La confiance dans le rêve des diamants

Avi Krawitz

« Toute la valeur de l’activité diamantaire naît du désir du consommateur d’acquérir notre produit. Sans ce désir, il n’y aurait pas d’investissement [:]dans l’exploration, pas d’investissement dans les nouvelles mines, personne n’achèterait de boutiques et aucun d’entre nous n’aurait rien à faire car personne ne voudrait payer pour un tel article. » – Stephen Lussier, PDG de De Beers Forevermark, lors du petit déjeuner Rapaport annuel à Las Vegas, le 31 mai 2015.

On pourrait avancer qu’il existe une différence entre le désir et la confiance des consommateurs, mais il est certain que ces deux sujets sont les plus grandes préoccupations de l’industrie diamantaire actuellement. Certes, il faut toujours vendre le rêve diamantaire à la génération Y, mais ces nouveaux consommateurs exigent des garanties sur le produit.

Ces deux sujets ont fait l’objet de diverses conférences Rapaport au cours du salon JCK Las Vegas.

Le désir de posséder des diamants dépend fortement de la confiance que l’on a dans le produit. Les plans de Stephen Lussier pour faire vivre le rêve des diamants se sont concentrés sur les moyens d’alimenter ce désir. Pourtant, les discussions qui ont suivi au cours de la journée étaient particulièrement motivées par un besoin de stimuler la confiance.

L’allocution annuelle de Martin Rapaport, « State of the Diamond Industry[1] », de même que les conférences Rapaport, intitulées Certification des diamants et Approvisionnement responsable, ont ciblé des sujets similaires à ceux de la présentation de Stephen Lussier : que fait-on pour garantir la confiance des consommateurs dans le produit diamant ?

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Stephen Lussier a exhorté l’industrie à ne pas considérer le « rêve diamantaire » comme une chose acquise. Si ce rêve considère le produit comme un symbole d’amour universel, un élégant symbole du succès, estimant qu’il est intemporel et possède une valeur durable, Stephen Lussier a souligné que les consommateurs de la génération Y ont encore besoin d’intégrer ces considérations. 

Stephen Lussier a souligné quatre thèmes, qui permettraient à l’industrie de distiller ce rêve dans l’inconscient de la génération Y, comme elle l’a fait avec les générations précédentes. Pour cela, elle doit :

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« Stephen Lussier a exhorté l’industrie à ne pas considérer le « rêve diamantaire » comme une chose acquise. »

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1.         Défendre le symbolisme pur des diamants,

2.         Participer au débat opposant mode intemporelle et mode jetable, 

3.         Prendre sa place dans l’espace numérique, 

4.         Se battre pour défendre son intégrité. 

Pour y parvenir, Stephen Lussier considère qu’il faut investir davantage dans les marques : au final, « les marques ne vendent pas de produits, elles vendent du rêve. » Il a insisté sur plusieurs points : l’industrie doit considérablement améliorer la qualité du contenu du marketing et du retail, la filière intermédiaire doit collaborer avec ses clients de détail pour créer de meilleures marges et aider à raconter l’histoire du diamant, elle doit amener les producteurs à raconter cette histoire eux aussi.

[two_third]Martin Rapaport, le président du Rapaport Group, a adopté la philosophie de Stephen Lussier, c’est-à-dire vendre l’idée derrière le produit, plutôt que le produit lui-même. Il a ainsi appelé les sociétés minières à investir environ 5 % de leurs revenus dans de telles activités marketing. Après tout, la génération Y n’a pas grandi avec les campagnes de marketing générique du type de celles qui ont créé le rêve des diamants à l’origine.[/two_third][one_third_last]

« Les marques ne vendent pas de produits, elles vendent du rêve. »

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Toutefois, Martin Rapaport a également évoqué des préoccupations sérieuses qui nuisent à la capacité du marché à investir dans de tels programmes. Il s’agit particulièrement de l’absence de rentabilité, qui empêche le secteur de la fabrication de participer pleinement au marketing. Martin Rapaport a insisté sur une chose : l’industrie doit aborder la raison pour laquelle les prix du brut sont trop élevés par rapport à ceux du taillé. Il a également appelé les banques en Inde à réduire leurs crédits destinés aux achats de brut.

Même si l’absence de rentabilité nuit à la confiance des négociants et des fabricants, d’autres questions liées au marché ont déjà filtré jusqu’aux consommateurs. Les détaillants doivent plus que jamais vérifier leurs produits. Martin Rapaport a souligné que l’industrie doit garantir un terrain de jeu égalitaire, afin que les tricheurs soient mis au banc du marché, que leur activité consiste à certifier avantageusement des diamants, à blanchir de l’argent, à accorder des pots-de-vin ou à mélanger des synthétiques non déclarés à des diamants naturels.

