l’introduction de nouvelles plateformes logicielles pour informatiser la gestion des stocks et des processus d’affaires. J’y ai perfectionné mes connaissances du marché et, en 1997, j’ai été mutée à la DTC à Londres. En 1998, je suis devenue Directrice de la production à la DTC, avant de reprendre le poste de Directrice des ventes en 2003, puis celui de Directrice générale de la DTC en 2006.

– Pourriez-vous nous détailler votre arrivée à Londres et cette étape de votre carrière ? Quels souvenirs en gardez-vous ?

Le déménagement à Londres m’a offert une excellente occasion de m’impliquer davantage dans le monde du diamant et d’appliquer ce que j’avais appris chez Diamdel. Une fois à la DTC, j’ai présenté un nouvel assortiment de brut et j’ai pu agir immédiatement, en appliquant mes connaissances, telles que je les avais développées en Israël.

À l’époque, l’industrie restait encore très traditionnelle et dominée par les hommes, mais j’ai pu m’y faire une place grâce à mon expérience de l’environnement commercial de Tel-Aviv.

DTC

– Vous êtes ensuite devenue vice-présidente exécutive des ventes mondiales à la DTC, ce que l’on appelle aujourd’hui les ventes internationales aux sightholders, et ce pendant près de 8 ans. Une position clé ! Quel était exactement votre rôle ? Quelles étaient vos tâches ?

Ce poste impliquait diverses tâches et responsabilités.

Mes activités portaient principalement sur le tri et l’évaluation du brut, les ventes et la tarification, ainsi que la recherche et le développement. Pendant mes deux premières années en poste, je supervisais également la fonction marketing de la De Beers. Par la suite, l’organisation a été restructurée et Forevermark est devenue une antenne autonome.

Je devais aussi collaborer avec un large éventail de parties prenantes et veiller à doser efficacement leurs intérêts. Je me suis beaucoup concentrée sur la construction et le maintien des relations qui sont au cœur des activités de la De Beers. Cela impliquait des relations très étroites avec les sightholders, ainsi qu’avec les représentants des gouvernements des pays producteurs, partenaires de la De Beers.

Autre point clé du poste : la gestion des talents et l’aide au développement des leaders de demain.

– Comment s’est passée la collaboration avec les sightholders ? Ce système a structuré le marché pendant des années et garanti le monopole de la De Beers. Quel est son avenir ?

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La De Beers n’a pas de monopole dans l’industrie, mais elle jouit d’excellentes relations avec les sightholders. Les sightholders figurent parmi les plus grands diamantaires au monde et, grâce à leurs relations avec la De Beers, ils ont pu engendrer beaucoup de changements positifs dans l’industrie.

Actuellement, 90 % du brut de la De Beers se vend par l’intermédiaire des sightholders, les 10 % restants sont vendus aux enchères. Je crois que cet équilibre entre contrats à terme et enchères offre à la De Beers le meilleur canal commercial possible. Personnellement, je vois un avenir prometteur à la communauté des sightholders. La De Beers démarrera une nouvelle période contractuelle en 2015. Elle en profitera pour se concentrer sur le renforcement de ses relations avec eux. Les sightholders et l’ITO resteront le noyau des activités de la De Beers.

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« Les sightholders et l’ITO resteront le noyau des activités de la De Beers. »

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– Que pouvez-vous nous dire sur vos partenariats avec les gouvernements de Namibie, du Botswana et d’Afrique du Sud ? Plus généralement, quelles relations aviez-vous avec les représentants des pays producteurs ? Ce négoce est essentiel pour les deux parties…

Je suis très fière de dire que j’entretiens d’excellentes relations avec les représentants de nos partenaires gouvernementaux. Ces collaborations ont assuré des avantages mutuels, ils ont été l’un des plus grands plaisirs de ma carrière.

La De Beers a connu beaucoup de succès dans son travail auprès des gouvernements, dans un élan pour aboutir à des approches novatrices de partenariats public-privé. Dans notre modèle, nos intérêts commerciaux sont liés aux objectifs de valorisation des pays producteurs partenaires. Il en ressort une situation gagnant-gagnant-gagnant pour la De Beers, les sightholders et les pays producteurs.

– Quels changements a entraîné le rachat de la De Beers par Anglo American ? Et le transfert à Gaborone ?

À bien des égards, très peu de choses ont changé lorsque Anglo American a fait passer sa participation dans la De Beers à 85 %. Anglo American sait bien que l’industrie est unique et fait confiance à l’expérience et aux compétences de l’équipe de direction de la De Beers. Être présent dans le groupe Anglo American a aussi eu des avantages. Faire partie d’un grand groupe est bénéfique en termes de processus et de systèmes et permet des économies d’échelle dans des secteurs comme l’approvisionnement.

Avec le transfert de nos ventes internationales aux sightholders, de Londres à Gaborone, nous sommes fiers d’avoir réussi une transition tout en douceur. Même si le déménagement n’a pas obtenu l’assentiment de tous les employés à qui il a été proposé (comme ce serait le cas pour n’importe quel transfert à grande échelle d’une activité économique de ce type), le vivier de talents de la De Beers a permis d’éviter toute interruption des opérations. La division des ventes internationales aux sightholders a également emménagé dans de nouveaux bureaux ultra-modernes à Gaborone. Les sightholders ont ainsi profité d’un environnement d’achat optimisé.

