Rétablir la confiance

Avi Krawitz

Les sociétés minières ont un rôle à jouer pour garantir la rentabilité de toute la chaîne de distribution. La réunion des huit plus grand miniers, qui s’est tenue ce mois-ci pour discuter des difficultés majeures de l’industrie, devrait donc mettre du baume au cœur du marché.[:]

Rio Tinto a accueilli l’assemblée en son siège londonien, avec des représentants de la De Beers, d’ALROSA, de Dominion Diamond Corporation, de Grib Diamonds, de Petra Diamonds, de Lucara Diamond Corporation et de Gem Diamonds.

Selon Bloomberg, le premier à avoir annoncé cette réunion, les principaux sujets abordés ont concerné le marketing, les recherches de l’industrie et la menace posée par l’arrivée des pierres synthétiques non déclarées sur la confiance des consommateurs.

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Les sociétés ont confirmé la réunion dans un communiqué préparé, envoyé à Rapaport News. Celui-ci indiquait que « des discussions préliminaires se sont tenues entre plusieurs producteurs afin d’explorer les attributions et l’envergure potentielles d’une association de l’industrie, qui chercherait à mieux comprendre, traiter et protéger les besoins des consommateurs. Ces discussions n’en sont qu’à leurs débuts et ont abordé divers sujets. Aucun accord n’a encore été trouvé. Aucun autre commentaire ne sera fait tant que les discussions n’auront pas pris fin. »

Une association solide et correctement financée est indispensable pour traiter ces questions. L’industrie appelle depuis longtemps de ses vœux un organisme capable de financer une campagne qui stimulerait la demande des consommateurs grâce à des contributions de son secteur le plus rentable, celui des miniers.

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« Une association solide et correctement financée est indispensable pour traiter ces questions. »

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Les failles dans la demande des consommateurs, qui sont apparues après que la De Beers a décidé d’utiliser son budget marketing pour soutenir ses propres campagnes de marque plutôt que la promotion générique des diamants, sont devenues bien trop apparentes. La demande stagne et les diamants ont perdu des parts de marché face à d’autres produits de luxe. En outre, l’augmentation des synthétiques non déclarés sur le marché ces dernières années présente une menace sérieuse pour la confiance des clients et la posture éthique de l’industrie.

Des tentatives ont déjà été faites pour constituer une telle association. Après la crise de 2008-2009, l’International Diamond Board, une autre initiative de Rio Tinto, n’a pas fait long feu lorsqu’ALROSA a refusé de s’engager. Cette nouvelle initiative, qui n’a pas encore été baptisée, semble être l’objet de plus de cohésion entre les miniers, même à cette étape encore très précoce.

Les meneurs du marché espèrent que les miniers coopéreront autant avec eux, même s’ils ont semblé très surpris d’apprendre l’existence de la réunion.

La World Diamond Mark Foundation (WDMF), une initiative de marketing générique de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB), a simplement cité l’article de Bloomberg dans sa réponse relative à la réunion. Ernie Blom, le président de la WFDB, a fait remarquer que la fondation a bien avancé dans la mise en place d’une stratégie et d’un programme complets de promotion générique des diamants.

« Nous espérons nous engager avec les producteurs et les embarquer avec nous car leur participation et leur volonté exprimée de financer ces efforts seront essentielles au succès de la promotion générique dans toute la chaîne d’approvisionnement », a expliqué Ernie Blom.

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Reste à savoir si les sociétés minières apporteront leur soutien financier à la WDMF après la réunion de Londres, voire s’ils l’intégreront dans une nouvelle structure qui leur appartienne. Jusqu’à présent, ils ont hésité à lui apporter un véritable soutien, en dehors de quelques mots d’encouragement. Le sentiment est que, n’étant pas habitués à suivre les directives du marché, les miniers voudront démontrer leur propre leadership et canaliser leurs bénéfices de 2014 dans une campagne ou une association qu’ils vont pouvoir contrôler.

