Le marché mondial du luxe devrait atteindre 1 500 milliards EUR en 2023, un nouveau record pour le secteur

Bain & Company

Malgré une croissance continue, cette situation représente un tournant pour les marques. Pour tirer leur épingle du jeu et manœuvrer parmi ces turbulences, elles vont devoir se distinguer en faisant preuve de résilience, de pertinence et de renouveau.

MILAN— 14 Novembre 2023 Le marché mondial du luxe devrait atteindre 1 500 milliards d’euros en 2023, une croissance de 8 % à 10 % par rapport à 2022. Ce chiffre établit un nouveau record pour l’industrie et prouve sa résilience unique. Ces informations sont tirées des conclusions du dernier rapport de Bain & Company en coopération avec Altagamma, l’association de l’industrie italienne des fabricants de biens de luxe. Les dépenses consacrées aux expériences sont notamment remontées à des plus hauts historiques, alimentées par le retour des interactions sociales et des voyages.

Malgré des conditions macroéconomiques difficiles, le marché a enregistré une solide croissance de 11 % à 13 % à taux de change constants. Ces niveaux sont conformes à ceux de l’année dernière et se traduisent par une hausse d’environ 160 milliards d’euros de dépenses pour les catégories du luxe.

Dans un contexte de virages géopolitiques et macroéconomiques prononcés, le marché du luxe a fait preuve d’une résilience inégalée cette année. Le segment principal, celui des biens de luxe personnels, a connu une croissance continue en 2023 et devrait atteindre 362 milliards d’euros d’ici la fin de l’année, soit 4 % de plus qu’en 2022 aux taux de change actuels.

Toutefois, les perturbations se poursuivent au quatrième trimestre, notamment avec une faible confiance des consommateurs, des tensions macro-économiques en Chine et de faibles signes de reprise aux États-Unis. L’étude envisage un ralentissement des performances des biens de luxe personnel en 2024, qui aboutirait à une croissance de 1 % à 5 % en 2023, au vu des scénarios actuels.

« La période est cruciale pour les marques. Pour tirer leur épingle du jeu, elles vont devoir se distinguer en faisant preuve de résilience, de pertinence et de renouveau –les bases de la nouvelle équation du luxe centré sur la valeur, a déclaré Claudia D’Arpizio, associée chez Bain & Company et responsable de la pratique internationale Biens de luxe et mode chez Bain, également auteur principal de l’étude. Le marché du luxe génère une croissance positive pour 65 % à 70 % des marques en 2023, contre 95 % en 2022. Pour rester dans la course, les marques vont devoir absolument prendre des décisions audacieuses pour leurs clients. »

« Le marché est destiné à connaître une croissance à long terme, reposant sur des fondations solides, a déclaré Federica Levato, associée chez Bain & Company, responsable de la pratique Biens de luxe et mode dans la région EMOA, et co-auteur du rapport. Il va être essentiel de capter et d’amplifier le potentiel du marché, car la convergence évidente dans le secteur du luxe permet davantage d’expansion. Les acteurs ont l’opportunité, mais également la responsabilité, de donner plus de sens à leur activité, tout en exploitant les fusions et acquisitions stratégiques pour redéfinir les limites de l’industrie. Il s’agira de facteurs moteurs pour la croissance à l’avenir. »

Perspectives régionales : rebonds du tourisme européen, baisse des dépenses des Américains, les consommateurs chinois alimentent l’écosystème du luxe en Asie

L’étude montre que les achats de luxe des touristes dans le monde ont quasiment retrouvé leurs niveaux d’avant la pandémie, avec encore un potentiel inexploité dans de nombreux domaines. L’Europe a profité d’une reprise progressive du tourisme, qui a entraîné de la croissance dans plusieurs pays. Les lieux de villégiature éloignés ont attiré les grosses fortunes, tout comme les grandes villes du luxe. Même si les clients « aspirationnels » de la région ont été touchés par l’instabilité macro-économique, les groupes de consommateurs aisés, restés stables, ont maintenu une dynamique positive qui a contribué à la croissance du marché.

Par ailleurs, les Amériques ont subi une décélération tout au long de l’année. Les chiffres rapportés montrent une plongée de 8 % par rapport à 2022, tandis que de vastes incertitudes continuent d’influer sur les dépenses des clients « aspirationnels ». Les consommateurs les plus aisés gardent confiance mais continuent d’acheter dans d’autres pays car le dollar américain reste fort face à l’euro et l’écart favorise les achats à l’étranger.

L’Arabie Saoudite suit une pente ascendante, attirant les investissements de grandes marques de luxe. L’Australie offre un terreau fertile à la croissance.

