Stephan Wolzok : « Nous sentons tous l’instabilité actuelle, mais qui tournera à la prospérité à long terme »

Alex Shishlo

Rubel & Ménasché approvisionne les joailliers de la Place Vendôme en petites marchandises de très haute qualité depuis plus de 50 ans. La compagnie s’est spécialisée dans les pierres très bien finies, qu’elle propose aux plus grandes Maisons à travers le monde. [:]

Elle est également partenaire du Dali Diamond Group, un sightholder de la DTC. Notre correspondant à Bruxelles a demandé à son CEO, Stephan Wolzok, de partager son point de vue sur les événements actuels qui animent le marché du diamant.

Quelles sont les principales actualités de votre société ?

La grande nouvelle, ce sont les changements intervenus en 2012 ; en effet, nous avons commencé à communiquer.

Tout d’abord, nous avons publié des publicités dans des magazines professionnels, puis inséré des bannières sur leurs sites Web. Enfin, il y a 4 mois, nous avons lancé notre propre site Web :www.rubel-menasche.com.

Il est rare que des intermédiaires de notre taille communiquent avec le public, mais il est temps pour nous de partager notre savoir-faire. Nous ne sommes pas fabricants (au contraire de notre partenaire, Dali Diamond), mais nous affichons d’excellentes compétences en matière de prestations destinées aux joailliers haut de gamme.

Qu’est-ce qui a changé dans votre façon de travailler au fil du temps ?

Auparavant, nous opérions comme tout le monde. Nous adressions un grand nombre de plis aux joailliers et attendions un possible retour. Or, il y a 15 ans, Jacques Zaicïk, notre président, a entamé de véritables relations avec eux, leur soumettant l’idée d’un tri plus précis, avec un rangement dans des boîtes en plastique et un conditionnement spécial.

Avec quelques plis, nous avons voulu recréer toute la nomenclature d’un bijou. Chaque dimension fait l’objet d’un pli séparé, c’est ainsi qu’est né le « kit ».

Ce type de conditionnement fait gagner du temps aux sertisseurs, qui se consacrent alors entièrement aux bijoux ; plus besoin de devoir dénicher la pierre voulue dans un énorme pli, où elles sont toutes mélangées.

Aujourd’hui, nous sommes 40 personnes, totalement impliquées pour offrir à nos clients les meilleurs services possibles et soutenues par un système informatique interne sur-mesure.

Bien sûr, nous nous sommes associés à un sightholder pour mieux répondre à leurs besoins.

Plus nos clients sont pointilleux sur leurs demandes, plus nous aimons cela. C’est ce qui nous fait progresser.

L’industrialisation est devenue notre leitmotiv, car nous partageons le même objectif que nos clients : des normes élevées de qualité, non seulement pour nos diamants mais aussi pour les processus.

C’est d’ailleurs grâce à des processus détaillés et à une fabrication précise, objet d’importants investissements en ressources humaines et en équipement, que nous sommes devenus le 5ème membre certifié du RJC.

Y a-t-il des perspectives pour le marché dans son ensemble ?

Aujourd’hui, le marché paraît déséquilibré. Le brut est trop cher, le taillé atone, les banques refusent les crédits aux diamantaires et les fabricants ne gagnent que très peu d’argent, voire en perdent lorsqu’ils vendent sur le marché secondaire. Leurs marges bénéficiaires sur le taillé ont fondu comme neige au soleil. La confiance sans faille n’est pas chose courante chez les grossistes.

Nous ressentons tous cette instabilité, mais uniquement à court terme. Bien sûr, le marché chinois prend du recul mais il va se stabiliser. Et l’Amérique est forte. La demande y est stable ; simplement, les consommateurs achètent différemment, en adéquation avec leurs moyens. N’oublions pas que les élections approchent, tout comme la période des fêtes.

Nous pourrions donc dire que l’instabilité à court terme deviendra prospérité à long terme.

Quelles sont selon vous les tendances de demain pour l’industrie et le marché du diamant ?

Pour moi, l’industrie du diamant devrait continuer sur la voie qu’elle a empruntée il y a de cela quelques années : la responsabilité d’entreprise. Elle devrait également œuvrer pour gagner ou regagner la confiance du consommateur final. Inutile de chercher de nouvelles cheminées de kimberlite s’il n’existe pas de demande pour les diamants… Établir une chaîne de traçabilité, certifier les processus et les méthodes de bout en bout, veiller à ce que les diamants deviennent un moteur de développement… voilà probablement les principales tendances.

Deuxièmement, pour protéger leurs marges face aux principaux détaillants déjà sightholders, les fabricants continueront de faire la promotion de leurs propres marques. Les diamants « de marque » semblent être un bon moyen de stimuler la demande, les consommateurs étant désormais avides de « qualité » et de « certification », plutôt que de concepts commerciaux traditionnels d’amour et d’éternité.

Et enfin, il faudra produire une publicité générique, puisque la De Beers se consacrera désormais uniquement à la publicité de sa marque Forevermark.

Est-il possible de prévoir les prix ?

Ce serait se leurrer que de croire que nous pouvons prédire l’avenir avec précision. Ces jours-ci, le brut est cher et le taillé se vend mal, d’où des écarts de rentabilité dans toute la filière. Il est difficile de déterminer de quelle façon le marché retrouvera son équilibre. Toutefois, les prix historiques, tout comme les prévisions de l’offre et de la demande, offrent d’autres indices.

Les Majors ne semblent pas prêtes à baisser leurs prix, nous ne pouvons qu’espérer que le taillé se reprendra.

Quel est l’impact des nouveaux miniers (Zimbabwe, etc.) sur le marché et sur l’activité ?

Il est encore difficilement mesurable mais, à long terme, je pense qu’il y aura moins de mines pour une augmentation de la demande, et ce malgré l’apparition de nouveaux producteurs.

Ce que l’on peut dire, c’est que la découverte d’une mine au Zimbabwe a été une bénédiction à l’effet mitigé. Notre industrie attendait avec impatience l’arrivée de nouvelles marchandises moins coûteuses pour alimenter les usines et répondre à la demande mondiale croissante de piqués. Par ailleurs, la situation politique au Zimbabwe pose un véritable problème au Kimberley Process en ce qui concerne les diamants du conflit. Cette question doit être résolue rapidement pour le bénéfice de tous.

Quelles sont les perspectives pour la communauté des sightholders en tant que système de vente ?

Jusqu’ à présent, la De Beers a toujours considéré qu’il était plus rentable pour toutes les parties de conclure des « contrats à long terme » avec ses sightholders. Le minier profite d’un engagement de ses clients et le fabricant peut fournir de manière régulière ses usines et ses clients. Les actionnaires de la De Beers, Anglo American, ont explicitement mentionné que les diamants ne sont pas une matière première comme l’or ou l’argent, mais un produit de luxe.

Les tenders génèrent des fluctuations de prix et une instabilité, et ne garantissent aucun approvisionnement pour le fabricant.

Il est intéressant de noter que BHP, qui a proposé tous ses diamants aux enchères, met maintenant sa mine en vente…

Que pensez-vous du déménagement de la DTC au Botswana ?

La valorisation est tout ce qu’il y a de plus naturel. Il est logique que les pays producteurs veuillent maximiser les activités locales. Même si c’est un défi pour le pays, c’est aussi une occasion unique de devenir une véritable plaque tournante du diamant.

Source Rough & Polished