Sociétés minières et communautés locales : l’équilibre entre donner et recevoir

Mathew Nyaungwa

La plupart des sociétés minières entrent souvent en conflit avec les communautés locales dès qu’elles envisagent de créer une nouvelle mine qui provoquerait un déplacement de population.

Certains litiges ont trait à de possibles difficultés environnementales, comme la contamination des rivières ou des souffrances infligées à des êtres humains et du bétail du fait de l’utilisation du mercure et du cyanure.

Certaines communautés se plaignent également de la pollution de l’air et du bruit provoqués par les opérations d’extraction dans leur région.

En avril dernier, Nevada Gold Mines, qui gère Long Canyon aux États-Unis, a dû affronter les populations autochtones qui prétendaient que les projets de la société visant à pomper des milliards de litres d’eau souterraine perturberaient l’écoulement naturel en direction de Johnson Springs Wetlands Complex, un réseau de 88 sources, et pourraient nuire à des espèces comme le poisson « Relict Dace ».

Les populations autochtones ont également affirmé que les projets du gérant de la mine, consistant à renvoyer les eaux souterraines lessivées à partir des bassins de surface, étaient inadaptés : ces eaux ne seraient pas aussi pures que celles qui s’écoulent naturellement de l’aquifère carbonaté en profondeur.

« Il s’agit de l’eau la plus profonde, tout au fond », a indiqué Rupert Steele, président des Confederate Tribes of the Goshute Reservation, cité par RGJ.

« C’est la raison pour laquelle elle est très pure lorsqu’elle sort de sous les montagnes, c’est là que nous prenons notre eau pour les cérémonies. »

Et il ne s’agit pas du premier conflit entre la tribu et la société minière puisque la tribu s’était opposée au développement de la première phase de Long Canyon, en 2016.

Ils affirmaient que, dans leur empressement à développer le projet, la société minière et le Bureau of Land Management avaient minimisé leurs préoccupations.

La tribu a affirmé que la construction de la mine, au cœur du territoire aborigène, avait détruit ou déplacé d’innombrables réalisations et ruiné un paysage important sur le plan historique et spirituel.

En octobre, quatre hommes armés ont tué par balles l’activiste Fikile Ntshangase dans sa maison de la province de KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, alors qu’elle était engagée dans un combat contre l’extraction minière.

Selon Roving Reporters, ce meurtre est la preuve des pressions croissantes imposées aux communautés dans toute l’Afrique du Sud afin de leur faire accepter des opérations minières qui dégradent l’environnement sur leurs terres.

Fikile Ntshangase dirigeait l’Organisation pour la justice environnementale de la communauté Mfolozi (MCEJO) qui engage des actions en justice visant à empêcher l’expansion d’une mine de charbon à ciel ouvert à Somkehele, à la frontière sud-est de la réserve Hluhluwe-iMfolozi.

L’organisation a également avancé que les opérations actuelles de la mine devraient être arrêtées, car non conformes avec le droit de l’environnement et d’autres lois.

Toutefois, les propriétaires de la mine, Tendele Coal Mine, ont prétendu que leur exploitation était légale et que l’extension était nécessaire pour que la mine reste viable et ainsi protéger 1 600 emplois directs et des centaines d’emplois indirects dans cette partie paupérisée du pays.

D’après une étude, ciblée sur l’Afrique du Sud et lancée lors de l’Indaba minier dans la ville du Cap en février dernier, 79 % des personnes interrogées n’auraient pas du tout tiré avantage de la mine locale.

Au Zimbabwe, des milliers de villageois habitant autour des champs de diamants de Marange ont manifesté, alléguant un pillage des revenus diamantaires en avril 2018.

Human Rights Watch a annoncé qu’après des années de pillage présumé des revenus diamantaires par des sociétés d’État, sans aucune retombée positive pour les communautés locales, les villageois commençaient à perdre patience.

En mars 2018, le Centre pour la gouvernance des ressources naturelles a déposé une requête auprès du Parlement du Zimbabwe afin de « s’assurer que l’extraction de diamants contribue au développement des infrastructures sanitaires, éducatives et routières de la communauté de Marange, en particulier dans les zones concernées par les opérations. »

Tout n’est pas si noir

Certaines sociétés travaillent en parfaite harmonie avec les communautés locales et cela s’est vérifié plus tôt cette année lorsqu’elles ont accéléré leurs mesures pour alléger les difficultés créées par la pandémie de Covid-19 en Afrique australe.

