Le Kimberley Process, pierre angulaire de l’engagement social des diamants naturels

Edward Asscher

Le 13 août 2020, IDEX Online a publié un Mémo de son correspondant John Jeffay. Dans ce document, l’auteur rapportait une discussion qu’il avait eue avec Jacques Voorhees, entrepreneur de longue date dans l’industrie, rappelant un article que ce dernier avait écrit en janvier 2002, intitulé « À la recherche des diamants du conflit ». À cette occasion, M. Voorhees relatait ses expériences en Sierra Leone lors de la guerre civile il y a 20 ans. 

Dans son entretien avec le journaliste d’IDEX, M. Voorhees a remis en cause l’efficacité et les objectifs du Système de certification du Kimberley Process (KPCS). Interrogé sur l’existence des diamants du conflit, il a répondu : « Si vous parlez des diamants qui ont été pillés par des rebelles et échangés contre des fusils, vous pourriez les appeler « diamants du sang ». Mais les diamants sont accusés des atrocités perpétrées par les rebelles. Contrôler les déplacements des diamants se révèle être une solution qui prête à rire. C’est un peu comme brandir un grillage pour se protéger d’un virus. Vous utilisez le mauvais outil. Ce qui me dérange particulièrement, c’est que cela nous détourne du véritable problème, à savoir ce que le monde doit faire pour faire cesser le conflit. »

En tant que président du World Diamond Council, l’organe chargé de représenter l’industrie auprès du Kimberley Process, je comprends les arguments de M. Voorhees. Ce ne sont pas les diamants qui sont en cause car ce sont des pierres inertes. La faute revient plutôt aux rebelles sans scrupules qui les exploitent. Ce sont eux la cause des violences et des souffrances qui ont eu lieu. C’est d’ailleurs l’opinion que j’exprimais il y a 20 ans. J’étais à l’époque fabricant et négociant et je luttais, avec mes collègues, pour trouver des solutions à une crise politique et humanitaire. 

Mais je réfute son affirmation selon laquelle le KPCS peut être comparé à un « un grillage brandi face à un virus ». Notre objectif en 2000, l’année où le KP et le WDC ont été créés, était de développer un système qui empêcherait les forces rebelles de tirer des revenus des champs diamantaires qu’ils avaient pillés. Il ne s’agissait pas seulement de retirer les diamants du conflit de la chaîne de distribution. Il fallait également mettre fin aux souffrances indescriptibles causées par les forces rebelles dans les communautés artisanales, lesquelles comptaient sur les diamants pour leur subsistance du quotidien. Il fallait créer les conditions permettant aux pays producteurs de brut, aux prises avec un conflit civil, de se rétablir, en s’assurant que les revenus tirés des ventes de diamants reviennent dans les canaux légitimes pour profiter aux communautés minières. 

Les résultats obtenus parlent d’eux-mêmes. Au cours des deux années qui ont suivi l’introduction du KPCS début 2003, la plupart des guerres civiles qui dévastaient le continent africain avaient pris fin. Il serait bien sûr fallacieux de prendre tout le crédit de ce revirement. La diplomatie, les Nations unies, l’Union africaine et des milliers d’hommes courageux des troupes chargées du maintien de la paix, ont tous joué des rôles essentiels, mais le KPCS a également agi. Il a en effet mis un terme à l’apport d’espèces aux forces rebelles en Sierra Leone, en Angola, au Libéria, en République démocratique du Congo et dans d’autres pays, les privant du financement dont ils avaient besoin pour continuer le combat.

Les conséquences de la guerre civile en Afrique sont bien moindres aujourd’hui mais le KPCS garde de sa pertinence. Il continue de fonctionner sous la forme d’un mécanisme de prévention de la violence systémique même si l’on sait que le WDC aimerait le voir dépasser le domaine des conflits civils et intégrer les droits de l’homme. Nous pensons que le KPCS doit œuvrer contre toute forme de violence systémique. 

Mais le KPCS est aussi bien plus que cela. Il est une pierre angulaire d’un programme bien plus complet, permettant aux pays producteurs, et en particulier ceux où se trouvent les mineurs artisans et à petite échelle, de tirer des avantages complets et justes de leurs ressources naturelles.  

Par le biais du WDC, l’industrie diamantaire a travaillé activement pour atteindre ces objectifs. Au cours des trois années qu’a duré le processus de revue du KP, processus achevé l’année dernière, nous avons mené la campagne visant à renforcer le champ d’application du KPCS en élargissant la définition des diamants du conflit. Nous l’avons fait aux côtés de la coalition de la société civile et de plusieurs pays membres du KP. Nous n’avons malheureusement pas réussi mais sommes néanmoins heureux que la question soit remise à l’ordre du jour du KP par la présidence russe. Nous continuerons à défendre ce que nous croyons juste pour toutes les parties prenantes, de la mine au consommateur. 

Dans le même temps, les membres du WDC ont engagé des projets essentiels dans les régions d’extraction artisanale. Ceux-ci ont pour objectif d’améliorer la capacité et les opportunités mises à disposition des personnes et des communautés qui travaillent et qui vivent dans les régions minières. Le WDC s’implique également dans la surveillance des exportations non liées aux conflits depuis la République centrafricaine car nous soutenons les initiatives régionales qui aident à appliquer le KPCS en Afrique centrale et occidentale. 

Il n’est en aucun cas question de dire que le KP est parfait. Néanmoins, au cours des vingt dernières années, il s’est développé jusqu’à devenir un organe multi-facettes, stimulant la croissance économique et sociale de certains des pays et certaines des communautés les plus fragiles d’Afrique. Le WDC et ses adhérents restent pleinement engagés envers le KP. Ils œuvrent pour que le produit avec lequel nous travaillons, le diamant naturel, atteigne son plein potentiel : devenir une force pour le développement durable et assurer un meilleur avenir à tous les acteurs concernés.

À l’heure où nous célébrons le 20e anniversaire de la création du KP et du WDC, je dirais que le choix que nous avons fait en 2000, celui d’agir avec conviction, a été l’une de nos plus belles décisions. Il s’agissait non seulement d’appuyer la réponse internationale dans la crise des diamants du conflit, mais également d’agir concrètement au niveau de l’industrie. Cela nous a placés du bon côté de l’histoire, offrant aux diamants naturels un objectif social qui est aujourd’hui une part indéniable de sa proposition de valeur.

Source Idexonline