– Ces 8 dernières années, y a-t-il eu des événements qui vous ont particulièrement marquée ? Peut-être une anecdote dont vous aimeriez nous parler ?

Une chose, me semble-t-il, a été marquante ces huit dernières années, c’est la création de la DTC Botswana et de la DTC Namibie, des co-entreprises avec les gouvernements respectifs de ces pays. Je garde des souvenirs mémorables de la présidence des conseils d’administration de ces sociétés. Il fallait veiller à ce que les partenaires gouvernementaux comprennent bien les pressions et les possibilités qui entouraient ces entreprises et s’assurer que les conseils d’administration œuvrent au bénéfice de la co-entreprise, et non de l’un des actionnaires.

DTC-Kimberley

– Peu de femmes peuvent prétendre à un poste aussi important que le vôtre dans l’industrie du diamant. Pourquoi est-ce ainsi, selon vous ?

Historiquement, comme dans de nombreux domaines du monde des affaires, l’industrie a été très dominée par les hommes. Je me plais à penser, cependant, que j’ai aidé à ouvrir la voie, pour que davantage de femmes soient nommées à des postes de direction dans l’industrie.

– Nous pouvons affirmer que la De Beers et l’industrie se trouvent à un tournant. Comment voyez-vous l’avenir de chacun d’eux ? Quels sont les principaux défis à venir ?

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Je pense que l’avenir, tant de la De Beers que de l’industrie, devrait être radieux. Nous savons tous que les bases de l’offre et de la demande à long terme sont très favorables. De nouveaux marchés de consommation stimulent la croissance, tandis que leurs économies se développent.

En termes de défis, je dirais que l’industrie doit poursuivre ses efforts en matière de transparence, de professionnalisme et de solidité financière. Nous avons parcouru un long chemin depuis dix ans environ, mais ce n’est pas fini. L’industrie doit aussi se montrer forte face à des produits de plus en plus nombreux, qui rivalisent pour gagner des parts sur les budgets des consommateurs, tels que les vacances de luxe et les gadgets high-tech.

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« Nous savons tous que les bases de l’offre et de la demande à long terme sont très favorables. »

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Quant à la De Beers, il me semble qu’elle va devoir poursuivre son évolution pour conserver sa position de leader.

– Pensez-vous que les questions éthiques – aussi primordiales que la définition des diamants du conflit, le rôle du KP ou les créateurs officiels et officieux des diamants synthétiques – ont avancé ces dernières années ? Selon vous, quelles sont les priorités à traiter ?

Je crois que le Kimberley Process a bien réussi dans l’ensemble. Bien sûr, ce n’est pas une construction parfaite et l’industrie doit continuer à travailler pour répondre aux défis qui se présentent. Cependant, au sein du Kimberley Process, les gouvernements, l’industrie et la société civile se sont réunis pour aborder une question éthique, d’une manière rarement adoptée dans une autre industrie. Je pense que nous devrions tous être fiers de son efficacité dans la gestion des diamants du conflit.

[two_third]Avec les synthétiques, la stratégie des 3D (détection, déclaration et différenciation) s’est révélée efficace et elle le reste. L’industrie va devoir l’appliquer différemment mais je ne crois pas que le problème soit aussi répandu que certains le laissent croire. Or, les consommateurs nous disent souvent que, pour célébrer les moments les plus importants de leur vie, ils veulent de l’authentique. Pour moi, la priorité est de continuer à intégrer une réglementation interne efficace, en mettant l’accent sur la déclaration, la gestion du risque dans la filière et l’accès à un équipement de test efficace.[/two_third]

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« Les consommateurs nous disent souvent que, pour célébrer les moments les plus importants de leur vie, ils veulent de l’authentique. »

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– Vous quittez la De Beers. Que retiendrez-vous du temps passé en son sein ?

En 30 ans, j’ai recueilli tellement de souvenirs qu’il m’est difficile de n’en choisir qu’un. Je me souviendrai surtout des personnes et de leur passion pour les diamants, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la De Beers.

– Vous êtes aussi membre du DEF et vous avez reçu de nombreuses distinctions. Pourriez-vous nous en dire plus ? Pourquoi est-ce important ?

Le Diamond Empowerment Fund (DEF) est une organisation internationale à but non lucratif dont la mission est de recueillir des fonds pour soutenir des initiatives d’éducation et autonomiser les personnes économiquement défavorisées dans les pays africains où les diamants sont une ressource naturelle. Je crois que le DEF peut jouer un rôle de premier plan pour développer la place de l’activité dans les pays producteurs. Il permettra à leurs citoyens de jouer un rôle plus important sur la scène internationale du diamant.

– À l’aube de ce nouveau chapitre de votre carrière, avez-vous des souhaits particuliers ? Peut-être un projet dont vous aimeriez nous parler ? Ou un rêve ?

Trente ans, c’est une longue période à consacrer à une organisation. Je suis donc impatiente de prendre un peu de temps pour me détendre et réfléchir. Je me concentrerai ensuite sur le prochain chapitre de ma carrière, mais ma passion pour les diamants et l’industrie reste intacte.


Photos DTC and Shining lights awards