Pourquoi Standard Chartered a fermé son unité diamantaire

Michelle Graff

Standard Chartered Plc ne financera plus les négociants et tailleurs de diamants après avoir réévalué son portefeuille et déterminé que ce secteur présentait trop de risques pour des retours insuffisants.[:]

La banque londonienne a engagé un examen poussé de toutes ses opérations après l’arrivée l’année dernière de son PDG Bill Winters. Elle cherchait ainsi à se séparer des entreprises peu rentables ou vulnérables à de fortes fluctuations dans les dépréciations des prêts.

Le secteur du commerce et de la taille des diamants figurait sans aucun doute dans le viseur de Bill Winters, étant donné la recrudescence des défauts de paiement et des faillites l’année dernière – la banque comptait parmi les organismes concernés par le gigantesque défaut de paiement de Winsome Diamonds – et les coûts croissants du capital réglementaire et des rapports de conformité associés au financement de l’industrie.

En mars, la banque londonienne a commencé à faire machine arrière, en renforçant ses conditions de prêt au secteur diamantaire. Elle a ainsi demandé aux négociants d’offrir davantage de garanties ou de souscrire une assurance sur leurs prêts.

Puis, la semaine dernière, JCKOnline.com a annoncé que Standard Chartered quitterait le secteur diamantaire dans son ensemble.

Dans un communiqué officiel, la banque a expliqué que la poursuite du financement des négociants et tailleurs de diamants « ne correspondait pas au niveau de tolérance aux risques resserré de la banque. »

Un porte-parole de Standard Chartered a ajouté que la banque continuerait de financer les segments de l’extraction minière et de la vente de détail. Sa décision concerne uniquement la filière intermédiaire, autrement dit les négociants et les tailleurs.

Le calendrier de fermeture de la division diamantaire n’a pas encore été déterminé, bien que la banque ait affirmé : « Nous travaillons avec nos clients pour nous assurer que l’opération se fasse en douceur. »

Eric Tunis, un associé du cabinet de comptabilité et de conseil new-yorkais Friedman LLP, a affirmé que cette annonce « n’avait rien de choquant. »

Il y a eu plusieurs signes avant-coureurs, comme le resserrement des restrictions de prêt et, très récemment, l’absence de la banque aux salons commerciaux de Las Vegas. Eric Tunis a affirmé que c’était la première fois, selon lui, qu’aucun représentant de Standard Chartered n’était présent à Las Vegas.

Il a ajouté que la mauvaise rentabilité des fabricants, qui entraîne des défauts de remboursement de prêts dans la filière intermédiaire, les faibles marges bancaires actuelles lors des prêts à des sociétés diamantaires et l’absence globale de solidité sur le marché n’incitent pas les banques à financer le secteur.

Harriet Greenberg, associée co-dirigeante de Friedman, a expliqué que les questions de conformité avaient également joué un rôle.

Les grandes banques centrales monétaires risquent de fortes amendes si l’on découvre que leurs clients sont impliqués dans du blanchiment d’argent, une pratique que beaucoup considèrent omniprésente dans l’industrie diamantaire.

« L’industrie porte un certain ostracisme. C’est une activité véritablement internationale, quant à la nature du produit, il est facile à transporter et de grande valeur. Tous ces aspects laissent à penser qu’il peut y avoir du blanchiment d’argent », a-t-elle expliqué, tout en faisant remarquer que cette stigmatisation n’était pas méritée.

« C’est plus une question de perception que de la réalité », a expliqué Harriet Greenberg, faisant remarquer que les clients de sa société, comme pour de nombreuses autres dans l’industrie, appliquaient des procédures strictes de contrôle qualité.

Le départ de Standard Chartered a déclenché un signal d’alarme dans l’industrie, qui a vu de nombreuses banques faire machine arrière, voire se retirer, ces dernières années.

La Banque diamantaire anversoise n’y fait pas exception. KBC, sa société-mère, a démantelé ses opérations en 2014 après avoir affirmé ne pas avoir trouvé de repreneur, bien que des questions demeurent quant à l’échec de cette vente.

La banque néerlandaise ABN Amro continue de prêter au secteur intermédiaire du marché, bien que des sources diamantaires affirment qu’elle est moins présente depuis quelques années. Lorsqu’on lui a demandé son opinion sur la décision de Standard Chartered, Erik Jens, qui dirige la division Diamants et bijoux d’ABN AMRO, a affirmé qu’il ne pouvait pas s’exprimer sur la stratégie d’une autre banque.

Il a toutefois fait remarquer qu’en général, les banques « réalisent des compromis entre risques et bénéfices au moment de placer leur capital. En ce qui concerne l’industrie diamantaire, nous savons que la réputation et la transparence continuent de jouer un rôle dans ces compromis, même si nous sommes témoins des nombreuses initiatives que prend l’industrie pour améliorer son image, grâce à une autoréglementation. »

« Selon nous, lorsque les sociétés sont solides et correctement structurées, avec un bilan sain, une stratégie et un business plan durables, ainsi qu’un potentiel et de la rentabilité à long terme, il est possible de trouver des liquidités auprès de plusieurs banques actives dans le secteur, et même d’attirer de nouveaux venus, y compris des investisseurs, en Europe, en Asie, aux États-Unis et au Moyen-Orient. »

Harriet Greenberg a affirmé que le départ des prêteurs traditionnels, comme Standard Chartered et ADB avant elle, ouvre la porte à des acteurs hors système bancaire, comme des fonds de pension, qui vont pouvoir entrer dans le secteur et proposer des services financiers.

« Partout où il y a un manque, il y a une opportunité », a-t-elle ajouté.

Source National Jeweler