Le défi du Nouvel An chinois

Avi Krawitz

Pour ce Nouvel An chinois de la chèvre, l’industrie évolue dans un paysage de faible croissance économique. La Chine, qui n’est plus considérée comme la nouvelle frontière du diamant, est devenue un marché mature et la demande a ralenti l’année dernière.[:] Le marché dans le pays est passé d’une situation satisfaisante en 2014 à un état médiocre en 2015. À la veille du Nouvel An chinois, l’industrie perd donc son effervescence habituelle.

Également appelée Festival du printemps, la Semaine d’Or du Nouvel An chinois, qui a lieu du 19 au 24 février, correspond à la période la plus dynamique pour le marché de détail. Depuis dix ans, elle représente une véritable aubaine pour le marché diamantaire. Au cours d’un cycle commercial normal, tandis que les joailliers américains complètent leurs stocks pour Noël, leurs homologues en Extrême-Orient se préparent au Nouvel An chinois. Ce prolongement de la saison commerciale est suivi par une période de réachalandage sur les deux marchés au premier trimestre, qui a habituellement permis de les soutenir pour le reste de l’année.

Or, cette année, le marché diamantaire n’a pas profité de ce stimulus.

Le World Gold Council (WGC) a fait remarquer que le Nouvel An chinois tombait près de trois semaines plus tard cette année qu’en 2014, ce qui signifie que les joailliers ont reporté leur réapprovisionnement de fin d’année, de décembre à janvier. Le WGC a confirmé que les faibles premiums constatés au quatrième trimestre justifiaient l’absence de cet effet saisonnier.

Pourtant, l’industrie est restée étrangement calme en janvier, ce qui a perturbé l’humeur avant le festival. En réalité, l’atmosphère est maussade sur le marché depuis un an, en grande partie du fait d’une demande prudente en Chine.

Plusieurs facteurs continuent de peser sur ce ralentissement.

Il faut surtout remarquer que l’économie est en pleine transition. Le gouvernement a compris qu’il dépendait trop lourdement des exportations et de l’investissement dans les infrastructures, et pas suffisamment de la consommation. Le basculement vers un système axé sur le consommateur demandera plusieurs années. Entre-temps, ce transfert devrait ralentir encore la croissance économique. Le produit intérieur brut (PIB) a progressé de 7,4 % en 2014, son rythme le plus lent depuis 24 ans. Pour 2015, le gouvernement a fixé un objectif de près de 7 %.

Le gouvernement chinois, qui est entré en fonction en mars 2013, à l’occasion de l’arrivée au pouvoir du président Xi Jinping, un changement qui n’arrive qu’une fois tous les 10 ans, a reconnu que la croissance à deux chiffres des 10 dernières années n’était pas durable. Ses efforts pour normaliser l’économie et l’axer vers la consommation ont naturellement fait apparaître des difficultés croissantes. Dans le cadre de ces initiatives, le gouvernement en est venu à réduire les crédits afin de limiter l’endettement de ces dernières années. Il tente également d’empêcher la fuite des capitaux du pays, pour réduire la pression sur le yuan.

Les niveaux de liquidités sont donc limités et les achats de diamants ont reculé. Des rapports anecdotiques en provenance de Hong Kong semblent montrer une certaine prudence face aux acheteurs de Chine continentale, de crainte que les paiements ne soient limités par des contrôles sur les virements bancaires.

Bien qu’une croissance économique de 7 % reste impressionnante, le ralentissement produira inévitablement un étranglement. Pour faire un parallèle, imaginons une voiture lancée à vive allure sur l’autoroute, qui passe brusquement de 160 km/h à 130 km/h. Inévitablement, la circulation derrière elle ralentit. Bien que le marché des diamants et des bijoux continue de progresser, le secteur s’ajuste à ces nouvelles conditions.

Les négociants remarquent que les détaillants de la région ont terminé 2014 avec des stocks relativement importants, en raison d’achats en masse effectués en 2013 et au premier trimestre de l’année dernière. Les marchandises de base semblaient donc largement suffisantes jusqu’à présent pour répondre à la demande. De même, en 2013, la demande chinoise a alimenté d’importantes augmentations des prix et des échanges pour les diamants de 0,30 carat à 0,49 carat. En revanche, le marché est devenu plus mature l’année dernière et les tarifs ont chuté, d’après l’indice RapNet de Rapaport.

