L’occasion de resserrer les liens

Avi Krawitz

 Un diamant brut change de mains au moins cinq fois avant d’arriver sur l’instrument de coupe, ainsi que me l’a expliqué un ancien de l’industrie à mon plus grand étonnement lorsque j’ai commencé à écrire sur ce marché. Une pierre taillée est échangée encore plus souvent, avant d’être sertie sur un bijou, a-t-il poursuivi.

Le périple qui conduit un diamant de la mine jusqu’au bijou est véritablement international. Il peut être extrait au Lesotho, vendu lors d’un tender à Johannesburg, négocié à Anvers et peut-être même taillé au laser en Israël, avant d’être poli à Surat et certifié à Carlsbad, en Californie. Une fois taillé, il est très probable qu’il soit trié à Mumbai, puis envoyé à un salon de Hong Kong pour y être exposé et vendu à un grossiste de bijoux qui le sertit sur une bague de fiançailles dans une usine en Chine. La bague est exportée à un négociant sur la 47e rue de New York, où il pourrait passer de bureau en bureau avant de trouver un acheteur – par exemple un bijoutier de Bloomington, dans l’Indiana, qui le revend à un couple prévoyant de s’installer à Toronto, au Canada, après leur mariage.

Les possibilités sont sans fin, ce qui prouve que n’importe quelle pierre emporte avec elle l’ADN de centaines de personnes. Le diamant fait le lien entre les différents acteurs du marché partout dans le monde et, ce qui est peut-être le plus important, il renforce le lien entre les couples qui construisent leur vie ensemble.

Cette notion est importante à l’heure où nous nous battons contre le coronavirus, qui s’est propagé dans le monde entier avec une aisance encore plus grande. Si nous, en tant qu’industrie – et en tant qu’êtres humains, d’ailleurs – avions oublié l’impact que peut avoir une personne sur une autre, l’épidémie de Covid-19 est là pour nous le rappeler. Ce virus, qui paraissait au départ se limiter à la Chine, est devenu une pandémie mondiale en moins de deux mois. Le Covid-19 a prouvé ce que le marché sait intuitivement après avoir observé le voyage des diamants : nous vivons dans un petit village globalisé.

Bien entendu, les conséquences peuvent être négatives, comme dans le cas de la propagation d’un virus. Mais l’on se doit de reconnaître que l’inverse peut aussi être vrai. Nos actions positives ont un impact large, qui peut se répandre très rapidement.

Le virus nous a obligés à nous arrêter et à envisager les choses qui ont de l’importance. Peut-être le monde avance-t-il trop vite et devons-nous ralentir et nous impliquer différemment auprès de nos familles, nos collègues et nos amis. Sans aucun doute, les réseaux sociaux sont devenus trop bruyants et souvent désagréables. L’ironie à l’ère de Facebook-Instagram-Twitter, c’est que plus il est facile de communiquer, plus il est difficile de tisser des liens intimes et personnels. 

Le Covid-19 fait surgir cette perspective. Il doit devenir un catalyseur permettant de renforcer nos relations privées et professionnelles, à une époque où les craintes pour la santé internationale nous obligent à nous isoler.

Il faut reconnaître que le marché diamantaire a toujours prospéré grâce aux réseaux, aux poignées de main et à son sens de la communauté. Peut-être est-ce la raison pour laquelle la crise actuelle est si difficile à traverser pour l’industrie, car la plupart d’entre nous sont en quarantaine ou en confinement à l’heure où j’écris. Il n’est pas dans notre ADN de nous retirer du monde.

Mais nous pouvons exploiter notre sens de la communauté. La pandémie va bouleverser notre activité pour toujours, en accélérant la numérisation du monde et les transactions à distance. Et même si l’industrie doit s’adapter à cette réalité, les acheteurs et les consommateurs vont aspirer à nouer des liens personnels, de façon encore plus prononcée. Les sociétés capables de renforcer l’élément humain dans leurs relations avec leurs clients, leurs fournisseurs et les consommateurs de cette nouvelle réalité numérique en sortiront vainqueurs. Il va devenir vital de donner confiance dans ses services, grâce à des garanties du type « Apprenez à connaître votre fournisseur », et dans son produit, en faisant la preuve d’une chaîne d’approvisionnement responsable.

Nous savons tous qu’un diamant est éternel. Mais en vérité, ce n’est pas le diamant qui est éternel, c’est le lien humain qu’il représente. N’oublions pas cette notion au moment d’entrer dans cette nouvelle ère.

Source Rapaport


Photo © Forevermark.