La régulation des diamants synthétiques est-elle suffisante ?

Abraham Dayan

La question des diamants synthétiques, artificiels ou de laboratoire est sans cesse plus présente. La capacité de production augmente constamment, le volume des pierres est en hausse chaque année – il est désormais estimé à 2 % ou 3 % de la production mondiale, avec plusieurs millions de carats vendus – et la qualité et la grosseur des pierres s’améliorent.[:]

Personne ne connaît vraiment l’ampleur de la production car de nombreux fabricants de synthétiques dissimulent souvent leurs résultats. On apprend régulièrement que des quantités importantes de bijoux fabriqués en Inde sont exportés, après avoir été sertis de diamants fabriqués en usine.

« L’impression que l’on a, c’est que personne ne vérifie les toutes petites pierres utilisées dans les pavages, a déclaré une grande source de l’industrie diamantaire ayant des liens importants avec l’industrie indienne. Ces pierres peuvent être fabriquées à peu de frais et arborent un éclat et une brillance bien supérieurs à ceux des diamants naturels du même prix, il est donc logique que les fabricants opèrent de cette façon. »

Toutefois, l’adéquation de la législation sur les diamants synthétiques ne fait que rarement l’objet de débats, notamment à propos des informations à fournir obligatoirement aux consommateurs sur ces bijoux et des procédures de vente les concernant particulièrement. Existe-t-il des autorités qui traitent ces questions, et quel type d’action engagent-elles en cas d’infractions, ou bien des organes de l’industrie diamantaire ont-ils la mainmise sur le sujet ?

En ce qui concerne les transactions au sein des bourses, seuls deux établissements ont engagé des mesures : la Bharat Diamond Bourse à Mumbai et l’Israel Diamond Exchange. La bourse indienne, consciente que les yeux du monde diamantaire sont rivés sur le pays, étant donné les annonces de mélanges non déclarés de diamants synthétiques avec des diamants naturels, a ordonné l’interdiction du négoce des synthétiques en son sein. Parallèlement, la bourse israélienne a décidé que même si des échanges pouvaient avoir lieu dans les bureaux privés de ses membres, une telle activité ne serait pas autorisée dans ses salles de marché.

L’International Diamond Council (IDC) a été créé en 1975 pour fournir à ses fondateurs, la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) et l’International Diamond Manufacturers Association (IDMA), une série de normes universelles pour la nomenclature du taillé au sein du marché diamantaire international.

L’IDC a établi une définition et des règles très précises, affirmant que les synthétiques doivent être déclarés en tant que « diamants synthétiques ». « Les laboratoires auront le choix de délivrer ou non un rapport de certification/certificat pour les synthétiques. S’ils le font, le rapport de certification devra être complet. S’ils ne publient pas de rapport de certification, ils devront proposer un texte court indiquant le poids, la taille et la nature du diamant. Les termes « Document/rapport d’examen de diamant synthétique » ou « Document/rapport d’assurance de diamant synthétique » ont été proposés pour ce petit document. Seuls les termes de diamants « créés en laboratoire/fabriqués en laboratoire/synthétiques » peuvent être utilisés. »

Il existe également des guides ISO (Organisation internationale de normalisation). La norme internationale ISO 18323 « Bijouterie – Confiance du consommateur dans l’industrie du diamant » propose une série de définitions, destinées à offrir davantage de clarifications aux négociants et à préserver la confiance des consommateurs dans l’industrie dans son ensemble. La norme ISO 18323 précise les termes acceptables : diamant synthétique, diamant fabriqué en laboratoire et diamant créé en laboratoire. Tous sont des produits artificiels ayant essentiellement la même composition chimique, la même structure cristalline et les mêmes propriétés physiques (y compris optiques) qu’un diamant.

Ernie Blom, le président de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB), qui a expliqué que l’organisme international avait été impliqué dans la rédaction de la norme ISO 18323, a affirmé : « La règle ISO définit un diamant comme une chose « créée par la nature ». Le texte précise également que la dénomination « diamant », sans qualificatif supplémentaire, désigne toujours un « diamant naturel ». Cette norme est importante parce qu’elle fixe la nomenclature qui peut être utilisée lors de l’achat et de la vente d’un diamant, diamant traité ou diamant synthétique, ainsi que celle qui ne doit pas l’être. Comme l’explique ISO :  » La norme ISO 18323:2015 établira la nomenclature à utiliser par les personnes concernées par l’achat et la vente de diamants, diamants traités, diamants synthétiques, diamants composites et imitations de diamants. «  »

« ISO reprend très précisément les questions que la WFDB met en avant depuis un certain temps : le besoin d’intégrité et de transparence pour que les consommateurs aient une confiance totale dans nos produits. Les acheteurs n’ont généralement pas les connaissances techniques pour comprendre les nombreux aspects des diamants. Ils comptent donc sur un étiquetage correct et honnête. »

« En ce qui concerne les diamants synthétiques, un point essentiel pour l’activité diamantaire, la norme ISO établit des descriptions complètes et précises. Elle souligne la hausse de la production ces dernières années et le fait que ces diamants ont essentiellement les mêmes propriétés chimiques et physiques (y compris optiques) qu’un diamant naturel extrait d’une mine. Nous soulignons depuis longtemps l’importance pour les consommateurs de savoir exactement le type de diamants qui leur est proposé. Cette nouvelle norme vient confirmer ce point. » Ernie Blom a expliqué que les premières mesures pour créer une nouvelle norme ISO ont été prises il y a sept ans en Europe et que la WFDB a joué un rôle important à cet égard, avec d’autres parties prenantes de l’industrie, comme la CIBJO, la confédération mondiale de la joaillerie.

