L’année des omnishambles

Edahn Golan

En 2012, le Mot de l’Année retenu par l’Oxford English Dictionary était « omnishambles ». Ce terme décrit « une situation globalement mal gérée, caractérisée par une série de maladresses et d’erreurs de calcul. »[:] Quel mot les lexicographes de l’industrie du diamant choisiraient-ils pour 2013 ? À la fin de chaque année, la tradition veut que l’on prenne de bonnes résolutions pour l’année à venir. Et nous espérons que la nouvelle année sera, à tout le moins, un peu meilleure que la précédente. Fin 2012, personne n’a dû souhaiter que 2013 se déroule tel que nous l’avons vécu.

Avons-nous connu une année de développement ? Pas pour beaucoup. Les prix du brut ont continué à grimper. Les miniers, butés, n’ont cessé de les augmenter, allant presque jusqu’à un arrêt total du marché. Quant aux prix du taillé, plutôt que de parler de « stabilité », mieux vaudrait dire qu’ils sont restés « plats ». La différence est importante : la stabilité est positive. Un encéphalogramme plat équivaut à l’état d’une victime. Les prix du taillé ont été écartelés entre les prix élevés du brut, qui poussaient vers le haut, et une demande faible, qui appliquait une force égale dans la direction opposée. Les prix n’ont pas été les seules victimes. Presque tout le monde dans la filière a été touché : négociants de brut, fabricants, grossistes et détaillants.

BHP Billiton s’est retiré de l’industrie et Rio Tinto n’est pas parvenu à trouver un acheteur pour son activité diamantaire. Une éventuelle introduction en bourse de Rio Tinto semble même hors de question à l’heure actuelle. En effet, Argyle, qui s’est transformée en un gouffre financier de 2 milliards de dollars, ne constitue pas une acquisition attractive.

Pas de publicité marquante non plus. Aucune campagne brillante pour stimuler notre imagination ou créer le type d’intérêt ou de demande qui attirerait les diamants jusqu’aux doigts, cous et oreilles des consommateurs.

Le secteur financier continue de renifler l’industrie diamantaire et les diamants. Pourtant, cette bête affamée n’a pas encore mordu, préférant satisfaire son appétit ailleurs.

Les banques de l’industrie restent vigilantes. Elles ont engagé des mesures audacieuses cette année et décidé de réduire les financements. La Standard Charter Bank aurait choisi de cesser progressivement ses relations avec l’industrie après y être entrée en fanfare, il y a seulement quelques années. ABN AMRO, qui finance la totalité de la filière, à l’exception de l’activité minière, ne finance plus à 100 % les achats de brut lors du sight (et à d’autres occasions), passant à 70 %, comme nous l’indiquions pour la première fois il y a quelques mois.

L’Antwerp Diamond Bank est bloquée depuis un certain temps, à la recherche d’un acheteur. Elle finira par en trouver un, abaissant encore davantage son approche déjà prudente vis-à-vis de l’industrie. La Bank Leumi en Israël est déjà hors jeu ; l’Union Bank entend également diminuer ses engagements. En Inde, le vent du changement souffle aussi, les petites banques reconsidérant leurs positions face à l’industrie.

L’année a aussi été celle des marchandises de laboratoire non déclarées. Quelle honte ! Au lieu de développer un marché de niche, dont beaucoup pourraient profiter, le secteur démarre sous la forme d’une activité frauduleuse. La bonne nouvelle, c’est que la De Beers propose aux négociants un dispositif qui les aidera à détecter les marchandises synthétiques dans les plis. Cependant, avec des tarifs de location à 25 000 dollars par an, l’offre semble un peu trop opportuniste de la part du minier. Si elle veut soutenir ses activités de diamants naturels, qu’elle rende la détection des marchandises non déclarées plus accessible aux petits budgets.

Cette année, le seul fonds prometteur en diamants, Diamond Circle Capital, a également été fermé. Il a officiellement cessé d’exister il y a exactement un an ; nous attendons toujours d’assister au lancement d’ETF cette année.

L’année a également été celle du déménagement de la DTC au Botswana, une source de découragement pour beaucoup. L’opération ne profitera malheureusement pas de la supervision de Varda Shine, qui a récemment annoncé qu’elle quittait son poste de vice-présidente, anciennement appelé PDG de la DTC.

Donna Baker est, elle aussi, partie de façon brusque et pénible. L’ancien PDG et présidente du GIA affiche, à son actif, la refonte des procédures de contrôle de son établissement et la restauration de la confiance de l’industrie dans le premier laboratoire du secteur. Donna Baker, autre grande figure féminine de l’industrie, va beaucoup nous manquer.

Le mystérieux départ de Michael Rea, PDG du Responsible Jewellery Council, a été annoncé mercredi, son dernier jour en poste. Ces départs rapides et inexpliqués provoquent des rumeurs, des craintes et, pire que tout, le sentiment que la situation n’est pas gérée de façon satisfaisante.

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Le Mot de l’Année 2012 décrit-il bien l’industrie de cette année ? L’industrie est-elle « globalement mal gérée, caractérisée par une série de maladresses et d’erreurs de calcul ? » L’idée est inquiétante. Heureusement, le fait n’est pas généralisé.

ALROSA a lancé une émission d’actions réussie à la Bourse de Moscou. L’opération a été le point fort d’une année de progrès ciblés, comprenant plusieurs bonnes acquisitions d’actifs en diamants et l’extension de sa liste de clients sous contrat. ALROSA affiche nettement une tendance à la hausse. À bien des égards, il s’agit même du grand espoir de l’industrie.

Les diamants haut de gamme, les couleurs fantaisie et les D/FL-IF de grosseur exceptionnelle se comportent très bien lors des enchères, ainsi que dans des transactions discrètes, dont on ne fait pas la publicité. L’industrie y voit une lueur d’espoir. Cela suscite de l’intérêt pour les diamants. Il s’agit de leur plus important vecteur marketing et d’un véritable ambassadeur pour le marché.

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« À ce stade, il semble nécessaire de réfléchir. De porter un regard critique sur nous-mêmes pour identifier ce qui ne va pas, et de prendre les mesures correctives nécessaires pour sortir de la pagaille. »

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Le sentiment ancré dans le marché n’est pas celui des omnishambles, mais 2013 a sans aucun doute été assez médiocre pour l’industrie. L‘Oxford English Dictionary a choisi « selfie » comme mot de l’année 2013. Les selfies, ce sont ces photos que l’on prend de soi, le plus souvent avec un smartphone, et qui peuvent démontrer un certain exhibitionnisme égocentrique. Toutefois, se regarder, cela permet aussi de s’examiner.

Si les lexicographes de l’Oxford English Dictionary ont un quelconque pouvoir de prédiction, l’industrie – des miniers aux détaillants, en passant par toutes les entreprises associées – fera-t-elle de 2014 l’année de l’introspection ? À ce stade, il semble nécessaire de réfléchir. De porter un regard critique sur nous-mêmes pour identifier ce qui ne va pas, et de prendre les mesures correctives nécessaires pour sortir de la pagaille.

Source Idexonline