La vérité a de l’importance

Jean-Marc Lieberherr

On parle beaucoup des atouts relatifs des diamants naturels et des synthétiques en matière d’impact sur l’environnement. En mai, la DPA a publié un rapport rédigé par TRUCOST ESG Analysis, qui fait partie de S&P Global, quantifiant l’impact socioéconomique et environnemental annuel des activités d’extraction de diamants des membres de la DPA[:] (www.total-clarity.com). C’est la première fois, selon TRUCOST, que des sociétés représentant trois quarts d’une industrie demandent à un tiers de quantifier leur impact collectif et d’en faire un rapport.

Les médias et l’industrie ont porté un vif intérêt à l’analyse de l’empreinte écologique menée par TRUCOST et à la comparaison des émissions de CO2 entre diamants naturels et synthétiques contenues dans le rapport. Un autre rapport, rédigé en 2014 par Frost & Sullivan, a été très souvent cité par les producteurs de synthétiques pour réfuter l’analyse de TRUCOST. On peut regretter que ce débat de données (auquel je vais devoir revenir plus loin pour rétablir quelques vérités simples) ait presque totalement éclipsé les grandes conclusions de l’étude de TRUCOST, dont l’industrie devrait s’enorgueillir. En effet, l’extraction de diamants à grande échelle crée plus de 16 milliards de dollars de valeur nette chaque année, la majeure partie provenant de communautés minières locales et de pays producteurs.

Les avantages procurés aux communautés locales ont été quantifiés comme suit : 3,9 milliards de dollars en salaires et avantages payés aux 77 000 employés des opérations de la DPA, 6,8 milliards de dollars liés à l’approvisionnement en biens et services sur le plan local et 3 milliards de dollars en impôts, dividendes et redevances réglés à des gouvernements locaux et nationaux. On peut, sans trop se tromper, supposer qu’une grande part des paiements versés aux gouvernements est réinvestie dans l’éducation, la santé et les infrastructures. Le Botswana, la Yakoutie et le Canada sont de bons exemples de gestion responsable des revenus tirés des diamants. La conclusion principale est que la majeure partie de la valeur créée par les activités d’extraction de diamants à grande échelle profite directement ou indirectement aux communautés locales chaque année, à hauteur d’au moins 12 milliards de dollars. En comparaison, les dividendes réglés aux investisseurs privés en 2016 étaient inférieurs à 500 millions de dollars. Il faut se souvenir que la valeur du taillé échangé au cours d’une année est d’environ 25 milliards de dollars. Très peu d’industries peuvent se targuer d’un tel impact socioéconomique par rapport à leur taille. Cela devrait être un motif de fierté, non seulement pour les miniers mais aussi pour tout le marché diamantaire.

Pour en revenir aux prétentions environnementales, le rapport de TRUCOST fournit un tableau précis de l’impact environnemental de la production des membres de la DPA sur un an. Il ne s’agit pas d’une analyse des émissions de CO2 pendant toute la durée de vie d’une mine mais plutôt d’un reflet des émissions annuelles au cours de la période de production, qui durera des décennies. Le principal impact environnemental de l’extraction de diamants à grande échelle porte sur les émissions de CO2 car la taille d’une mine et sa consommation d’eau sont assez réduites. Les membres de la DPA assurent généralement la préservation d’en moyenne trois fois la surface de terre qu’ils utilisent pour l’extraction. Le seul chiffre sur lequel se rejoignent le rapport de Frost & Sullivan de 2014 et le rapport de TRUCOST concerne les émissions de CO2 des diamants naturels par carat. Frost & Sullivan rapporte un chiffre de 59 kg par carat de brut, tandis que TRUCOST rapporte un chiffre de 160 kg par carat de taillé. Si l’on suppose un rendement moyen de 35 %, ces chiffres concordent.

Là où les deux rapports ne sont pas en phase, c’est au sujet des émissions de CO2 associées à la production de synthétiques. Comme le suggère l’article de Rob Bates du 21 juin (disponible ici), le rapport de Frost & Sullivan de 2014 n’est pas seulement obsolète, il est incertain et biaisé. Les chiffres indiqués pour les émissions de CO2 des synthétiques s’appuient sur une hypothèse totalement fausse et irréaliste, à savoir que les producteurs de synthétiques utilisent exclusivement des énergies renouvelables. En effet, nous savons aujourd’hui qu’aucun producteur de synthétiques n’utilise d’énergies renouvelables et que ceux qui prétendent le faire se contentent d’acheter des crédits solaires. Pour évaluer la réalité des émissions des synthétiques, TRUCOST a utilisé les chiffres de consommation d’énergie cités publiquement pour les producteurs de HPHT et de CVD et les a transformés en émissions de carbone, en s’appuyant sur les réseaux énergétiques locaux. La méthode est totalement transparente et documentée et a donné une plage d’émissions que même Lightbox – censé être le producteur de synthétiques le plus éco-énergétique aujourd’hui – a reconnu publiquement comme réaliste. Ainsi, en moyenne, les synthétiques émettent 511 kg de CO2 par carat de taillé, plus de trois fois plus que les diamants naturels.

Dans une plus large mesure, ces deux chiffres sont assez bas, si l’on s’y intéresse un instant. À la différence d’un iPhone qui émet 57 kg de CO2, les diamants naturels et synthétiques ont une durée de vie assez longue. Alors, quel est le problème ? Le problème, c’est la vérité. En tant qu’industrie, nous devons être factuels et dire la vérité, qu’elle soit à notre avantage ou non ou qu’elle soit ou non alignée sur nos croyances préalables. Les faits sont importants. En définitive, ce sont eux qui comptent. Des prétentions non étayées, trompeuses ou qui sèment la confusion dans l’esprit des consommateurs reviendront hanter toute l’industrie, aussi commodes qu’elles puissent paraître sur le moment à ceux qui les font.

Jean-Marc Lieberheer est le CEO de la Diamond Producers’ Association

Source Idexonline