Une nouvelle année plus heureuse ?

Avi Krawitz

Les diamantaires se réjouissent de voir s’éloigner 2014. Après tout, l’année a été difficile. Les prix du taillé ont baissé, accélérant la tendance générale apparue au milieu de l’année 2011.[:] On comprend donc l’incertitude qui règne face aux perspectives pour l’année à venir, étant donné les grands défis qui perdurent. 

Pour reprendre un argument avancé dans cette rubrique la semaine dernière, rappelons que les banques se montrent plus strictes dans leurs prêts à l’industrie, que les liquidités sont serrées et les marges bénéficiaires encore plus restreintes (voir l’éditorial, « L’histoire du diamant en 2014 », publié le 26 décembre 2014). Au vu des baisses rapides des prix du taillé en décembre et au cours de la majeure partie de l’année 2014, on pourra pardonner aux fabricants et aux négociants la prudence dont ils font preuve.

Mais tout n’est pas négatif. La demande américaine est stable et l’économie montre des signes de solidité. L’industrie diamantaire semble également faire lentement le ménage, notamment sur les questions de la conformité financière et du marketing. Ces procédures vont certainement dans la bonne direction. Elles sont nécessaires à la bonne santé à long terme de l’industrie, même si, inévitablement, les difficultés vont aller croissant.

L’évolution du marché est donc très difficile à prévoir cette année. Il faudra suivre de près les actualités et les tendances qui pourraient le façonner. Voici certains sujets auxquels nous prêterons attention en 2015, sans qu’ils soient classés dans un ordre particulier :

Les contrats et les prix du brut de la De Beers

En théorie, les prix du brut devraient baisser au premier trimestre 2015, contrairement à 2014. L’année dernière à la même époque, ils avaient grimpé, stimulés par des réapprovisionnements en taillé et consécutivement à une baisse au quatrième trimestre 2013 – lors des sights de la De Beers et sur les marchés secondaires et au comptant. La correction du quatrième trimestre avait permis aux fabricants d’améliorer leurs marges bénéficiaires début 2014.

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Cette année n’a pas apporté le même ajustement des prix du brut au quatrième trimestre. Malgré une correction sur le marché secondaire, la De Beers a maintenu des tarifs relativement stables, y compris en décembre. Les marges bénéficiaires et les liquidités restent limitées chez les grands fabricants qui ont, par conséquent, refusé une part plus importante que d’habitude des marchandises de la De Beers lors du sight de décembre.

Les niveaux de stocks restent aussi élevés dans la chaîne de distribution et personne ne sait encore dans quelle mesure la demande sera stimulée par un réapprovisionnement des stocks au premier trimestre – comme c’était le cas en 2014.

Si les liquidités se font de plus en plus rares, les fabricants pourraient continuer à refuser du brut très cher et ainsi obliger les sociétés minières à baisser leurs prix.

Or, dans la pratique, il n’en sera probablement pas ainsi. D’une part, la De Beers adapte les prix à chaque sight et pour chaque catégorie, au lieu d’appliquer des réductions à large spectre. Et la société négocie également avec les sightholders de nouveaux contrats de trois ans, qui entreront en vigueur le 1er avril. Ces clients pourraient être réticents à mettre leur statut en péril – au cas où ils refuseraient des marchandises –, même si la De Beers a simplifié la procédure de sélection. Les sightholders existants devraient maintenant être quasiment garantis d’être reconduits.

La De Beers introduira également des mécanismes visant à stimuler la concurrence pour le brut, ce qui lui permettra de maintenir ses prix. Le système des acheteurs accrédités pour la prochaine période contractuelle pourrait permettre à la De Beers de proposer du brut à davantage de sociétés non sightholders.

De plus en plus de fabricants, et de détaillants aussi, d’ailleurs, obtiendront un approvisionnement de brut sous contrat en 2015, puisque davantage de grandes sociétés minières proposent des accords de ce type : la De Beers, ALROSA, Rio Tinto et Dominion, entre autres.

L’écart entre l’approvisionnement sous contrat et les marchés secondaires et au comptant pour le brut devrait donc devenir encore plus perceptible. Nous verrons, en 2015, si les fabricants peuvent (ou veulent) payer des prix élevés pour le brut dans ces deux domaines.

Conformité financière et crédit bancaire

La De Beers a simplifié les procédures de postulation pour son nouveau contrat. Il suffit maintenant aux postulants de prouver qu’ils ont demandé suffisamment de brut, qu’ils se conforment aux principes de bonnes pratiques de la De Beers en matière de performances éthiques et qu’ils respectent les normes internationales d’information financière (IFRS).

La société soutient que ces exigences de conformité financière font partie d’une stratégie pour rendre l’industrie plus solide. Sa direction explique que, grâce à des bases financières solides et bien structurées, l’industrie sera mieux à même d’affronter la volatilité du marché.

