Le rêve en diamant à 45 cm

Avi Krawitz

En marge du salon JCK Las Vegas, les conversations étaient plus animées que les simples négociations de marchandises. Plusieurs séminaires de formation et des allocutions ont exhorté les sociétés à aller au-delà de simples échanges de produits et d’argent et à réfléchir à long terme pour garantir l’essor de l’industrie.[:]

Tandis que la direction de la De Beers défiait joailliers et diamantaires sur leur façon de faire vivre le « rêve des diamants », Martin Rapaport, le président du groupe Rapaport, a appelé l’ensemble de la filière à se concentrer sur les 45 derniers centimètres, qui séparent le bijou du client, sur le comptoir du joaillier.

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« Nous devons réfléchir à ce que nous pouvons faire pour ces 45 derniers centimètres, afin de facturer les diamants plus cher et d’en vendre davantage, a expliqué Martin Rapaport au cours du petit déjeuner Rapaport, au salon JCK. Si nous y parvenons, tout le monde y gagnera, des miniers aux détaillants, en passant par les fabricants, les négociants et les grossistes. »

« Cela, a-t-il expliqué, nécessite un effort commun. L’idée que vous devez vous occuper du client du client du client doit devenir partie intégrante de la culture de l’industrie. »

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« L’idée que vous devez vous occuper du client du client du client doit devenir partie intégrante de la culture de l’industrie. »

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Martin Rapaport est convaincu que la hausse des prix ne peut provenir que des joailliers, sans qui l’extraction minière, la fabrication, la commercialisation et le marketing seraient inutiles. Avec des hausses des prix du taillé constamment en retard sur celles des prix du brut, il a souligné que la croissance ne peut pas être entraînée par le secteur de l’extraction du brut. Si les acteurs en aval ne gagnent pas d’argent, les miniers ne pourront plus ni commercialiser ni vendre leurs marchandises.

« Si les sociétés d’extraction et de fabrication veulent augmenter leurs prix, elles vont devoir reporter la hausse sur les joailliers, qui font des bénéfices supérieurs sur le comptoir, a-t-il expliqué. Il est grand temps que l’industrie diamantaire respecte et soutienne cette corporation. »

[two_third]À cet égard, Martin Rapaport a exhorté chacun à évaluer la « valeur de sa valeur ajoutée » et à comprendre sa place sur le marché. Et surtout, il a souligné que les diamants doivent être vendus avec une charge émotionnelle et non comme un produit utile ou en fonction du prix. « Nous devons tous admettre que notre métier n’est pas de vendre des diamants, notre métier, c’est de bâtir des relations », a expliqué Martin Rapaport. En conséquence, a-t-il rappelé, toute la chaîne d’approvisionnement doit se concentrer sur sa relation avec le client et capter l’émotion de l’achat qui existe au sein de cette interaction. [/two_third][one_third_last]

« Les diamants doivent être vendus avec une charge émotionnelle et non comme un produit utile ou en fonction du prix. »

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Philippe Mellier, le PDG de la De Beers, a assuré que les clients conservent un lien émotionnel inné avec les diamants et que ces nouvelles approches marketing pourraient aider l’industrie à se connecter avec le concept que l’on appelle le rêve des diamants. Il a rappelé, lors de son tout premier discours au salon JCK Las Vegas, que le rêve est plus vivace que jamais, la demande mondiale n’ayant jamais été aussi forte.

La De Beers a estimé que la consommation mondiale de taillé a progressé d’environ 3 % en 2013. La consommation aux États-Unis, que la De Beers estime à 39 % du marché mondial pour l’an dernier, a augmenté de 7 %, tandis qu’en Chine – le deuxième plus gros marché avec 12 % –, l’avancée est de 11 %. La consommation mondiale de diamants devrait prendre environ 4,5 % en 2014, grâce au renforcement de la croissance en Chine et aux États-Unis. Cet essor est fortement stimulé par les ventes de bijoux en diamants pour femmes, qui ont représenté, en valeur, environ 80 % du total des ventes de diamants au détail aux États-Unis en 2013, selon la De Beers.

debeersStephen Lussier, le PDG de la marque Forevermark de la De Beers, a présenté les conclusions préliminaires d’une étude plus vaste, qui devrait être publiée par la De Beers plus tard cette année.

Il a expliqué que le marché des bijoux en diamants pour femmes a progressé en 2013 grâce à une hausse à la fois des volumes et des prix moyens. Le volume des ventes s’est amélioré de 6 % entre 2011 et 2013, pour atteindre 21,6 millions de bijoux en diamants. Le prix unitaire moyen a quant à lui augmenté de 28 % au cours de la période, pour atteindre 1 564 dollars. Le marché américain des bijoux en diamants a ainsi pu être évalué à 33,76 milliards de dollars l’année dernière.

L’étude de la De Beers a identifié trois segments importants ayant connu des changements significatifs sur le marché des bijoux en diamants pour femmes.