En matière de réglementation gouvernementale ou de directives concernant le commerce des diamants et des bijoux en général, et la question des diamants synthétiques en particulier, un seul organisme est véritablement impliqué. Sans surprise, il est installé aux États-Unis, pays qui représente la moitié des ventes mondiales de bijoux. La Federal Trade Commission publie les « Guides pour les industries des bijoux, des métaux précieux et de l’étain ». Ces documents précisent que les commerçants doivent indiquer avec exactitude le type, la sorte, le grade, la qualité, la quantité, la teneur métallique, la grosseur, le poids, la taille, la couleur, le caractère, le traitement, la substance, la durabilité, la viabilité, l’origine, le prix, la valeur, la préparation, la production, la fabrication et la distribution de leurs marchandises.

Les Guides offrent des conseils aux entreprises sur la façon d’éviter les déclarations trompeuses sur les métaux précieux, l’étain, les diamants, les pierres et les perles et à quel moment fournir certains types de déclarations à propos de leurs produits. Parallèlement, le Bureau de protection des consommateurs de la FTC met fin aux pratiques commerciales injustes, trompeuses et frauduleuses en recevant les plaintes et en menant des enquêtes. Il poursuit en justice des sociétés et des personnes qui enfreignent la loi, développe des règles pour maintenir un marché équitable et informe les consommateurs et les entreprises de leurs droits et responsabilités.

Depuis 1992, la FTC a mené une revue régulière et systématique de toutes ses règles et ses guides par rotation, afin de s’assurer qu’ils soient à jour, efficaces et pas démesurément lourds. La FTC inscrit chacune de ses règles et chacun de ses guides sur un calendrier de révision de 10 ans. Au moment voulu, la FTC s’interroge : quel est l’impact économique de la règle ou du guide ? Cette règle ou ce guide est-il toujours nécessaire ? Y a-t-il d’éventuels conflits entre la règle ou le guide et les lois et réglementations nationales, locales ou fédérales ? La règle ou le guide a-t-il été affecté par des changements technologiques, économiques ou autres dans l’industrie ? La FTC compte sur le public, consommateurs compris, les entreprises, les défenseurs, les experts de l’industrie et autres pour l’aider à décider s’il est judicieux d’actualiser une règle ou un guide, de les laisser tels quels ou même de les abroger.

La principale question dans l’industrie diamantaire actuellement est sa révision, dans le cadre de laquelle il est proposé d’autoriser les producteurs de synthétiques à utiliser le terme « de culture », à condition de l’accompagner des termes « créé en laboratoire », « fabriqué en laboratoire », « créé par [nom du fabricant] » ou « synthétique » juste après.

Jewelers of America, un organisme de l’industrie, considère que l’utilisation du terme « de culture » porte à confusion, même s’il est accompagné de qualificatifs, car les consommateurs considèrent que le mot « culture » signifie ou implique « naturel ». Bien que les diamants synthétiques soient une catégorie légitime et de plus en plus importante pour les fournisseurs et détaillants de bijoux qui choisissent de les proposer, la nécessité d’une déclaration complète et adéquate est une composante essentielle pour protéger la confiance des consommateurs. La société a souligné que l’utilisation du mot « de culture » pour un diamant synthétique est trompeuse car elle implique que les diamants synthétiques sont créés dans un environnement naturel, comme celui des perles de culture. Parallèlement, le Jewelers Vigilance Committee a adopté des positions conjointes sur le changement afin de renforcer la réponse de l’industrie des bijoux et d’avoir le meilleur impact sur les révisions de la FTC. Une délégation de JA s’est rendue tout spécialement à Washington D.C. pour expliquer plus précisément la position de l’industrie des bijoux sur la façon dont les changements suggérés par la FTC pourraient semer le trouble dans l’esprit des consommateurs ou réduire leur confiance.

Le JVC affirme que le terme « diamant » doit être suivi d’un qualificatif pour décrire un produit artificiel. D’après la FTC, les qualificatifs acceptables pour un diamant synthétique, c’est-à-dire ayant essentiellement les mêmes propriétés optiques, physiques et chimiques qu’un diamant sont : diamant fabriqué en laboratoire, diamant créé en laboratoire, diamant créé par [nom du fabricant] et diamant synthétique.

Les fournisseurs peuvent aussi utiliser le terme « de culture » pour décrire un diamant synthétique, mais uniquement s’ils y associent l’un des qualificatifs ci-dessus, comme « diamant de culture fabriqué en laboratoire », « diamant de culture créé en laboratoire », « diamant de culture créé par [nom du fabricant] » ou « diamant de culture synthétique ».

Cecilia Gardner, qui a été avocat général et présidente du Jewelers Vigilance Committee pendant 18 ans, a expliqué : « On m’a souvent demandé si une réassurance supplémentaire de la part des fournisseurs concernant de telles marchandises suffisait à un détaillant dans le cadre de la loi, au cas où l’on découvrirait ultérieurement que des articles qu’il a vendus étaient sertis de diamants synthétiques. Je leur fais la même réponse que celle que je donne depuis 18 ans : non. La seule protection consiste à mettre en place un programme d’assurance qualité. Les synthétiques ne représentent encore qu’une petite partie du marché mais ils sont de plus en plus présents et cette question est à l’ordre du jour de toutes les organisations diamantaires internationales. »

Source Rough&Polished