La Chine continentale a publié de très bons résultats après sa réouverture au premier trimestre mais le rythme a ralenti avec l’apparition de nouveaux troubles macro-économiques. Haïnan devrait se développer en un grand centre du luxe et l’île pourrait devenir totalement duty-free d’ici 2025. Le Japon connaît une trajectoire florissante, grâce aux clients locaux en situation d’acheter et à la faiblesse du yen, qui favorise les arrivées de touristes. À l’inverse, la Corée du Sud se retrouve confrontée à une année difficile. Les problèmes macro-économique pèsent sur la consommation locale et la solidité de la devise incite les touristes à acheter ailleurs. Les pays d’Asie du Sud-Est ont connu une dynamique positive, grâce à la bonne santé du tourisme interrégional et à un intérêt croissant de la part des consommateurs locaux, notamment en Thaïlande.

Perspectives par catégorie : les bijoux resplendissent, les consommateurs sont en quête d’expériences favorables aux boutiques monomarques

L’analyse par Bain et Altagamma montre que toutes les catégories du luxe connaissent de la croissance, favorisée par une hausse des prix constante, qui ébranle partiellement les volumes. Plébiscités comme objets d’investissement, les bijoux devraient atteindre une valeur de marché de 30 milliards d’euros en 2023. La joaillerie attire les investisseurs, dans un contexte d’incertitudes. Le prêt-à-porter affiche une croissance positive, animée par les grands acheteurs du segment le plus élevé et de la demande pour de l’excellence et de la durabilité. La beauté, segment entraîné par le maquillage et les parfums, profite d’une dynamique positive, grâce à la tendance « Lipstick Effect (l’effet rouge à lèvres) aux Amériques et en Europe. Les montres continuent d’obtenir de bons résultats, malgré une polarisation croissante sur quelques grands noms du secteur. Après les surperformances de ces dernières années, la maroquinerie voit sa croissance ralentir.

En termes de canaux, les boutiques monomarques se placent en tête de l’écosystème de la distribution, avantagées par la quête d’expériences physiques des consommateurs et le rôle croissant de la création de clientèle. Les expériences physiques et numériques se mêlent de plus en plus, obligeant les marques à apporter de l’excellence tout au long du parcours de consommation. À l’inverse, les environnements multimarques souffrent d’un fort ralentissement dans les grands magasins et en boutiques spécialisées. De plus en plus de questions se posent quant à la manière de faire évoluer leur proposition de valeur et de répondre au mieux aux besoins des clients.

La complexité du mélange des générations

Les marques doivent affronter une complexité croissante due au mélange des générations, en jouant sur tous les plans pour répondre aux différents besoins de leur clientèle. Les générations X et Y ont désormais atteint la période où leurs revenus sont les plus importants. Elles sont à l’origine de la majeure partie des achats de luxe et constituent une réserve majeure de croissance de revenus dans un avenir proche. Toutefois, les membres de la génération Z veulent mener un changement social et culturel. Ils inspirent les systèmes de valeurs des autres générations, montrant une forte volonté de vivre des expériences et de trouver du sens dans leurs actes. D’ici 2030, la génération Z représentera de 25 % à 30 % des achats du marché du luxe, tandis que la génération Y comptera pour 50 % à 55 %.

Le marché du luxe en 2030 : à quoi s’attendre ?

À horizon 2030, la croissance du marché se maintiendra grâce aux bases solides que nous connaissons, et ce malgré de possibles écueils. Les clients chinois représenteront de 35 % à 40 % du marché des biens de luxe personnels, tandis que les Européens et les Américains compteront ensemble pour 40 % du marché. Les canaux de distribution en ligne et monomarques devraient constituer les deux tiers du marché d’ici 2030. Dans ce contexte, les marques vont devoir se concentrer pour se différencier et offrir des expériences qui ont du sens tout au long du parcours d’achat, quel que soit le point de contact et d’interaction. Il faudra alors s’attendre à une nouvelle série de fusions et acquisitions, nécessaires pour affronter les grandes difficultés de l’industrie. Il deviendra alors essentiel de se démarquer en termes de développement durable et d’intégrer la technologie.

Les entreprises devront également continuer à s’engager pour leur succès à long terme. Dans un marché de plus en plus fréquenté, les marques doivent favoriser la créativité et l’innovation, afin de rester convaincantes pour leurs clients. L’objectif ultime est de cultiver un groupe d’inconditionnels de la marque pour élargir leur portée.

Il sera tout aussi urgent de maîtriser les défis à court terme. Les marques doivent faire preuve de réactivité et d’adaptabilité, grands principes de leur activité. Il faudra pour cela introduire de la flexibilité dans la structure de l’entreprise et optimiser la gouvernance et les processus pour gagner en efficacité.

Source Bain & Company