Le KP, toujours en désaccord sur les conditions du « conflit », allège les restrictions en RCA

Michelle Graff

Le Kimberley Process vient d’achever un cycle de réformes sur trois ans mais se retrouve dans l’incapacité de parvenir à un accord sur l’élargissement de la définition d’un diamant « du conflit », une question dont il débat depuis près d’une décennie.

La définition actuelle d’un diamant du conflit est la suivante : « des diamants bruts utilisés par des mouvements rebelles, ou des alliés des rebelles, pour financer un conflit destiné à ébranler des gouvernements légitimes. »

Les défenseurs de la réforme veulent l’étendre afin d’y inclure un énoncé plus général relatif aux abus des droits de l’homme (violences sexuelles, tortures et abus commis par des groupes autres que des rebelles, par exemple des forces de sécurité privées et publiques).

Le communiqué officiel, publié à l’issue de la réunion qui s’est tenue en novembre 2019 à New Delhi, en Inde, a noté que la séance plénière « se réjouit des discussions approfondies ayant eu lieu sur la meilleure façon de capter la nature changeante des conflits et des acteurs qui y sont impliqués » mais que « aucun consensus n’a pu être trouvé sur une définition mise jour des diamants du conflit. »

Le KP fonctionne sur le modèle du consensus total. Ainsi, une résolution donnée doit être acceptée à l’unanimité par les 55 participants (représentant 82 pays) pour être adoptée.

L’incapacité du KP à élargir la définition du conflit a relancé le débat sur l’avenir et la pertinence d’une structure qui n’est pas parvenue à évoluer, alors même que la demande des consommateurs a progressé en matière de transparence, tout comme la technologie relative à la traçabilité.

Dans un communiqué publié sur KPCivilSociety.org, Shamiso Mtisi, le coordinateur zimbabwéen de la Coalition de la société civile au KP, le groupe d’organisations non gouvernementales sans droit de vote au KP, a qualifié la réunion de « spectacle triste et surréaliste », au cours duquel les participants n’ont pu s’entendre sur rien de substantiel.

En plus de la définition du conflit, d’autres questions de réforme ont été « jetées aux oubliettes », a déclaré Shamiso Mtisi, notamment la création d’un secrétariat permanent et d’un fonds multi-donateur.

« Alors que les participants du KP étaient occupés à mettre un cataplasme sur une jambe de bois, les communautés africaines soutenues par les membres de notre coalition de la société civile continuent de souffrir du côté négatif des diamants », indique le communiqué.

« Cela dégrade leurs modes de subsistance, perturbe l’environnement et… mène souvent encore à de la violence et des abus. Cette séance plénière n’a pas réussi à rassurer ces communautés sur le fait que le Kimberley Process se soucie vraiment d’elles. De la même façon, les États ne sont pas parvenus à fournir de réponses au marketing insistant des diamants synthétiques qui sont présentés comme des alternatives éthiquement supérieures aux diamants naturels. »

Le communiqué de la Coalition de la société civile concluait que le KP a encore perdu en pertinence et en crédibilité lors de la récente séance plénière et qu’elle recherchera en dehors du « processus rigide » des façons d’améliorer la gouvernance des diamants.

Stéphane Fischler, président du World Diamond Council, s’est élevé contre l’idée qu’un débat qui dure depuis près de dix ans, sans qu’aucune action ait été engagée, a fait perdre sa pertinence au KP.

Le WDC, tout comme la Coalition de la société civile, a un statut d’observateur au KP. C’est un membre, sans droit de vote, représentant un secteur spécifique. Dans le cas du WDC, il représente l’industrie diamantaire.

Stéphane Fischler a affirmé qu’il n’y a pas si longtemps, l’idée d’ajouter la mention des droits de l’homme à la définition d’un diamant du conflit était inimaginable. Les pays africains qui ne voulaient pas s’asseoir à table pour parler de cette question ont maintenant réalisé l’importance d’un KP fort.

« Plus que jamais, nous avons réussi à organiser ce débat et c’est très, très important, a-t-il déclaré. J’ai vraiment eu l’impression qu’ils ont finalement compris. Et c’est encourageant. »

Stéphane Fischler a également souligné les étapes entreprises par le KP pour renforcer le secteur de l’extraction alluviale en Afrique, y compris l’initiative Mano River Union. Celle-ci cherche à renforcer la mise en place des références du KP en Côte d’Ivoire, en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. Il a également rappelé le travail effectué pour soutenir la République centrafricaine (RCA), le seul pays aujourd’hui aux prises avec des diamants du conflit.

« Le KP est concentré sur les risques et les plus grands risques se présentent dans les secteurs de l’extraction alluviale et artisanale », a-t-il déclaré.

« Nous ne devons pas l’abandonner », a-t-il dit à propos du KP, il faudrait plutôt le renforcer.

La RCA

Lors de la séance plénière, les participants du KP ont convenu d’atténuer les restrictions sur les exportations de brut de République centrafricaine, pour tenter d’encourager les exportations légales et de mettre fin à la contrebande, considérée par beaucoup comme un énorme problème dans le pays.

Le KP a totalement interdit les exportations de brut de RCA en 2013 en raison de la violence perpétrée par les rebelles. Les restrictions ont été allégées en 2016 et des exportations ont commencé à être autorisées à partir d’une zone approuvée.

Aujourd’hui, il existe en RCA huit zones dites « vertes ».

Par leur vote, les membres du KP ont autorisé le gouvernement de RCA à délivrer des certificats sur toutes les exportations de brut provenant des huit zones vertes. Avant cela, le gouvernement devait obtenir l’approbation de l’équipe de surveillance de RCA pour délivrer des certificats du KP sur chaque exportation.

L’équipe continuera à surveiller toutes les exportations légales sortant du pays.

Le pays, conjointement aux membres du KP, a également accepté d’abaisser la taxe sur les exportations, de 12 % à 4 %. Il exigera aussi de quiconque veut obtenir une autorisation d’exportation qu’il prouve qu’il expédie au moins 1 million de dollars de brut par mois.

Ceci, a expliqué Stéphane Fischler, aide à s’assurer que les exportations s’effectuent en toute légalité.

La Coalition de la société civile a déclaré que la solution était « l’un des rares engagements importants » permis par la réunion.

« En tant que Coalition de la société civile, nous appelons les autorités de RCA à réaliser ce travail expérimental et à renforcer les contrôles internes afin de réduire la fraude et la contrebande de diamants dans le pays », a indiqué Shamiso Mtisi.

Après la séance plénière du KP, le WDC a publié un avis à l’attention des membres de l’industrie diamantaire concernant les changements apportés au processus d’exportation de brut en RCA.

Il a affirmé que le nouveau système « déplace la responsabilité de la vérification de provenance des marchandises vers les centres de négoce » et a déclaré que les membres du marché devaient « faire preuve d’une vigilance accrue » lors de la gestion du brut qu’ils estiment provenir de République centrafricaine.

Les changements en RCA sont provisoires. Ils seront appliqués pendant un an, puis le KP réévaluera la situation en 2020.

La réunion plénière du KP en 2019 s’est tenue du 18 au 22 novembre à New Delhi, en Inde. Le pays assurait la présidence, aux côtés de la Russie en qualité de vice-président.

En 2020, la Russie prend les rênes de l’organisation et le Botswana en sera le vice-président.

Source National Jeweler