Oubliez la génération Y, découvrez les « midults »

Ashley Davis

Les habitudes d’achat de la génération Y ont fait l’objet d’analyses et de discussions ad nauseam ces dernières années. D’après certains experts, cette focalisation excessive pourrait se faire au détriment des détaillants.[:]

Lors du salon commercial de Vicenzaoro en janvier, Paola De Luca, directrice créative dans le cabinet de tendances Trendvision, a évoqué une tranche d’âge d’acheteurs qui, selon elle, a été négligée par l’industrie de la joaillerie, et appelée les « midults ».

La midult est une femme que Paola De Luca situe entre 35 et 55 ans, avec un certain pouvoir d’achat.

« Lorsque nous avons entre 35 et 55 ans, voire 60 ans, explique-t-elle, nous avons plus d’argent. Nous avons déjà l’essentiel (dans nos placards). Nous voulons maintenant des pièces d’exception et nous sommes prêtes à y consacrer de l’argent. »

Une midult est généralement une femme de la génération X, née entre 1960 et 1980.

Après la génération Y et les baby-boomers, la génération X est la troisième plus importante en Amérique, d’après un rapport de la société de logiciels de gestion multimédia Centro. Elle représente jusqu’à 25 % des adultes américains, sur une population de 60 millions de personnes.

(Même si l’étude de Centro n’indique pas la part de femmes et d’hommes dans ce groupe démographique, la dernière étude de MetLife effectuée en 2009 donnait une estimation de répartition à 50-50.)

Centro évoque les statistiques d’une étude American Express et Harrison Group, affirmant que la génération X représente 29 % de l’actif net en dollars et 31 % du total des revenus en dollars dans le pays. C’est donc la génération qui a le plus de pouvoir d’achat.

Le terme « midult » a quant à lui été déposé par un site Internet de média britanniques du même nom qui propose des contenus pour les femmes d’âge moyen. (Selon Paola De Luca, ces femmes représentent le groupe de consommateurs le plus puissant au Royaume-Uni, soit huit millions de personnes).

Dans son cahier des charges, le site Internet The Midult affirme qu’il s’agit « d’une nouvelle définition pour une nouvelle génération… Nous voulions avoir un regard neuf sur le pouvoir et le potentiel de femmes comme nous : drôles, utilisatrices du numérique et extrêmement anxieuses. »

Et l’assertion est tout à fait juste à propos de l’aspect numérique.

Bien qu’elle n’ait pas été élevée avec Internet, la génération X a adopté le réseau sans réserve. Selon le cabinet de tendances WGSN, 84 % des Britanniques entre 35 et 44 ans sont des utilisateurs quotidiens d’Internet, contre 82 % de la génération Y en Grande-Bretagne.

Plus tôt cette année, le New York Times a publié un article sur les résultats d’une étude de Nielsen montrant que les membres de la génération X passaient plus de temps sur les réseaux sociaux que la génération Y.

« L’impact numérique de la génération Y est remonté jusqu’aux générations précédentes. Il est essentiel que les détaillants et les fabricants constatent la présence massive de ce segment de population dans le monde numérique », a expliqué Ben Smithee, PDG du cabinet de conseil en marketing numérique, The Smithee Group.

Le client qui achète pour lui-même

Alors que les marchés du luxe recherchent sans cesse de nouvelles façons d’entrer en contact avec la génération Y, qui préfère dépenser son argent pour vivre des expériences, l’industrie de la haute joaillerie aurait plutôt intérêt à porter attention aux précédentes générations.

« À mon avis, la femme « midult » est la cliente la plus puissante et la plus négligée par la haute joaillerie aujourd’hui, a indiqué Amanda Gizzi, directrice des relations publiques et des événements chez Jewelers of America. Elle travaille depuis plus de quinze ans, elle a une carrière bien établie. Elle gagne son propre argent et ne craint pas d’en dépenser pour elle-même. »

Et comme l’âge de la retraite est sans cesse repoussé, le pouvoir de la consommatrice midult ne fait que se renforcer.

Leur pouvoir d’achat s’exprime par exemple chez Moda Operandi, la société de commerce électronique spécialisée dans les présentations de créateurs en ligne, qui permet aux clients de pré-commander des tenues dès la sortie des podiums. Selon Paola De Luca, la midult est la femme cible du détaillant de luxe sur Internet.

« (Les produits Moda Operandi) sont vendus en ligne des milliers d’euros ou de dollars et ciblent ces femmes. Oui, bien sûr, il existe un marché pour la génération Y mais très peu de jeunes filles de 25 ans peuvent s’offrir une robe à 5 000 dollars », a-t-elle expliqué.

Dans son rapport « The Faces of the New Jewelry Consumer », publié en septembre dernier, MVI Marketing, cabinet d’étude des marchés de consommation des bijoux et du luxe, citait une étude réalisée par American Express et Harrison Group. Dans celle-ci, un quart des femmes des ménages gagnant au moins 100 000 dollars de revenus discrétionnaires affirmaient avoir acheté des bijoux pour elles-mêmes, et pas seulement pour une occasion particulière.

