Reprise à l’horizon

Avi Krawitz

Cinq thèmes définissent le marché diamantaire pour cette année, et probablement au-delà.

Après s’être adapté aux changements majeurs survenus en 2020, le marché diamantaire se retrouve dans une position inhabituelle cette année. Deux courants distincts ont émergé : les centres où l’économie est de nouveau active et ceux qui continuent d’être confrontés à des retours sporadiques du coronavirus.

Dans l’ensemble, le marché continue de profiter de la dynamique de la Covid-19 puisque les consommateurs ne s’offrent toujours pas de voyages et d’expériences comme ils le faisaient auparavant. Ils économisent davantage, ce qui leur laisse plus d’argent à dépenser pour des diamants et d’autres objets de luxe. Mais les voyages vont reprendre et la concurrence pour les dépenses discrétionnaires fera de nouveau rage.

Pour l’heure, les grands marchés de consommation aux États-Unis et en Chine assistent à une reprise solide des ventes de bijoux. Parallèlement, l’offre en Inde, principal centre de distribution de taillé, reste engorgée. Le marché apparaît donc complexe et volatile, avec des tendances difficiles à prédire pour l’offre et la demande. Parallèlement, d’autres facteurs viennent influencer le marché, l’obligeant à s’adapter à la nouvelle réalité.

La première moitié de l’année 2021 étant terminée, nous avons identifié cinq thèmes qui caractériseront le marché au second semestre et devraient avoir des conséquences à long terme.

1. L’étranglement au GIA

Tous les yeux sont tournés vers le Gemological Institute of America (GIA) et ses avancées pour se sortir des retards de marchandises à certifier dans ses laboratoires indiens.

À l’heure où nous rédigeons, le 20 juillet, le délai est de plus de quatre semaines à Mumbai et Surat, d’après le site Internet du GIA. L’institut attribue les retards à une hausse importante de la demande pour ses services de laboratoire.

« La hausse des ventes aux États-Unis et en Chine est à l’origine d’une grande partie de cette demande de rapports du GIA, a-t-il indiqué à Rapaport Magazine dans un e-mail récemment. Les ventes en ligne ont considérablement augmenté et sont subordonnées à la présence de rapports de certification indépendants et de confiance. »

D’ailleurs, le GIA affirme certifier davantage de diamants en Inde qu’avant la pandémie. Le nombre de pierres qu’il a certifiées à Mumbai et Surat cette année, d’après une moyenne hebdomadaire, est en progression de 37 % par rapport à 2019 et de 31 % par rapport à 2020. Toutefois, les pierres reçues chaque semaine par les laboratoires sont en moyenne 71 % plus nombreuses qu’en 2019, d’après l’institut, d’où l’impossibilité de rattraper facilement les retards.

« Dans tous les sites, nous travaillons six jours par semaine, avec plusieurs relèves, en appliquant la capacité maximum autorisée pour satisfaire la demande de services du mieux que nous pouvons », a indiqué le GIA.

2. Des variations de l’offre

Des incertitudes demeurent sur la possibilité d’un brusque afflux de marchandises lorsque les retards du GIA diminueront, un scénario qui pourrait faire baisser les prix. Toutefois, Elliot Krischer, président du New York Diamond Dealers Club (DDC) considère que, dans un tel cas de figure, les fabricants maintiendront les prix du taillé, pour protéger leurs marges face aux coûts élevés du brut.

Le déblocage des marchandises du GIA coïncidera aussi probablement avec une reprise de la demande puisque les bijoutiers se préparent à la saison des fêtes. Mais même avec cette reprise, le marché peut s’attendre à ce que l’offre de brut se stabilise en deçà des niveaux d’avant la pandémie. Les sociétés minières œuvrent pour une chaîne d’approvisionnement plus efficace, ce qui implique d’offrir à leurs clients moins de marchandises mais des produits plus ciblés.

