Industrie du diamant : les temps changent

Marianne Riou

L’industrie du diamant doit changer. On le lit et le relit tant et si bien en ce moment que cela ne doit plus faire le moindre doute pour quiconque.[:] Les raisons évoquées sont  multiples : exigences grandissantes des consommateurs, besoin de rester concurrentiel, meilleur équilibre des forces en présence et des bénéfices, éthique. De là à savoir si c’est un marronnier de l’industrie ou de la presse spécialisée… Mais, en fait, l’industrie du diamant a déjà changé, non ?

Ça fait quelque temps qu’un vent nouveau souffle sur le petit monde du diamant. La De Beers n’est plus en position de monopole, contrainte et forcée, même si elle continue de dominer la production mondiale de diamants bruts en valeur. Et c’est elle, entre autres d’ailleurs, qui encourage l’industrie à surfer sur le vent du changement, alors même qu’elle communique de plus en plus sur la diversification de ses activités et inaugure un nouveau type de contrat de ventes régulières : les acheteurs accrédités.

En 2013, la De Beers a déménagé ses activités commerciales au Botswana où le sight inaugural a eu lieu en novembre. Si le sujet a fait couler beaucoup d’encre, étant un tournant fondamental et structurel pour l’industrie du diamant – voire un tsunami ! –, le changement semble enfin acté.

Le Botswana et la Namibie entendent bien tirer leur épingle du jeu suite à cette redistribution des cartes sur l’échiquier mondial du diamant. Depuis septembre 2013, le Botswana, qui détient 15 % de le De Beers, vend des diamants aux enchères via sa plateforme d’enchères en ligne, l’Okavango Diamond Company. La Namibie pour sa part, qui vendait ses diamants via Namdeb, co-entreprise entre le gouvernement namibien et la De Beers, et dont l’accord commercial avec le De Beers s’est achevé fin 2013, s’est rapprochée de la Dubaï Diamond Exchange. Son objectif : se réapproprier sa propre production de diamants…

Pourquoi Dubaï  me direz-vous ? Parce que le centre diamantaire de la capitale des Émirats Arabes Unis a connu une croissance fulgurante ces dernières années. Idéalement situé entre l’Afrique d’un côté, l’Inde et la Chine de l’autre, disposant d’infrastructures de qualité et d’avantages fiscaux non négligeables, la Dubaï Diamond Exchange est désormais une bourse diamantaire avec laquelle il faut compter. Elle impose en cela à ses concurrents de premier ordre, Anvers ou Ramat Gan, de tout faire pour rester compétitifs. Mais sa position privilégiée de plateforme d’échanges a rattrapé Dubaï cet été, suite à la découverte d’un lot de diamants de République centrafricaine accompagné de faux certificats du KP.

Si il y a bien un domaine dans lequel l’industrie du diamant a changé c’est justement celui de l’éthique (et s’il y a bien une rubrique sur laquelle nous n’avons pas hésité une seconde quand nous avons créé ce site d’information, c’est celle sur l’éthique !) Nul diamant aujourd’hui qui ne soit  bienvenu sans un certificat du GIA et du KP. Sous la pression des consommateurs, l’éthique et les normes de la RSE ont désormais obligation de citer, et tous les acteurs de l’industrie, du minier au détaillant, doivent pouvoir justifier de la qualité, mais aussi de l’origine et de la transparence de la chaîne d’approvisionnement des pierres qu’ils proposent. En témoigne l’affluence sur le marché, en 2013-2014, de nouvelles machines capables de détecter les synthétiques : DiamondCheck, DiamondSure™ et DiamondView™, ASDI

Le but : éviter que l’industrie ne doive s’expliquer à nouveau devant un lot de diamants synthétiques non déclarés et ne soit accusée de tromper le consommateur.

Enfin, on ne peut pas parler de changement sans parler de la place que tient désormais ALROSA. Comme la De Beers, si elle brille aujourd’hui par la diversification de ses activités et l’évolution de son positionnement stratégique, on retiendra sa position dominante sur le marché et sa capacité à dicter ses prix. Objectif annoncé : être le numéro 1 en 2018, c’est-à-dire le plus grand minier de diamants en valeur, sachant qu’ALROSA est déjà le plus grand minier en volume.

Ce qui peut encore s’améliorer ? Les conditions de vie et d’exercice des mineurs artisanaux, la redistribution des profits aux pays producteurs de diamants, un meilleur équilibre des prix entre le brut et le taillé, renouer le contact avec les banques (ah, les liquidités !) et le dialogue avec les consommateurs, aller vers toujours plus de transparence, mettre en place un programme de publicité générique…

J’en oublie sûrement. Mais une chose est sûre pour l’industrie du diamant : les temps changent.