Le marché du luxe évolue : comment pousser la génération Y vers la haute joaillerie, au-delà du bridal

The Centurion

Merrick, New York – Certes, chaque année apporte son lot de changements, mais celle-ci semble avoir en avoir créé davantage que d’habitude. Chez The Centurion, nous savons que le paysage du retail continue d’évoluer.[:] Pour vous aider à démarrer 2016 du mieux possible, nous avons demandé à plusieurs experts de l’industrie leur avis sur la meilleure façon de gérer ces changements. Chacun a exprimé son point de vue, en proposant des stratégies et des perspectives pour les changements qu’apportera 2016. Notre cinquième volet est un entretien avec Edahn Golan, analyste de l’industrie, par l’intermédiaire du cabinet de recherche NPD Group.

The Centurion : Vous avez beaucoup écrit sur la baisse du désir pour les diamants chez les consommateurs de la génération Y. Qu’est-ce qui pourrait, selon vous, inverser cette tendance et les rapprocher des diamants ?

Edahn Golan : L’un des plus grands virages sociaux que nous constatons depuis quelques années, et qui se fait aux dépens de l’achat des produits, est l’intérêt croissant pour les expériences. L’industrie devrait peut-être présenter une proposition, dépeindre les mariages comme des expériences, des expériences majeures de la vie – contrairement à des événements – et positionner les bagues en diamants comme une façon de se souvenir de ces expériences et de les commémorer.

The Centurion : La génération Y se méfie beaucoup de la publicité – qui, pourtant, les motive aussi souvent à acheter. Évidemment, les publicités que l’industrie a produites au fil des années ne trouvent pas d’écho en eux. Qu’est-ce qui pourrait fonctionner ?

Edahn Golan : Je pense qu’ils sont moins exposés au marketing des diamants pour la simple raison qu’il y en a beaucoup moins. Si l’idée est de puiser dans le concept des « expériences », avec des expériences de vie, la publicité « Hands » de la De Beers d’il y a quelques années fonctionnerait. C’est un produit émotionnel qui évoquait la notion selon laquelle la vie est une expérience que nous traversons tous ensemble.

En même temps, nous avons toujours besoin d’écouter des histoires. La publicité de la bague de la main droite racontait une histoire : l’autonomisation. La publicité de la bague aux trois diamants racontait une histoire : le passé, le présent et l’avenir. La publicité « Journey » racontait une histoire : la vie, en tant que périple dans lequel nous nous engageons ensemble. Toutes sont de formidables points de départ pour créer du marketing à destination d’une nouvelle génération, qui aime écouter de belles histoires comme toutes les autres générations.

The Centurion : De nombreux joailliers peuvent se reposer sur une activité solide en matière de bridal avec la génération Y. Mais au-delà de cela, cette génération ne semble pas très enthousiaste à l’idée de dépenser de l’argent pour de la haute joaillerie. Que peut faire l’industrie pour vendre l’idée de l’éternité à un consommateur habitué à utiliser des vêtements jetables, des téléphones jetables, etc. ?

Edahn Golan : C’est l’une des plus grosses difficultés auxquelles l’industrie est confrontée aujourd’hui. Les consommateurs doivent avoir le sentiment que les bijoux en diamants ont de la valeur à long terme. Cette valeur peut être financière, il peut s’agir d’un design, d’un intérêt social ou de tout autre type de valeur qui dure.

Le côté design est probablement celui qui peut être abordé le plus facilement. Après tout, les Américains dépensent de l’argent pour des articles qu’ils vont conserver pendant des années : des maisons, des antiquités, des œuvres d’art, etc. Ils considèrent que le temps leur donne de la valeur et l’industrie diamantaire a tout intérêt à comprendre pourquoi et à exploiter cet aspect.  

The Centurion : Quelles sont les trois choses les plus importantes que peuvent faire les joailliers du luxe pour motiver la génération Y à acheter des bijoux dans leurs boutiques, plutôt que d’acheter en ligne ?

Edahn Golan : Le service, la différenciation par le design et la connaissance du produit et de sa provenance. Les détaillants traditionnels ont souvent peur des détaillants en ligne. Or, de nombreux consommateurs qui achètent en ligne s’arrêtent d’abord dans une boutique. Ils veulent voir à quoi ressemble véritablement le diamant qu’ils envisagent d’acheter sur Internet. Si vous n’êtes pas diamantaire, vous ne saurez pas distinguer une couleur H d’une couleur I, ni à quoi ressemble un SI1 par rapport à un SI2 (et ce, même à l’œil nu !). Ils doivent donc s’arrêter dans une boutique pour le constater de visu.

Le détaillant a alors affaire à un acheteur au plus fort de son potentiel : c’est une personne qui a décidé de faire un achat, qui a déterminé son budget, qui sait assez clairement ce qu’il veut acheter et à qui il ne manque que quelques informations pour prendre une décision. Il s’agit d’une excellente opportunité de réaliser une vente. C’est à cette occasion que le détaillant peut élargir l’horizon de son client et parler de fabrication, par exemple, et de son importance pour la beauté du diamant.

En effet, de nombreux membres de la génération Y veulent une bague de fiançailles « pareille mais différente », une bague qui ne soit pas celle de leurs amies ou de leur mère. C’est là que la différenciation entre en jeu. Les détaillants doivent faire preuve de souplesse et consentir à apporter des modifications à ce qu’ils proposent à la vente, autrement dit, offrir un service.

Les joailliers de spécialité traditionnels sont également confrontés à la concurrence des boutiques généralistes, comme Macy’s. Il s’agit du même genre de bataille pour les prix et les mêmes principes s’appliquent ici : proposer de la valeur grâce au design, au service et aux connaissances.

Par Edahn Golan avec Hedda Schupak, The Centurion