Avec la stagnation des ventes de bijoux, les joailliers se sont montrés de plus en plus sélectifs et prudents dans leurs achats.

Chow Tai Fook, Chow Sang Sang et Luk Fook Holdings devraient tous annoncer des baisses des ventes dans leurs rapports annuels respectifs, qui devraient être publiés dans les mois à venir. Chow Tai Fook, le plus gros joaillier de la région, a déjà averti que les ventes du groupe en magasins comparables avaient reculé de 18 % au cours du trimestre clos le 31 décembre 2014. Luk Fook a indiqué que ses ventes en magasins comparables avaient baissé de 7 %.

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Les deux sociétés tentent de réduire leur dépendance envers les bijoux en or pour se concentrer sur les diamants, qui offrent de meilleures marges. Mais bien que la baisse des ventes de bijoux sertis de diamants ait été plus lente que celle des bijoux en or, les deux marchés sont liés. Et comme les consommateurs n’ont pas suivi le rythme frénétique des achats d’or en 2013, la demande pour les bijoux sertis de diamants a également chuté.

Le WGC a fait remarquer que la demande de bijoux avait également reculé en raison d’une lutte constante du gouvernement chinois contre la corruption. À la fin de l’année dernière, un fonctionnaire hongkongais a expliqué, dans un entretien avec Rapaport News, que les dépenses très haut-de-gamme avaient ralenti du fait des efforts du gouvernement pour décourager l’extravagance.

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« Bain estime que les consommateurs chinois représentent désormais près d’un tiers du marché mondial du luxe. »

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« De nombreuses agences gouvernementales et sociétés publiques en Chine sont incitées à se montrer économes et à réduire les dépenses de luxe, a-t-il expliqué. Les cadeaux, une pratique habituelle en Chine comme dans d’autres pays en développement, ont été réduits. Les bijoux en diamants sont concernés, en particulier pour les articles les plus gros et les plus chers. »

En effet, bon nombre des marques de luxe haut-de-gamme – comme LVMH, Burberry et Gucci – ont remarqué un repli du marché chinois. Bain & Company a expliqué que, pour la première fois en 2014, les dépenses de luxe en Chine avaient connu une tendance négative, du fait des contrôles accrus sur les dépenses de luxe et d’une évolution des modèles de consommation. Toutefois, le cabinet a ajouté que, malgré le recul du marché chinois, les dépenses des consommateurs du pays continuent de progresser sur d’autres marchés.

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Un rapport de Ruder Finn et du groupe IPSOS a montré qu’il existe une évolution des modèles de dépense chez les consommateurs de luxe chinois. Les voyages figurent désormais en première place de la catégorie. Selon le rapport, les sommes déboursées par les voyageurs chinois devraient simuler la croissance sur les marchés du luxe en dehors de la Chine. Bain estime que les consommateurs chinois représentent désormais près d’un tiers du marché mondial du luxe.

Quoi qu’il en soit, la Chine reste le deuxième plus gros marché pour les bijoux en diamants et continue de représenter la plus forte opportunité de croissance de l’industrie. Le marché se montre donc prudent face aux incertitudes en Chine. Avec les changements économiques et politiques en cours, l’industrie ignore combien de temps il faudra à la Chine pour trouver son rythme de croisière ou comment évoluera ce marché à long terme.

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« la Chine reste le deuxième plus gros marché pour les bijoux en diamants et continue de représenter la plus forte opportunité de croissance de l’industrie. »

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Certes, la transition devrait se poursuivre en 2015 – l’année de la chèvre en Chine ou, selon certains, l’année du mouton. Les attentes devraient donc, on le comprend, rester modestes au cours de la Semaine d’Or et de l’année à venir. En effet, tout comme les moutons ont naturellement tendance à se regrouper en troupeaux pour trouver de nouveaux pâturages, l’industrie va devoir aborder de nouvelles façons de voguer sur un marché en pleine maturation.

Source Rapaport