De Beers, le géant des diamants, a fait don de 2,5 millions de dollars au Botswana et à la Namibie en avril dernier afin de soutenir les dirigeants des communautés, les professionnels de santé et les gouvernements d’accueil.

Anglo American et sa filiale De Beers ont également fait don de 2 millions de dollars en avril dernier au Fonds de solidarité d’Afrique du Sud, spécifiquement créé pour aider à traiter les conséquences de la Covid-19.

« Nous continuons d’identifier d’autres domaines pouvant bénéficier d’une assistance monétaire et en nature, domaines auxquels nous pouvons contribuer à mesure que la situation évolue. Nous nous appuyons sur les 25 millions de dollars de supplément de dons destinés à un soutien international pour la Covid-19 et des contributions en nature réalisées dans tous les territoires qui nous accueillent en Afrique australe, aux Amériques, en Australie et au Royaume-Uni », avait déclaré Mark Cutifani, directeur exécutif chez Anglo American à l’époque.

Namdeb, une joint-venture entre le gouvernement de Namibie et De Beers, a également présenté une nouvelle structure de test pour la Covid-19 installée au voisinage de ses opérations d’Oranjemund en juillet dernier.

« Bien que cette structure soit très importante pour nous permettre de gérer le risque de Covid-19 dans notre activité, nous sommes également honorés de pouvoir aider notre communauté et le pays dans son ensemble à alléger une partie de la pression sur les tests », avait déclaré Riaan Burger, directeur exécutif de Namdeb à l’époque.

« Tous, nous saluons les efforts héroïques et généreux de toutes ces personnes – au sein de notre société et au-delà – qui aident les autres en temps de crise humanitaire. »

Namibia Desert Diamonds (Namdia), la société d’État pour le négoce de diamants de la Namibie, a consacré 2 millions de dollars namibiens (109 000 dollars américains) à soutenir le combat du pays contre la pandémie de Covid-19 en avril dernier.

Kennedy Hamutenya, directeur exécutif de Namdia, a déclaré dans un communiqué à l’époque qu’un million de dollars namibiens, issus des sommes ayant été données, iraient au Fonds pour les catastrophes nationales du gouvernement.

Le reste a été distribué au Forum des PDG des entreprises publiques de la ville de Windhoek, pour la fourniture de carburant aux services d’ambulance, l’alimentation en eau des communautés vulnérables, des flacons de désinfectant destinés à une clinique de Windhoek et des colis alimentaires pour les communautés vulnérables.

En 2018, De Beers Canada a fait don de plus de 37 000 dollars pour des événements communautaires à Noël, des paniers pour les familles dans le besoin et d’autres programmes pour les fêtes destinés aux communautés partenaires des Premières nations dans les territoires du Nord-Ouest.

Les employés de la société ont collecté des bonbonnes d’eau pour les sans-abri.

Le Russe Norilsk Nickel (Nornickel), le plus gros producteur au monde de palladium et de nickel de haut grade, également producteur majeur de platine et de cuivre, a récemment signé des accords de coopération avec trois organisations représentant les peuples indigènes de la péninsule du Taimyr.

Ces trois organisations représentent ensemble plus de 90 % de la population indigène vivant au nord de la Russie.

Les différentes parties ont développé un programme d’assistance complet sur cinq ans, totalisant 2 milliards de roubles.

Les initiatives figurant déjà dans la feuille de route comprennent la construction d’ateliers pour la transformation du renne et du poisson, l’achat d’unités de réfrigération, la construction d’un complexe ethnique avec des ateliers pour la transformation de la fourrure, des subventions pour le transport par hélicoptère, une formation ciblée pour les postes recherchés chez Nornickel et la publication de manuels en langues indigènes, ainsi que de nombreuses autres initiatives complexes et ciblées. La présentation comprenant davantage de détails est disponible ici

« Nous avons défini ensemble de nouvelles initiatives systémiques visant à soutenir les populations indigènes qui vivent dans la péninsule du Taimyr, lesquelles ont maintenant été concrétisées par un accord », a déclaré Andrey Grachev, vice-président des Programmes fédéraux et régionaux chez Nornickel.