Les banques exigent la même chose. Nous l’avons vu dans cette rubrique la semaine dernière, la baisse du crédit bancaire à l’industrie a sans doute été l’actualité la plus importante de l’année 2014. L’industrie a reconnu avoir besoin de redorer son image face aux banques, afin d’attirer plus de financement. Elle admet qu’elle n’y parviendra qu’en appliquant des normes professionnelles et des rapports financiers mieux structurés, transparents et plus réglementés.

Il semblerait que fabricants et négociants n’aient d’autre choix que de se conformer à ces exigences s’ils souhaitent s’assurer un approvisionnement en brut et un financement en 2015.

Laboratoires de certification

Si les laboratoires ont fait l’objet de discussions en 2014, l’effervescence devrait légèrement retomber cette année. Notons au moins que les retards du Gemological Institute of America (GIA), dont l’effet s’est fait sentir sur les liquidités et le fonctionnement du marché l’année dernière, semblent avoir reculé. L’institut a en effet considérablement amélioré ses délais de certification.

Les autres actualités relatives aux laboratoires devraient perdurer et probablement s’intensifier. Plusieurs procès ont été intentés contre un joaillier américain pour cause de déclarations erronées de la qualité de ses diamants à l’aide de rapports d’EGL International, après quoi Rapaport Group a interdit EGL sur son réseau d’échange RapNet. Le marché espère désormais que les pratiques de certification vont se standardiser.

Rapaport soutient qu’il est inéquitable de certifier des diamants à l’aide de la terminologie du GIA, tout en appliquant d’autres normes qui surclassent les diamants.

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Reste à espérer que les bruits entourant EGL obligeront les vendeurs à se montrer responsables de ce qu’ils vendent et, notamment, à produire des rapports de certification qui reflètent la juste qualité des pierres.

Cette année, le marché, ainsi que ses partenaires dans la vente de détail de bijoux, sera de plus en plus confronté au problème du surclassement des diamants et de la terminologie utilisée par les divers laboratoires, laquelle désigne souvent des qualités différentes.

Une marque générique pour les diamants

Une marque devrait être créée pour les diamants génériques, afin de défendre leur intégrité face aux consommateurs. Il semblerait même que l’industrie soit enfin prête à améliorer son image pour les consommateurs. Le lancement en 2014 de la World Diamond Mark (WDM) – et l’annonce début janvier de son premier négociant autorisé – pourraient lancer la campagne de marketing générique.

Même si diamants et bijoux de marque devraient être de plus en plus présents en 2015, la World Diamond Mark Foundation prétend que le diamant lui-même est une marque et qu’il doit être vendu en tant que tel, pour retrouver son statut de produit de luxe le plus envié.

La WDM a attiré l’attention sur elle en décembre avec sa nouvelle Conférence mondiale sur le diamant à New Delhi et les quelques événements marketing prévus dans les mois à venir en Turquie et à Dubaï.

Ce programme est la réponse du marché à l’appel au marketing générique lancé après que la De Beers a réservé son budget à la promotion de ses propres marques. C’est la mesure dans laquelle l’industrie appuiera la WDM en 2015, en lui apportant financement et participation, qui assurera la pérennité de l’initiative ou signera son arrêt de mort. C’est cela qui permettra de tester l’efficacité (ou la nécessité) du marketing générique à long terme pour l’industrie, dans le monde d’aujourd’hui, axé sur les marques.

Une croissance stimulée par les États-Unis

L’objectif du programme WDM est d’augmenter la demande des consommateurs et donc d’améliorer les marges bénéficiaires des détaillants, ce qui devrait, espérons-le, se répercuter en cascade sur le marché.

Les ventes de bijoux en diamants devraient augmenter au même rythme que ces dernières années, de quelques points en pourcentage. La croissance est actuellement stimulée par les États-Unis, où tous les indicateurs économiques récents se sont montrés encourageants. L’économie se développe à un taux annuel solide de 3 %, tandis que les chiffres officiels du chômage se sont stabilisés bien en dessous de 6 % et que les revenus disponibles sont en augmentation. Un dollar plus fort et la chute des prix du pétrole devraient permettre d’accroître les revenus disponibles des ménages.

D’autres grands marchés de bijoux en diamants se montrent plus prudents, avec le ralentissement de la demande en Chine et en Inde, qui fait suite à des années spectaculaires, pour revenir à des taux plus durables. Toutefois, la campagne anticorruption du gouvernement chinois et son programme pour avancer vers une économie plus axée sur la consommation restent une mise en garde face à la croissance de 7 % que le pays a maintenue.

Pourtant, le marché continue de se demander si la progression attendue de la demande des consommateurs donnera des résultats bénéfiques. Avec des niveaux de stocks considérés relativement élevés pour cette période d’après-fêtes, on pourrait s’attendre à ce que le premier trimestre voit de nouveau les stocks baisser – en particulier au cours de la période du Nouvel An chinois. Cela pourrait alors stimuler les échanges plus tard dans l’année, avec l’espoir sincère que les marges bénéficiaires s’amélioreront, parallèlement à la demande, tandis que les diamantaires apprendront à mieux gérer leurs finances et leurs achats de brut. Il n’y a aucune raison que l’année 2015 et son actualité ne soient pas bonnes.

Source Rapaport