Quid de la décennie diamantaire ?

Avi Krawitz

Cette décennie était censée être celle des diamants. En 2010, la direction de la De Beers proclamait que les 10 années à venir assureraient une demande et une croissance inégalées dans l’industrie. [:]Quasiment à mi-parcours, on dirait qu’il ne s’est rien passé, sauf que les négociants et fabricants se battent pour augmenter leurs liquidités et obtenir des marges bénéficiaires respectables. 

Les années passant, nous avons de moins en moins entendu parler de la décennie du diamant lors des événements et des rassemblements de l’industrie, mais de plus en plus du rêve du diamant, ce qui est certainement approprié. Alors, qu’est-il donc arrivé à la « décennie du diamant » et que devaient nous apporter ces promesses ? 

Pour l’essentiel, l’industrie observait la demande des consommateurs et se préparait à une croissance rapide et continue en Chine et en Inde et à une reprise aux États-Unis. Si l’on associe cela à une offre stable, la décennie promettait d’être superbe pour les diamants. Mais même si tout cela reste vrai, quatre à cinq ans plus tard, l’économie mondiale et le marché des diamants sont confrontés à des réalités très différentes.

En 2014, les États-Unis ont en effet montré des signes de reprise, mais les fêlures restent visibles. L’humeur des consommateurs est mitigée et le début de la saison des fêtes peu engageant. Aux États-Unis, les détaillants en magasins traditionnels ont perdu 11,3 % en glissement annuel pendant le week-end de Thanksgiving. Les ventes ont atteint 50,9 milliards de dollars, selon des données préliminaires publiées par la National Retail Federation (NRF). Toutefois, la NRF a maintenu ses perspectives d’une hausse de 4 % des ventes pendant les fêtes de fin d’année.

Le marché américain de la joaillerie s’est transfiguré ces dernières années. Il a beaucoup souffert pendant la récession, perdant des acteurs comme Friedman’s, Whitehall et d’autres, pour en ressortir plus allégé. Ces regroupements ont aussi laissé de la place pour une domination des grands détaillants et la récente fusion entre Signet Jewelers et Zale Corporation présente de nouveaux défis pour les petits joailliers indépendants.

Parallèlement, la croissance économique a ralenti en Chine, bien qu’elle affiche un rythme admirable de 7 %. Cette année, la prudence s’est infiltrée sur le marché du diamant. Les grands noms à Hong Kong et en Chine ont surfé sur la vague de la croissance régionale, stimulée par une demande de bijoux en or sans précédent, et souvent imprévisible, mais ils rencontrent leurs propres difficultés liées aux incertitudes économiques et politiques. Leurs résultats récents sur les gains intermédiaires, de même que les rapports sur les ventes d’octobre, ont traduit cette prudence.

Toutefois, même si la théorie de la demande à long terme des consommateurs reste valide, le marché est passé par des moments difficiles depuis 2010. Il s’est montré volatil, ce qui a joué à la fois sur l’humeur et les prix des diamants.

Depuis début 2010, l’indice RapNet (RAPI™) pour les diamants certifiés de 1 carat n’a progressé que de 6 %, avec des périodes sporadiques de rentabilité. L’indice est en recul de 5,6 % depuis le début de 2011, c’est-à-dire le véritable commencement de la décennie.

Les marges bénéficiaires des fabricants se sont ensuite resserrées, les prix du brut étant restés relativement élevés face aux incertitudes liées au taillé. Bien que les miniers se soient servis de l’écart croissant entre l’offre et la demande pour mesurer les perspectives de l’industrie, celui qui existe entre les prix du brut et du taillé a empêché les fabricants de capitaliser sur cette perspective de croissance.

Au contraire, les miniers de diamants ont obtenu des bénéfices impressionnants ces cinq dernières années – certaines étant naturellement plus rentables que d’autres. En fait, ces miniers semblent prêts à battre des records de vente en 2014, principalement grâce à la fermeté des prix du brut. 

Ils se retrouvent dans une position enviable, celle qui consiste à travailler sur un secteur assez consolidé, avec une clientèle importante et concurrentielle. Gardez à l’esprit qu’il y a moins de 10 grands miniers de diamants et des milliers de fabricants qui se battent pour obtenir leur brut.

La clientèle des fabricants pour le taillé semble également se raréfier, étant donné les regroupements sur le secteur de la vente de bijoux et le fait que bon nombre des grands joailliers ont empiété sur leur espace. Ils doivent non seulement fournir du taillé à des acheteurs aussi puissants que Signet, Chow Tai Fook et Tiffany & Co., mais aussi leur faire concurrence pour s’approvisionner en brut. Les joailliers effectuent plus que jamais les opérations de taille en interne pour tenter de protéger leurs propres marges. En retour, cela leur permet de s’offrir du brut onéreux que les fabricants purs ne peuvent pas se payer.

Ils n’obtiennent pas non plus d’aide de la part des banques, qui ont plutôt réduit leur crédit à l’industrie. En conséquence, près d’une demi-décennie de faibles marges a pesé sur les liquidités, sans conteste le plus gros défi des négociants et des fabricants en 2014.

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L’histoire de la décennie du diamant a donc été gâchée par les difficultés que rencontrent les fabricants et l’humeur est, on le comprend, à la morosité. Le reste de la décennie verra peut-être un regroupement entre les tailleurs, semblable à celui auquel nous avons assisté entre les détaillants. Cela améliorerait certainement les perspectives pour les sociétés qui ont survécu.

Pour sauver la promesse d’une décennie décente faite aux fabricants, l’accent doit être mis immédiatement sur une amélioration de leurs marges bénéficiaires et des liquidités. Cela ne sera pas facile, étant donné que la demande de taillé est faible et que les conditions de marché restent difficiles. En effet, les prix du taillé ont de nouveau chuté en novembre (voir le rapport mensuel de Rapaport – Décembre 2014).

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« Pour sauver la promesse d’une décennie décente faite aux fabricants, l’accent doit être mis immédiatement sur une amélioration de leurs marges bénéficiaires et des liquidités. »

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Il n’est donc pas surprenant que, depuis quelques années, la De Beers ait changé de rhétorique, pour parler du rêve du diamant. Dans ce contexte, la société travaille (à juste titre) pour maintenir aiguisé l’appétit des consommateurs, en soulignant ce que représente le diamant : le rêve ou l’ambition d’une romance et d’un engagement éternels. Cela devrait suffire à garantir l’essor de la demande des consommateurs pour le reste de la décennie. Quant à savoir si la rentabilité sera assurée sur toute la filière, il s’agit encore d’un rêve pour les fabricants qui se trouvent à ce tournant important.

Source Rapaport