Une demande durable

Avi Krawitz

La récente amélioration des échanges et des prix du brut sur le marché secondaire devrait en étonner plus d’un. Malgré le regain de confiance associé, il n’est pas certain que la tendance soit durable.[:]Cette relance de la demande de brut fait suite à une impression de pénurie du taillé ; en effet, les négociants de brut ne tiennent pas compte, à court terme, de la saisonnalité de la demande de taillé ou de l’afflux possible de brut supplémentaire.

Il leur faudrait pourtant admettre que la demande est entraînée par un rebond temporaire des achats de taillé en Extrême-Orient avant le Nouvel An chinois, le 10 février, et par un redémarrage relativement lent de la fabrication indienne après les fêtes de Diwali. Les pénuries apparentes de taillé peuvent aussi s’expliquer par le délai nécessaire pour transformer le brut en taillé. En effet, le brut qui a été conservé dans les stocks au second semestre 2012 se serait autrement déjà retrouvé sur le marché en tant que taillé.

En supposant un cycle d’environ trois mois pour la taille, le polissage et la certification, une pénurie de taillé en février est liée à la décision des grands fabricants de réduire leurs achats de brut en juillet face aux prix élevés pratiqués par la De Beers et ALROSA et au gel de la fabrication en Inde pour Diwali au mois de novembre. 

D’après les négociants de taillé, la demande en Extrême-Orient a montré un sursaut pour les VS-SI, de 0,30 à 0,90 carat, face à la rareté croissante des marchandises bien taillées. Les participants au groupe des acheteurs chinois de Rapaport, qui ont assisté au Salon des diamants d’Anvers cette semaine, ont fait la même remarque. « La Belgique n’est pas bien dotée en marchandises Triple Ex et Double Ex pour le moment », a déclaré un acheteur à Rapaport News.

Mais ces pénuries devraient se réduire dans les mois à venir, de nouvelles marchandises étant attendues sur le marché. Les achats de brut ont progressé au quatrième trimestre, le sight de novembre de la De Beers étant le plus important de l’année. Les fabricants indiens ont aussi commencé à accélérer leur production en usine.

Au quatrième trimestre, les importations indiennes de brut ont augmenté en glissement annuel de 31 % en valeur et de 52 % en volume. De même, un bref coup d’œil au commerce du brut en Belgique montre que, malgré un ralentissement des importations et des exportations en 2012, l’essor est significatif au quatrième trimestre.

En effet, même si la production a baissé en 2012, les déficits ont peut-être été légèrement surestimés, le marché étant axé sur les deux principaux fournisseurs.

Selon les estimations de Rapaport, la production de la De Beers a chuté de 11 % en glissement annuel, à 27,875 millions de carats en 2012, tandis que ses ventes de brut ont reculé d’environ 12 %, pour s’établir à 5,7 milliards de dollars. ALROSA a maintenu sa production à environ 34 millions de carats pour l’année, mais a écoulé environ 230 millions de dollars de brut auprès de Gokhran.

Or, même si ces deux sociétés représentent environ 55 % de la production mondiale en volume, d’autres, comme Rio Tinto, Petra Diamonds et Harry Winston ont à l’inverse accru leur production en 2012. Rapaport estime que la production mondiale n’a en fait chuté que de 2 % à 5 % au cours de l’année.

Ainsi, en lieu et place des pénuries, les déficits de l’offre dans les sights de la De Beers sont mesurés par rapport aux prévisions de l’offre de la société d’il y a un an, plutôt qu’à l’aune des exigences actuelles du marché.

Les pénuries peuvent concerner certaines marchandises très demandées. Comme l’a expliqué un cadre de la De Beers à Rapaport News : « Nous ne choisissons pas les marchandises que nous extrayons du sol. »

[two_third]

Dans l’ensemble, l’offre de brut en 2013 devrait être à peu près conforme à celle de 2012, avec quelques hausses de prix modestes au cours de l’année. Les analystes de Bank of America Merrill Lynch prévoient une progression des prix du brut de 2 % cette année, suite au recul d’environ 14 % en 2012.

Leurs prévisions paraissent raisonnables compte tenu des attentes du marché du taillé et ramènent au rang de pure spéculation les prévisions d’une hausse durable des prix du brut. Après tout, peu de choses ont radicalement changé depuis l’an dernier.

[/two_third]
[one_third_last]

« Dans l’ensemble, l’offre de brut en 2013 devrait être à peu près conforme à celle de 2012 »

[/one_third_last]

Les marchés du taillé se montrent stables et sans ressort. L’effervescence liée au Nouvel An chinois a déjà commencé à se tasser. L’évaluation des niveaux de stock de la bijouterie de détail en Extrême-Orient et en Occident sera plus juste après le Nouvel An, mais ne devrait pas montrer d’augmentation significative des achats.

L’économie chinoise reste hésitante malgré des prévisions d’amélioration de la croissance en 2013. De même, l’économie américaine continue d’émettre des messages contradictoires ; le département du Commerce a annoncé cette semaine un recul du produit intérieur brut (PIB) de 0,1 % au quatrième trimestre (le premier depuis la récession de 2008-2009), mais les dépenses de consommation, en hausse de 2,2 %, apparaissent comme une lueur d’espoir. Les négociations en matière de mur budgétaire et les prévisions d’augmentation d’impôts peuvent encore avoir un impact sur les dépenses de bijoux, mais le récent rebond des marchés boursiers pourrait bien créer de la richesse et favoriser les dépenses en diamants.

Le marché s’est retrouvé dans un état de nervosité certaine, les négociants ne sachant pas où ni comment évoluera la demande.

Ainsi, même s’ils observent la situation et constatent actuellement des pénuries, ils craignent qu’une fois la demande chinoise installée après le Nouvel An, ces pénuries disparaissent.

L’industrie doit donc rester prudente face aux évolutions de prix. Le marché du taillé ne semble pas d’humeur à rattraper le brut, notamment du côté des fabricants. Toute poussée de la demande de brut témoigne donc à nouveau du déséquilibre entre les deux marchés.

Cette disparité provient des prévisions de hausse des prix à l’avenir, l’offre à long terme se limitant à quelques nouvelles mines et à un nombre d’exploitants encore plus réduit. Les fournisseurs freinent la production, les négociants conservent leurs stocks de brut : inévitablement, les prévisions de hausses de prix se réalisent.

Or, ce type de hausse peut facilement être étouffé par un inversement de la demande à court terme. Quant à la demande de taillé, elle continue de générer de l’incertitude. Pour le moins, l’industrie réfléchit désormais sur le long terme à gérer la volatilité à court terme.

Alors, même s’il est encore trop tôt pour parler d’une bulle du brut, il est également prématuré de prévoir de nouvelles hausses des prix dans les mois à venir. Au contraire, le marché pourrait même reculer un peu. Après tout, pour des tarifs durables, il faut une demande durable et le marché n’est pas tout à fait certain d’en être arrivé là pour l’instant.

Source Rapaport