L’industrie indienne peut-elle survivre à la crise ?

Aruna Gaitonde

L’industrie indienne est confrontée à un avenir incertain, avec de multiples difficultés à affronter en même temps. Lorsque le géant minier De Beers a rapporté une vente de 545 millions de dollars de brut lors du premier cycle commercial de l’année, après une année 2019 difficile, on a pu croire que l’industrie était sur la voie de la reprise.

Mais, alors même que l’industrie commençait à montrer des signes d’amélioration en début d’année 2020, après un effondrement de la demande de Hong Kong et de Chine lié à la guerre commerciale entre États-Unis et Chine et aux émeutes à Hong Kong, le chaos s’est brusquement déclaré avec l’épidémie d’un coronavirus meurtrier en Chine.

Même si, en décembre 2019, les exportations internationales de taillé par l’Inde ont enregistré une légère augmentation, à 1,25 milliard de dollars, par rapport au mois précédent, les importations de diamants bruts synthétiques se sont maintenues à 45,69 millions de dollars en décembre 2019, contre 14,75 millions de dollars en décembre l’année précédente. L’industrie semblait donc à la veille de connaître amélioration et croissance. Mais désormais, le premier trimestre paraît de plus en plus morose, l’épidémie de coronavirus pesant sur la demande à Hong Kong, le plus gros marché à l’exportation de l’Inde. Avec l’amélioration de décembre, les membres de l’industrie ont pensé qu’elle se reprendrait. Mais dès janvier, le problème du coronavirus s’est présenté. Les exportations de janvier ont donc été touchées et il faudra peut-être au moins un mois ou deux pour qu’elles redémarrent.

Les exportations de taillé d’Inde vers Hong Kong ont plongé de 23 % au cours des neuf mois clos en décembre par rapport à l’année précédente, à 5,4 milliards de dollars. Le total des exportations de pierres et bijoux vers Hong Kong est en recul de 9 %, à 7,4 milliards de dollars sur la période. Le Hong Kong Trade Development Council (HKTDC) reporte les salons jumelés (le Salon international des diamants, des pierres et des perles de Hong Kong et le Salon international de la bijouterie de Hong Kong) aux 18 à 21 mai en raison de l’épidémie de coronavirus, des faits qui perturbent fortement l’industrie indienne des diamants et des bijoux. De même, aucun visiteur en provenance de Chine ou de Hong Kong n’est attendu à l’IIJS Signature 2020. En effet, l’Inde refuse les visas des voyageurs en provenance de ces deux pays.

Lors de la première vente de De Beers cette année, les prix du brut ont pris entre 3 % et 4 %. Or, les exportateurs indiens ne sont pas certains que la hausse des prix sera transférée sur le taillé car la demande de Chine, de Hong Kong et d’Extrême-Orient devrait être durement touchée par l’épidémie de coronavirus. En outre, le marché indien des pierres et bijoux est déçu du budget 2020 du gouvernement de l’union qui a maintenu des droits sur les importations d’or de 12,5 % et de 7,5 % sur le taillé. Pas une once d’avantage n’a été proposée à l’industrie diamantaire. La demande de bijoux en or a récemment baissé en Inde jusqu’à atteindre 544,6 tonnes en 2019, un recul de 9 % par rapport à l’année précédente. La baisse a été largement attribuée à un bond du cours du métal jaune au second semestre, jusqu’à atteindre un nouveau plus haut depuis six ans en dollars. Le ralentissement économique national et une demande rurale en berne ont également eu une incidence.

L’Inde est le plus grand pôle au monde pour la taille de diamants bruts et Surat, le centre névralgique de la taille, du polissage et de la transformation du brut, exporte 85 % des pierres traitées. Si la situation n’est pas rapidement mise sous contrôle, l’épidémie de coronavirus en Chine devrait peser sur les ventes de taillé. Les prix du taillé ne vont pas monter et les marges des fabricants connaîtront des pressions. Au cours des neuf premiers mois de l’exercice fiscal, les exportations globales de diamants taillés étaient en recul de 17,14 % par rapport à la même période l’année dernière. L’industrie s’attendait à une amélioration des exportations au quatrième trimestre, après la signature du traité commercial entre États-Unis et Chine. Mais telles que sont les choses aujourd’hui, ce ne devrait pas être le cas.

Les articles parus dans la presse indienne mettent en avant les craintes que de nombreux négociants de diamants ressentent à propos des effets de l’actuelle épidémie de coronavirus. Malgré certains incidents isolés liés à la maladie en Inde, la plupart des gens sont davantage inquiets des conséquences sur le marché diamantaire du pays, notamment à Surat. D’après certains articles de presse, l’industrie de Surat pourrait avoir à subir des pertes d’environ 1,12 milliard de dollars au cours des prochains mois car Hong Kong est l’une de ses principales destinations d’exportation. La municipalité a en effet déclaré l’état d’urgence en raison de l’épidémie de coronavirus. Hong Kong représente environ 37 % du total des exportations de Surat. De même, les négociants du Gujarat à Hong Kong rentrent en Inde jusqu’à ce que la situation s’améliore en Extrême-Orient, ce qui implique un arrêt de l’activité.

D’après un article du Times of India, la zone notifiée spéciale (SNZ) du Surat International Diatrade Centre (SIDC), situé à la Gujarat Hira Bourse (GHB), à Ichhapore, a été déclarée zone douanière afin de réaliser des importations, du négoce et des réexportations de brut. De plus, les grandes sociétés d’extraction de diamants du monde entier devaient se rendre à Surat d’ici la fin février pour vendre leur brut directement aux diamantaires de la ville. Toutefois, en fonction de l’évolution de la situation fin février, il faudra voir si ce sera le cas.

En ce qui concerne les importations annuelles de brut en Inde, elles sont évaluées à environ 18 milliards de dollars. Près de 70 % des diamants bruts sont achetés aux grosses sociétés minières, comme De Beers, ALROSA, Rio Tinto, Dominion, etc. Le reste entre dans le pays en provenance des marchés secondaires d’Anvers et de Dubaï. Or, les banques diamantaires  indiennes qui travaillent à Anvers, centre du négoce du brut, ont soit arrêté de financer les diamants dans la ville belge soit réduit leur exposition. En Inde également, les banques ont resserré leur financement au secteur des pierres et des bijoux.

Toutefois, les négociants indiens qui achètent du brut à la major russe ALROSA ont de quoi se réjouir. De récents articles de presse ont affirmé que les banques russes avaient commencé à accorder des prêts aux clients étrangers d’ALROSA pour l’achat de brut. L’opération aidera le marché diamantaire indien, privé de financement bancaire après l’arnaque présumée de Nirav Modi. ALROSA aurait également accordé la possibilité, à certains acheteurs de gros indiens autorisés, de n’acquérir que 55 % du volume prévu, afin qu’ils n’aient pas à cumuler de stocks. « Cela aidera ceux qui achètent du brut à Anvers. La banque ABN Amro a déjà réduit son financement des achats de brut et raccourci les périodes de remboursement des crédits. Ainsi, si les banques russes poursuivent leur politique de prêts favorable aux entreprises, le marché des diamants indiens en tirera avantage », a déclaré Colin Shat, vice-président du Gem & Jewellery Export Promotion Council.

Source Rough & Polished