« La femme qui achète pour elle-même ne fait l’objet d’aucune attention où elle est sous-estimée par l’industrie traditionnelle de la joaillerie. Dès lors, elle va ailleurs acheter des bijoux, non pas dans les boutiques spécialisées traditionnelles, mais plutôt dans les grands magasins ou dans des espaces atypiques », a expliqué Marty Hurwitz, PDG de MVI.

Marty Hurwitz a remarqué qu’une midult qui achète pour elle-même cherche à accessoiriser ses tenues et elle le fait avec des articles tendance, colorés et vendus entre 95 dollars et 995 dollars, les consommateurs les plus jeunes dépensant les sommes les plus faibles de cette fourchette et inversement.

Les boutiques de bijoux traditionnelles manquent de couleur, ajoute-t-il, car les bijoux en diamants blancs représentent une grande part de leur assortiment. Généralement, on ne trouve que peu de styles arborant de la couleur dans la gamme de prix accessibles à la plupart des femmes qui achètent pour elles-mêmes, a-t-il ajouté.

Marty Hurwitz pense que l’industrie de la haute joaillerie a des leçons à apprendre des autres secteurs du retail, comme celui des chaussures.

« Cette consommatrice, celle qui achète pour elle-même, s’offre quatre à six paires de chaussures par an en moyenne, dans différentes boutiques et chez des vendeurs en ligne, à des prix très variables. Le monde de la joaillerie n’a rien fait pour séduire cette femme. Nous ne savons même pas la convaincre d’acheter un produit par an, a expliqué Marty Hurwitz. Nous devons trouver des façons de servir ces personnes qui dépensent beaucoup et sont prêtes à acheter des chaussures, des sacs à main, des ceintures et des vêtements de façon régulière tout au long de l’année. Mais elles ne dépensent pas beaucoup pour des bijoux car personne ne les invite à le faire. »

Trouver des solutions

Avec des générations qui s’étendent sur 20 ans, des nuances apparaissent bien entendu au sein de chacune.

Ben Smithee explique que le style de vie de la génération Y, dont les membres ont tendance à rester plus longtemps chez leurs parents, s’accorde à celui des plus jeunes membres de la génération X, un facteur sur lequel les joailliers peuvent s’appuyer.

« On trouve également toute une section hybride composée des membres les plus âgés de la génération Y, aujourd’hui âgés d’environ 35 ans, et des membres les plus jeunes de la génération X qui disposent d’importants revenus disponibles, a-t-il expliqué. Ces groupes en sont à un stade de leur vie où ils vivent le plus de changements majeurs, lesquels sont des occasions pour les joailliers de créer des relations qui ont du sens. Entre mariages repoussés, naissance des enfants, anniversaires de mariage et achats personnels, ce segment offre aujourd’hui la meilleure opportunité pour les joailliers de réaliser des ventes»

Marty Hurwitz a suggéré de se pencher sur les marques qui connaissent le succès, comme Kendra Scott, Alex and Ani, Pandora et l’Australien Emma & Roe, puis d’imiter leurs activités basées sur l’idée des collections, des couches et des empilements de bijoux.

Parallèlement, Amanda Gizzi, de JA, a souligné que les midults achètent à la fois en ligne et en se rendant personnellement dans les boutiques.

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« Comme la plupart des générations aujourd’hui, les femmes midult font leurs recherches et leurs achats en ligne. Il est donc indispensable de disposer d’une forte présence sur Internet et sur les réseaux sociaux, a-t-elle expliqué. Toutefois, ne sous-estimez pas le pouvoir d’une présence physique dans la communauté. Ces femmes sont plus susceptibles d’être fidèles aux marques qu’elles voient devant elles et avec lesquelles elles nouent un lien personnel. Ce sont aussi elles qui font les cadeaux. Elles veulent faire plaisir à leur entourage en offrant des présents spéciaux et elles sont aussi plus susceptibles de se faire plaisir. »

Elles sont également fidèles aux marques

Un article du Wall Street Journal de 2011, évoquant le phénomène des clients qui achètent pour eux-mêmes, affirmait que le fait de proposer des noms de marque de confiance, comme Todd Reed ou Ippolita, était essentiel pour gagner la confiance des clients.

Les experts interrogés dans l’article s’accordaient à dire que les habitudes d’achat de la génération Y, et même de la génération Z, doivent être prises en compte mais qu’il en va de même pour celles de la génération qui les précède.

Amanda Gizzi a conclu : « (La midult) a grandi avant l’arrivée d’Internet mais elle est encore suffisamment jeune pour profiter pleinement de toutes les avancées technologiques. Elle attend un service clientèle de qualité et récompense les boutiques et les marques qui le lui proposent. »

« Et surtout, elle a grandi avec des parents qui aimaient vraiment les bijoux et tout ce qu’ils représentent. Cet amour lui a certainement été transmis et si l’industrie des bijoux la traite correctement, elle transmettra cet amour à ses enfants. »

Women Empowerment

Source National Jeweler