[two_third]Stephen Lussier a expliqué que davantage de femmes célibataires cherchent à dénicher des modèles tendance pour leurs bijoux en diamants, mais à des tarifs inférieurs. Ainsi, ces deux dernières années, ces femmes ont acheté plus, mais le prix moyen a baissé. Au contraire, les femmes mariées ont moins acheté, mais à des prix plus élevés. La proportion de femmes mariées aisées a progressé, tandis que les groupes moins bien lotis financièrement ont réduit leurs achats de bijoux en diamants.[/two_third][one_third_last]

« Davantage de femmes célibataires cherchent à dénicher des modèles tendance pour leurs bijoux en diamants, mais à des tarifs inférieurs. »[/one_third_last]

L’étude a également révélé une forte croissance du segment du bridal avec « un essor très ferme du volume et de très fortes augmentations de prix » pour les bagues de fiançailles en diamants. Stephen Lussier a également signalé une forte croissance des ventes de bijoux en diamants pour les mariages, tant en termes de volume que de prix.

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Selon lui, les couples laissent passer plus de temps entre les fiançailles et le mariage. Ils peuvent donc peut-être économiser davantage en vue du grand jour et disposent d’un budget plus conséquent pour acheter leurs bijoux. Il a également souligné que le marché devait cibler les achats de diamants à l’occasion des mariages, en raison de la simplicité de l’opération. En effet, les joailliers connaissent déjà leurs clients et ont noué une relation avec eux.

La direction de la De Beers considère l’étude comme un vote de confiance dans l’avenir du rêve des diamants. Pourtant, tant Stephen Lussier que Philippe Mellier ont lancé un avertissement : l’industrie ne doit pas se reposer sur ses lauriers, étant donné que le profil des consommateurs change constamment.

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« une forte croissance du segment du bridal avec « un essor très ferme du volume et de très fortes augmentations de prix » pour les bagues de fiançailles en diamants. »

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« Nous devons affronter les difficultés actuelles et à venir au niveau de la confiance des consommateurs. Nous devons vérifier que l’offre s’adapte correctement à la hausse de la demande, a expliqué Philippe Mellier. Pour cela, nous devons mieux connaître notre clientèle, trouver de nouvelles façons de répondre à ses besoins et garantir une offre de marchandises et de propositions adaptée à ce qu’elle attend. »

Philippe Mellier a rappelé que l’industrie profite aujourd’hui d’une opportunité exceptionnelle : associer le souhait des consommateurs de posséder des diamants à celui d’acheter des marques de prestige. Même si la De Beers a investi dans Forevermark pour capitaliser sur ces tendances, aussi bien Philippe Mellier que Stephen Lussier ont exhorté les autres membres de l’industrie à agir en ce sens. À la différence d’autres produits de luxe, les diamants, comme l’a fait remarquer Philippe Mellier, n’ont pas encore profité des avantages en matière de performances qui résultent de la concurrence entre les marques.

forevermark-de-beersL’industrie pourrait d’ailleurs devoir passer à la vitesse supérieure à cet égard. Du fait de l’absence quasi-totale de marques fortes, la De Beers remarque une pression croissante de la part de catégories concurrentes pour s’approprier le porte-monnaie des clients. Le plus marquant peut-être concerne le matériel électronique. L’étude a montré que les propriétaires de smartphones ont augmenté de 22 % entre 2011 et 2013, contre 2 % pour les possesseurs d’articles de joaillerie.

Certes, les consommateurs dépensent plus dans le segment dit de l’expérience. Pourtant, Stephen Lussier, comme Martin Rapaport, a souligné que les entreprises devaient rester connectées aux besoins émotionnels des clients. Après tout, avance-t-il, « l’amour n’a pas perdu de sa prééminence. Le besoin [pour une industrie comme la nôtre] ne va donc pas disparaître. »

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Après avoir enterré le marketing générique, la De Beers considère qu’elle fait vivre le rêve des diamants à travers Forevermark. Toutefois, pour être parfaitement efficace, Forevermark a besoin d’une concurrence féroce, d’une guerre des marques, profitable à toute l’industrie, un peu comme celle qui fait rage entre Apple et Samsung, et stimule la demande de produits électroniques, ou celle qui existe entre Smirnoff et Absolut pour la vodka.

Du point de vue de la De Beers, Forevermark améliore la valeur des mines de la société en mettant l’accent sur le comptoir du joaillier. Les cadres de la De Beers et Martin Rapaport ont d’ailleurs encouragé les autres à agir de la même façon. Après tout, comme l’a expliqué Martin Rapaport, c’est le secteur de la joaillerie, et non les miniers ou les fabricants, qui génère le plus d’argent dans l’industrie.

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« Forevermark a besoin d’une concurrence féroce, d’une guerre des marques, profitable à toute l’industrie. »

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Le rêve des diamants, semble-t-il, ne se trouve qu’à 45 petits centimètres.

Source Rapaport