3. Des facteurs économiques

La reprise américaine doit beaucoup aux chèques de relance du gouvernement qui ont réjoui les consommateurs. Ces sommes s’ajoutent à l’argent que les ménages aux revenus moyens à élevés ont pu économiser pendant la pandémie, ainsi qu’aux richesses nées du rebond du marché boursier. Les Américains prêts à retourner dans les boutiques ont maintenant de l’argent à dépenser pour des articles discrétionnaires.

Pourtant, ce boom ne va pas durer. La menace de la pandémie va se dissiper, tout comme les économies, et la normalité reviendra sur le marché. Les craintes augmentent face à l’inflation et à un dollar qui s’affaiblit déjà. Pour contrer ces tendances, la Réserve fédérale devrait augmenter les taux d’intérêt en 2023, une initiative qui, généralement, réduit les quantités d’argent en circulation, puisque les prêts deviennent plus chers à souscrire. Une hausse des taux d’intérêt aurait aussi tendance à stimuler la demande des investisseurs pour des actifs en dollars, puisqu’ils profiteraient d’un rendement supérieur pour leur argent à la banque.

Pour l’heure, la faiblesse du billet vert profite aux négociants et fabricants étrangers qui achètent et vendent en dollars. Cela leur laisse donc davantage de devises nationales pour couvrir les frais locaux.

4. L’axe environnemental

Le développement durable est devenu un thème central du marché des bijoux et des diamants. Les consommateurs se tournent de plus en plus vers des produits et des sociétés qui se soucient de la planète. Incitée par les objectifs de développement durable (SDG) des Nations unies, l’industrie s’est concertée pour s’assurer d’avoir un impact positif sur la société. Elle a développé plusieurs programmes de traçabilité visant à assurer aux clients que leurs diamants n’ont pas fait de dégâts lorsqu’ils ont parcouru la chaîne d’approvisionnement.

Par le passé, ces efforts étaient menés le plus souvent en réaction à des plaintes portant sur les diamants du conflit ou des abus des droits de l’homme. Heureusement, le secteur adopte maintenant une approche plus étendue et plus proactive. Les questions environnementales sont devenues un argument essentiel dans les relations publiques. Les sociétés minières mettent en avant leurs contributions à des projets de préservation et de plus en plus d’entreprises fixent des objectifs pour parvenir à zéro émission nette de carbone au cours de la prochaine décennie.

Les commentaires négatifs à propos de l’impact environnemental de l’extraction minière ont également profité aux diamants synthétiques, même s’il n’est pas certain que ces derniers soient en fait plus verts que les diamants naturels. Pourtant, l’industrie investit de plus en plus dans ces questions, non seulement pour réfuter les prétentions mais aussi parce que c’est la bonne chose à faire.

5. Les campagnes marketing

Après plus de dix ans d’investissements nuls ou quasi-nuls dans le marketing générique, l’industrie a lancé le Natural Diamond Council (NDC) en juin 2020 pour remplacer la Diamond Producers Association (DPA). Avec à sa tête David Kellie, ancien expert du branding des montres, l’organisation a changé son fusil d’épaule pour se concentrer sur le contenu, en dirigeant le trafic vers son site Internet Only Natural Diamonds et en accélérant son engagement sur les réseaux sociaux.

Financé par sept grands miniers, le NDC s’est également associé à des détaillants pour les aider à attirer les clients vers leurs boutiques et à accroître l’intérêt des consommateurs pour les diamants. Dans le même temps, il continue de publier des publicités sur des supports traditionnels, comme la presse écrite et la télévision. Le conseil a déjà tourné sa campagne publicitaire pour les fêtes, avec en tête d’affiche l’actrice Ana de Armas, ambassadrice du NDC pour la deuxième année consécutive. La campagne devrait être lancée à la mi-septembre, conjointement à la sortie, en octobre, du nouveau James Bond, No Time to Die, dans lequel Ana de Armas tient le principal rôle féminin.

Source Rapaport