Plaidoirie dans le dossier RSE de Signet

Rapaport

« Il faut 20 ans pour construire une réputation et 5 minutes pour la détruire. Si vous gardiez ça à l’esprit, vous agiriez différemment. » — Warren Buffett. [:]
Signet Jewelers a vécu des périodes difficiles récemment. L’année dernière, la société a dû faire face à des allégations d’échanges de diamants, de harcèlement sexuel et de discrimination sexuelle qui ont mis à mal sa marque et fait plonger le cours de son action de plus de 40 % depuis mai dernier.

Mais l’évaluation de la société n’est pas le seul dommage collatéral en l’espèce. Signet, le plus grand détaillant de bijoux aux États-Unis, a beaucoup œuvré pour faire progresser l’approvisionnement responsable dans la chaîne des bijoux, efforts éclipsés par ces récentes actualités. Et même si les conséquences sont malheureuses, il faut rappeler à l’industrie des diamants et des bijoux que la réputation d’une société fait toute la différence dans notre environnement de consommation sensible aux questions sociales.

Tout en répondant précisément à chacune des réclamations déposées contre elle, Signet a mis en avant son programme de responsabilité sociale des entreprises (RSE). Le mois dernier, la société a publié son premier rapport RSE, la « reconnaissance » de ses activités passées dans ce domaine « qui existent depuis des dizaines d’années », avait indiqué à l’époque David Bouffard, vice-président des affaires d’entreprise de Signet, à Rapaport News.

L’approvisionnement responsable est l’un des quatre piliers de la politique RSE de Signet, comme indiqué dans le rapport – les autres étant son personnel, sa gérance environnementale et les dons caritatifs. C’est également la politique qui aura certainement le plus gros effet sur le marché des bijoux et des diamants dans son ensemble.

Sachant que Signet s’approvisionne auprès d’environ 700 fournisseurs dans le monde, ses protocoles d’approvisionnement responsable ont un spectre d’influence important. De plus, la société exige de ses fournisseurs qu’ils mettent en œuvre ces protocoles auprès de leurs propres sous-traitants, ce qui étend encore plus leurs effets sur le marché.

« Les matières premières utilisées pour nos bijoux – l’or, les diamants et d’autres pierres et métaux précieux – proviennent d’une multitude d’endroits dans le monde, a écrit la société dans le rapport. Avec une chaîne d’approvisionnement si complexe, nous savons qu’il est essentiel de maximiser la transparence. »

Après avoir réussi à appliquer des protocoles pour l’or, ainsi que le tungstène, le tantale et l’étain, Signet revendique une chaîne d’approvisionnement de l’or sans conflit depuis trois ans consécutifs. La société développe actuellement un protocole pour l’argent et les métaux du groupe platine, qui devrait être lancé cette année, ainsi qu’un autre pour les pierres de couleur, prévu pour 2020.

Le protocole pour les diamants, qu’il s’agisse de brut, de taillé ou de pierres serties sur des bijoux, a été déployé l’année dernière et sa mise en œuvre est en cours.

Toutes les pratiques d’approvisionnement et de conformité de Signet passent par une approche en deux volets, l’un ciblé sur les fournisseurs et l’autre sur les matières premières elles-mêmes.

Côté fournisseurs, Signet exige que toutes les sociétés avec lesquelles elle travaille adhèrent au Responsible Jewellery Council (RJC), un organisme qui fixe les pratiques d’activité responsable pour les diamants, l’or et les métaux du groupe platine. Les protocoles incitent également les fournisseurs à se procurer leurs marchandises auprès d’autres membres du RJC. L’année dernière, 199 fournisseurs de Signet faisaient parti du conseil – contre 50 en 2014 –, ce qui représente environ 99 % du stock acheté par la société, a indiqué David Bouffard.
La vérification des matières premières elles-mêmes est plus complexe, en particulier pour les diamants.

Pour aider à préciser l’origine de la production diamantaire, le protocole d’approvisionnement responsable de Signet pour les diamants (D-SRSP) divise l’approvisionnement en quatre catégories :

1. Le suivi des pierres individuelles. L’origine de chaque diamant est retracée jusqu’à l’un des quatre principaux producteurs : la De Beers, ALROSA, Rio Tinto et Dominion Diamond Corporation.

2. Le suivi des lots. On vérifie que les lots de diamants proviennent de ces grands producteurs, même si les pierres individuelles n’ont pas été suivies.

3. Sources mixtes. Un mélange de diamants issus de diverses sources, avec un certain pourcentage de marchandises en provenance de sources identifiées.

4. Autres sources identifiées. Des diamants provenant d’un pays producteur ou d’une mine sans affiliation avec les quatre grandes sociétés.

David Bouffard a affirmé que le programme aiderait Signet à établir le pourcentage de diamants achetés auprès des quatre plus grandes sociétés minières, ce qui aiderait à calculer l’approvisionnement en provenance du secteur artisanal. Ces informations permettraient à Signet de travailler davantage avec des mineurs artisans par le biais d’organisations comme l’Initiative diamant et développement (DDII), a-t-il expliqué.

« Il n’y a pas que le fait de suivre les diamants, il faut surtout comprendre la source de l’approvisionnement, a-t-il déclaré. Nous voulons travailler avec tous les secteurs de la chaîne d’approvisionnement. »

Signet espère disposer de meilleures informations sur la source de ses diamants à échéance d’un an – à temps pour son prochain rapport RSE. Et puisque la société est l’un des plus grands acheteurs de diamants sur le marché, ses conclusions permettraient de dessiner le profil de toute la chaîne d’approvisionnement de l’industrie.

Dans l’environnement du retail actuel, de tels efforts sont essentiels, a souligné David Bouffard.

« Les consommateurs, en particulier ceux de la génération Y, supposent, avant même d’entrer dans une boutique, que les marchandises proviennent d’une source responsable, a-t-il indiqué. Nous leur apportons la garantie que nous sommes à la hauteur de leurs attentes. Et nous devons l’être. »

C’est une histoire que la société répète dans l’industrie depuis quelques années, alors même qu’elle a pris la tête d’un mouvement visant à développer un système pratique pour fournir ces garanties.

Il est donc assez ironique que les autres domaines du programme de RSE de Signet aient été remis en cause.

Le contraste entre les travaux sur l’approvisionnement responsable de la société et les allégations de harcèlement sexuel auxquelles elle doit faire face – la plus sérieuse remontant à la fin des années 90 et aux années 2000, d’après un article du Washington Post – suggère que Signet est une société bien différente aujourd’hui de ce qu’elle était il y a dix ou vingt ans. C’est pourtant une société toujours responsable de ses actions… passées, actuelles et futures. Cela vaut autant pour la position de Signet aux yeux du public que pour les conséquences légales qu’elle s’apprête à supporter.

Sachant que l’industrie encourt de tels risques pour sa réputation, chaque maillon de la chaîne d’approvisionnement devrait s’obliger à suivre le conseil de Warren Buffett et « agir différemment ».

Source Rapaport