Retards de livraison à Anvers : la faute aux sanctions

Joshua Freedman

D’après des négociants anversois, le nouveau régime de sanctions de l’Union européenne provoquerait des retards de dédouanement des diamants de plus d’une semaine et des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement.

Les sanctions contre les diamants russes, entrées en vigueur le 1er mars, imposent que toutes les marchandises entrant dans l’UE soient inspectées au Diamond Office d’Anvers, un centre douanier dédié à l’industrie.

Mercredi 13 mars, 146 sociétés ont signé une lettre de protestation adressée au Antwerp World Diamond Centre (AWDC), l’institution gérant le Diamond Office en collaboration avec le gouvernement. Dans cette lettre, elles se disaient favorables aux sanctions sur le principe mais affirmaient que leur application avait eu des conséquences négatives sur l’activité des négociants de la ville belge, en ralentissant les expéditions et en augmentant les coûts.

« L’objectif des règles était d’éviter la circulation des diamants provenant des États sous sanctions. Or, nos chaînes d’approvisionnement se retrouvent fortement perturbées et le reste du marché mondial garde ses distances, indiquait le courrier qu’a pu consulter Rapaport News. Elles entraînent une hausse considérable des coûts et une baisse d’activité irrécupérable. Nous nous retrouvons dans l’incapacité de satisfaire les commandes de nos clients et devons financer d’importants stocks gelés, sans compter les documents à fournir, dont personne ne nous avait parlé au préalable. »

D’après les auteurs du courrier, le marché avait reçu l’assurance que les envois seraient dédouanés en moins de 24 heures. Toutefois, selon eux, « même les dossiers les plus simples restent bloqués plus d’une semaine ».

Les marchandises immobilisées sont notamment les pierres brutes en provenance directe des pays africains producteurs, le taillé issu des usines de valorisation et les marchandises renvoyées à Anvers après les salons commerciaux organisés hors de l’UE, d’après le courrier.

Les sociétés qui rapatrient des marchandises après les récents salons de Hong Kong se retrouvent confrontées à des difficultés particulières, ont signalé les négociants à Rapaport News.

Un sightholder a affirmé que certaines de ses marchandises, issues du sight de février de De Beers, étaient restées bloquées, et que des pierres inférieures aux seuils de grosseur avaient également été immobilisées. Les règles de l’UE interdisent les importations de brut ou de taillé russe de plus de 1 carat depuis le 1er mars et concerneront les pierres de plus de 0,50 carat à compter du 1er septembre.

« Dès le premier jour, les vérifications ont été excessives. Ils demandaient des documents, interrogeaient les personnes au moindre doute, au moindre problème, a expliqué un dirigeant d’entreprise anversoise à Rapaport News, sous couvert d’anonymat. Cette période a coïncidé avec la fermeture du salon de Hong Kong. Les marchandises qui avaient quitté la Belgique en consignation revenaient dans le pays et, même dans ce genre de cas, les questions étaient innombrables. »

Pour toutes ces raisons, ceux qui expédient leurs marchandises à l’international tentent d’éviter Anvers, a fait observer le dirigeant. « Ils essaient de changer les voies d’acheminement, a-t-il déclaré. Les négociants anversois risquent gros. »

Les professionnels du secteur avaient exprimé des craintes face à ces politiques il y a déjà plusieurs mois, mais aucune réponse ni aucune modification ne sont prévues, a poursuivi le courrier.

« Le personnel du Diamond Office, qui a tout notre soutien, est aussi clairement dépassé par la complexité du sujet et par ce que l’on attend de lui », est-il indiqué.

Le courrier appelait le AWDC à « réviser entièrement les procédures, en collaboration avec les parties prenantes de l’industrie, afin d’établir des solutions pratiques, touchant directement les sources sanctionnées, tout en permettant au marché, légitime dans sa très grande majorité, de travailler sans entraves. Cela concerne également les procédures qui doivent être appliquées le 1er septembre 2024. »

À compter de cette date, les importateurs de diamants de plus de 0,50 carat en UE devront se procurer un certificat du G7 confirmant l’origine non russe des pierres.

« Nous sommes en accord avec les objectifs et l’esprit des sanctions mais nous nous insurgeons contre cette application pesante, inefficace et inadaptée, a expliqué le courrier. Le chemin qui est emprunté menace l’existence même de l’industrie du diamant à Anvers, en place depuis six siècles. Il est urgent d’agir pour préserver son avenir. »

Le AWDC s’est engagé à garantir la conformité, « tout en perturbant le moins possible les activités commerciales légitimes », a affirmé Ari Epstein, son PDG, dans une déclaration adressée au marché jeudi 14 mars.

Le Diamond Office « traite en priorité les déclarations en règle au lieu d’étudier les dossiers en suivant le principe du « premier arrivé, premier servi » , comme on le fait habituellement. » L’objectif est de pouvoir « expédier » en 24 heures les marchandises dont les documents sont conformes, a expliqué Ari Epstein. Le gouvernement doit tenir une réunion d’information afin de mieux expliquer ces obligations, a-t-il ajouté.

Source Rapaport