[two_third]Dans cet état d’esprit, la conférence Rapaport sur la Certification des diamants s’est interrogée sur la capacité de l’industrie à faire appliquer une norme de certification unique, notamment au vu des récents cas de laboratoires qui surclassent des diamants. La majorité des personnes présentes ont admis que les normes du Gemological Institute of America (GIA) devraient devenir un standard.[/two_third][one_third_last]

« L’industrie doit aborder la raison pour laquelle les prix du brut sont trop élevés par rapport à ceux du taillé. »

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Susan Jacques, la PDG du GIA a fait remarquer que tous ceux qui souhaitent certifier conformément aux normes du GIA ont la possibilité de le faire. Elle a toutefois souligné que, lorsqu’on utilise la terminologie et les échelles de couleur et de pureté du GIA, mais aussi les termes relatifs à la taille, il convient d’utiliser les paramètres de certification du GIA. « Pour que les consommateurs aient confiance, nous devons comparer des pommes à des pommes, et non des pommes à des oranges. Donc, si vous utilisez notre terminologie, vous appliquez nos normes », a ajouté Susan Jacques.

Cecilia Gardner, PDG et conseil du Jewelers Vigilance Committee (JVC), le bras juridique du marché américain des bijoux et des diamants, a indiqué que le JVC considère la terminologie de certification avec les lettres du GIA, comme une pratique commerciale acceptée dans l’industrie. En conséquence, les représentants de l’International Gemological Institute (IGI), du Gemological Science International (GSC) et de l’American Gem Society (AGS) ont tous affirmé qu’ils utilisaient les normes du GIA dans leurs certifications respectives.

La seule exception du panel concernait le HRD d’Anvers qui, en tant que laboratoire européen, emploie des normes et une échelle développées par l’International Diamond Council (IDC), sous l’égide de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) et de l’International Diamond Manufacturers Association (IDMA).

Cecilia Gardner a émis un avertissement : une grande partie des réclamations reçues par le JVC concerne des rapports de certification ayant donné lieu à une tromperie sur la véritable qualité du diamant. « Ces affaires font inévitablement naître une méfiance chez les consommateurs vis-à-vis de l’industrie, quel que soit le résultat final », a-t-elle souligné.

De même, la conférence Rapaport intitulée Approvisionnement responsable a averti que l’industrie courait un risque de réputation dans ses pratiques d’approvisionnement et a débattu pour savoir ce que les joailliers peuvent faire pour garantir la légitimité des produits qu’ils vendent.

David Bouffard, le vice-président des affaires d’entreprise de Signet Jewelers, a expliqué que sa société applique une approche double lors de son approvisionnement, en étudiant le produit qui fait l’objet de la transaction, mais aussi les fournisseurs avec lesquels elle travaille.

Il a souligné que le Responsible Jewellery Council (RJC) est essentiel dans la stratégie d’approvisionnement responsable de Signet. Certains participants se sont demandé si le RJC était bien une norme appropriée pour les diamants, étant donné qu’il ne dispose que d’un code de pratiques pour cette catégorie, à la différence de ses normes solides pour la chaîne de surveillance de l’or et du platine. En réalité, la question a été posée de savoir si l’approvisionnement responsable peut être appliqué à l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de l’industrie diamantaire.

[two_third]Après sa session en matinée, Martin Rapaport a maintenu son soutien au RJC, évoquant une base solide à partir de laquelle développer des normes d’approvisionnement responsable. Il a appelé à la création de normes vérifiables pour la chaîne de surveillance des diamants. Martin Rapaport a souligné que l’industrie doit distinguer les bons fournisseurs des mauvais et que les fournisseurs doivent être tenus pour responsables de ce qu’ils vendent. Cela impliquerait un approvisionnement responsable, en garantissant que la qualité du diamant satisfait des normes de certification acceptables et justes, et que les diamants sont bien des pierres naturelles, comme indiqué. Il a suggéré que les sociétés utilisent des sceaux pour garantir la qualité et la source du diamant.[/two_third][one_third_last]

« Le marché se trouve dans un état d’incertitude extrême et qu’il cherche des solutions pour soutenir, ou peut-être restaurer, la confiance des consommateurs. »

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Les produits marqués du sceau de sociétés certifiées peuvent devenir une proposition unique, qui permettrait des prix assortis de premiums et aiderait les sociétés à créer de la valeur, a expliqué Martin Rapaport. Il a prédit que la demande pour les produits dotés de ce type de certification, ou sceau, augmentera à l’avenir.

Après tout, les conférences Rapaport ont montré que le marché se trouve dans un état d’incertitude extrême et qu’il cherche des solutions pour soutenir, ou peut-être restaurer, la confiance des consommateurs. Plus les différents acteurs de la chaîne de distribution amélioreront leurs garanties  sur le plan éthique, plus le rêve des diamants pourra être enseigné à la génération Y, et il le sera effectivement.

Lors du petit déjeuner Rapaport, Stephen Lussier a insisté, dans sa dernière réflexion à destination des diamantaires et des joailliers : « Pour chaque décision que vous prenez, demandez-vous si elle va permettre à une femme d’être fière de porter ce diamant à son doigt pour le reste de sa vie, a-t-il dit. S’il y a quelque chose qui risque de nuire à cette fierté, évitez-la. C’est le plus gros risque pour le rêve des diamants, et c’est, pour nous tous, la chose la plus facile à réussir sans erreur. »

Source Rapaport


[1] L’état de l’industrie diamantaire