Et bien qu’il soit tout à fait possible que deux organismes ou plus abordent ces questions simultanément, la WDMF risque d’avoir des difficultés à survivre sans le soutien financier qu’elle espère (toujours) recevoir des miniers. Pour leur part, les sociétés minières sont sans conteste les mieux placées pour diriger une campagne efficace de promotion de la demande et lutter contre les synthétiques non déclarés. On espère donc que la réunion ait au moins posé les bases d’un suivi, et le plus tôt sera le mieux.

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« Les miniers voudront démontrer leur propre leadership et canaliser leurs bénéfices de 2014 dans une campagne ou une association qu’ils vont pouvoir contrôler. »

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Toutefois, ces initiatives doivent servir en priorité à assouplir le fardeau qui pèse sur le secteur de la fabrication. L’industrie dans son ensemble ne doit pas laisser ces programmes se transformer en mécanismes pour augmenter les prix du brut bien au-delà de ceux du taillé. Si une campagne de marketing générique parvient à améliorer la demande pour les bijoux en diamants, puis à augmenter les prix du taillé, cette amélioration des marges ne doit pas financer les prix du brut comme elle l’a fait dans le passé.

Les sociétés minières ne sont pas sans savoir que, lorsqu’elles profitaient de bénéfices mirobolants en 2014, leurs clients perdaient de l’argent. Une répartition aussi disproportionnée des bénéfices n’est tout simplement pas durable. L’année 2015 sera certainement plus resserrée pour les miniers, étant donné que les fabricants n’ont pas suffisamment d’argent pour acheter du brut non rentable.

Il n’y a pas que l’écart de prix entre brut et taillé qui place les fabricants dans une position peu enviable. Il faut aussi tenir compte de la manière dont l’industrie fonctionne. Les fabricants règlent leur brut en espèces et vendent le taillé à crédit. Entre les procédures de fabrication et de certification, il peut s’écouler de neuf mois à un an avant qu’ils obtiennent un retour sur leur achat de brut. Et cela suppose que les prix du taillé ont suffisamment augmenté pour permettre un bénéfice, même minime. Les fabricants constatent également une baisse du crédit bancaire pour financer leurs achats de brut.

Rien d’étonnant donc à ce que les fabricants se battent pour obtenir des bénéfices. Beaucoup espèrent une nouvelle consolidation, qui minimiserait et limiterait les opérations au milieu de la filière (voir l’éditorial « Hong Kong ? Rien à signaler ! », publié le 6 mars 2015).

Et tandis que les miniers gambergent à propos de la création d’une association pour promouvoir les intérêts de l’industrie, ils pourraient s’imaginer que toutes ces difficultés sont liées. Les fabricants seraient moins tentés de tricher en mélangeant des synthétiques non déclarés à leurs plis de diamants naturels s’ils pouvaient gagner de l’argent sur un marché honnête. Ils seraient aussi plus à même d’investir dans leurs propres initiatives de marketing et de création de marque pour stimuler la demande des consommateurs.

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Il y a donc fort à parier que les prix du brut étaient à l’esprit de chacun des participants à la réunion de Londres, même s’il n’a pas été possible d’en discuter.

Les sociétés présentes semblaient au fait du côté sensible des prix du brut. Étant donné qu’elles représentent plus de 70 % de l’offre mondiale, elles vont naturellement se prémunir contre toutes sortes d’allégations concernant la fixation des prix. Dans leur réponse à Rapaport News, les miniers ont souligné que « tous les participants sont parfaitement au courant de la nécessité de s’assurer que leurs discussions, tout comme les activités d’une future association, soient conformes sur le plan légal et donc appuyées par un conseiller juridique », indiquait le communiqué.

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« Pour rétablir la confiance chez les consommateurs de diamants, il faut d’abord renouveler la confiance dans l’activité diamantaire. »

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Ce sera donc, au final, la dynamique du marché, associée à une promotion sans faille, qui permettra une véritable rentabilité dans toute la chaîne de distribution. Cette dynamique devra être dictée par les fabricants, qui devront éviter d’acheter du brut trop cher et non rentable. En effet, pour rétablir la confiance chez les consommateurs de diamants, il faut d’abord renouveler la confiance dans l’activité diamantaire. Espérons que le secteur minier suivra la voie du marché au moment où ce sera nécessaire et qu’il aidera à garantir la rentabilité dans toute la chaîne d’approvisionnement.

Source Rapaport