« Il s’agit d’un programme de 2 milliards de roubles, rassemblant plus de 40 initiatives sur les cinq prochaines années. Il a tout d’abord pour objectif de stimuler l’activité économique des populations indigènes et de faciliter l’utilisation des ressources renouvelables – la base de leur mode de vie traditionnel»

D’après M. Grachev, Nornickel bénéficie d’une longue histoire, faite de coopération étroite avec des organisations représentant les intérêts de communautés indigènes dans les régions d’exploitation, garantissant la transparence des prises de décisions.

First Quantum Minerals (FQM) a déclaré en juin dernier qu’elle soutenait un appel de la société civile, demandant que les communautés locales des régions d’extraction profitent plus directement des revenus fiscaux payés par l’industrie.

La société a affirmé qu’elle avait réglé plus de 533 millions de dollars d’impôts au gouvernement de Zambie en 2018 et que 10 millions de dollars supplémentaires avaient été dépensés pour des projets communautaires et d’infrastructures.

En juillet dernier, Baffinland Iron Mines Corporation a annoncé avoir signé un nouvel accord avec Qikiqtani Inuit Association pour une supervision de la mine de la rivière Mary par les Inuits.

L’accord vise à protéger l’environnement et fixe des mécanismes permettant de s’assurer que les Inuits auront leur mot à dire dans la surveillance de l’environnement.

« L’accord nous assure une feuille de route permettant de résoudre une grande partie des problèmes en suspens. Les communautés nous ont fait part de leurs préoccupations et affirment que leur avis doit avoir du poids, qu’elles doivent pouvoir avoir une influence sur ce qu’elles vivent », a déclaré P. J. Akeeagok, président de la Qikiqtani Inuit Association.

Un programme de mentorat inuit sera étendu à d’autres communautés concernées par la mine.

« Il s’agit d’une première en termes de supervision et de niveau d’engagement obtenus par une organisation indigène. Ce programme place les Inuits au premier plan en ce qui concerne la surveillance indépendante », a affirmé P. J. Akeeagok.

Le Nauttiqsuqtiit Inuit Stewards surveillera les terres et l’eau et établira des rapports dès que quelque chose ne sera pas conforme.

Rio Tinto, qui possède 60 projets et opérations dans 36 pays dans le monde, applique une norme de performances sociales et communautaires (CSP) qui définit la façon dont la société s’engage auprès des communautés.

La CSP précise également les étapes engagées par Rio Tinto pour identifier et gérer les conséquences sociales, économiques, environnementales et culturelles et celles sur les droits humains, tout au long du cycle de vie de ses projets : exploration, développement, exploitation et fermeture.

En dehors des impôts et des redevances réglés par la société, l’année dernière, celle-ci a aidé les communautés de diverses façons :

  • 147 millions de dollars versés aux propriétaires terriens, sous forme de paiements compensatoires non discrétionnaires effectués par la société au titre de l’accès à la terre, du développement des mines, des titres de propriété des populations autochtones, des impacts/bénéfices et d’autres accords de contrepartie juridiquement obligatoires.
  • 36 millions de dollars d’investissement communautaire, comprenant des engagements financiers volontaires, dont des dons en nature de biens et de temps de salariés pour répondre aux besoins identifiés ou aux risques sociaux dans les communautés.
  • 13 millions de dollars de contributions de développement, qualifiées d’engagements financiers non discrétionnaires, dont des dons en nature de biens et de temps de salariés visant à apporter des avantages sociaux, économiques et/ou environnementaux et que nous sommes tenus de réaliser au titre de la loi (y compris dans le cadre d’un accord juridiquement contraignant) ou de la réglementation.

L’année 2020 se transforme en une formidable épreuve pour la relation qu’entretiennent les sociétés minières et les peuples indigènes. Miniers et locaux subissent les pressions de la pandémie de Covid-19. Mais certaines sociétés, en raison de leur avidité commerciale et de leur courte-vue, pourraient commencer à « radier » des pertes au détriment de résidents locaux, tandis que d’autres sociétés, au contraire, ayant apporté leur soutien aux communautés locales pendant les périodes difficiles, pourront développer une coopération durable avec elles, en étant conscientes des perspectives à long terme de leur activité.

Source Rough&Polished