Hong Kong ? Rien à signaler !

Avi Krawitz

Le salon de Hong Kong, qui s’est déroulé pendant la semaine du 2 mars, n’a rien apporté de neuf pour l’industrie. Nous pouvons au moins dire que tout s’est déroulé de façon habituelle, ce qui, ces derniers temps, n’indique rien d’exceptionnel. [:]Les échanges ont tout juste permis de satisfaire les attentes modestes des négociants.

Le salon permettait de faire des affaires. Malgré une fréquentation un peu faible, il y a eu de la demande pour certaines catégories. Les prix sont restés relativement stables, aux niveaux bas que nous connaissons, et il n’y a eu ni achats précipités, ni ventes désordonnées. Les acheteurs ont hésité, soupçonnant que les prix pourraient encore baisser. Les vendeurs ont toutefois globalement maintenu leurs tarifs, malgré quelques concessions pour conclure des transactions.

Le salon s’est donc révélé assez neutre, avec un sentiment mitigé, signe des divers facteurs qui influencent actuellement l’industrie.

Parmi ces principaux paramètres, figure l’incertitude relative au marché chinois de la joaillerie. Le salon a suivi de peu l’important Festival de printemps du Nouvel An chinois. Beaucoup espéraient qu’il permettrait aux joailliers de refaire les stocks vendus pendant cette période d’achat assez dynamique.

Malgré tout, les exposants ont fait remarquer que l’événement intervenait une semaine ou deux trop tôt après le festival. Bon nombre de leurs clients chinois n’y ont pas assisté car ils étaient toujours en vacances ou venaient tout juste de reprendre le travail. Ils n’avaient pas eu le temps d’évaluer leurs stocks après les vacances ni de prévoir leurs besoins pour le semestre à venir.

Le Nouvel An chinois

En réalité, les acheteurs chinois n’étaient pas totalement absents et pourraient même avoir encore l’intention d’acheter. Les semaines à venir devraient nous en dire plus, notamment parce que les rapports sur les ventes de bijoux lors du Nouvel An chinois ont été assez encourageants pour le marché.

Chow Tai Fook et Luk Fook Holdings, deux des plus grands joailliers de la région, ont indiqué au cours de la semaine du 2 mars que leurs ventes respectives en magasins comparables pour les bijoux sertis avaient progressé de plus de 60 % en glissement annuel en Chine continentale à l’occasion du Nouvel An chinois. Les ventes à Hong Kong étaient médiocres dans l’ensemble et les ventes d’or ont chuté par rapport au pic atteint l’an dernier.

Pourtant, avec un chiffre d’affaires solide pour les bijoux sertis, les données montrent que la demande de bijoux en diamants continue d’être entraînée par une classe moyenne chinoise en pleine expansion – le marché généralement ciblé par Chow Tai Fook et Luk Fook. 

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Cette tendance a filtré sur le marché diamantaire et le salon a été le théâtre d’une demande satisfaisante pour les diamants SI, H-M, de moins de 1 carat, qui conviennent aux revenus intermédiaires.

Wendy Ma, économiste au Hong Kong Trade and Development Council (HKTDC), l’organisateur du salon, a expliqué que les consommateurs chinois changeaient d’attitude envers les diamants ; ils ne sont plus désormais simplement motivés par la valeur de l’article. Elle a remarqué que le ratio des achats planifiés avait augmenté et que davantage de femmes achetaient des bijoux en diamants pour compléter leur garde-robe ou être tendance. D’après ses déclarations, la somme moyenne dépensée en bijoux en 2014 avoisinait les 640 dollars (4 000 CNY) et le budget moyen des consommateurs devrait continuer d’augmenter. 

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« Le salon a été le théâtre d’une demande satisfaisante pour les diamants SI, H-M, de moins de 1 carat, qui conviennent aux revenus intermédiaires. »

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Les diamantaires s’accordent à dire que le marché chinois mûrit. Ces dernières années, ils ont observé une évolution de la demande, passant de diamants VVS-VS à des SI. Cette tendance se maintient et la demande a été satisfaisante. Une certaine rareté a d’ailleurs été pu être constatée au salon pour les puretés SI.

La campagne anti-corruption

Au contraire, la demande pour les gros diamants onéreux, de plus de 3 carats, a été limitée. Des rapports montrent que les ventes de luxe ont ralenti pendant le Festival du printemps. La campagne du gouvernement contre la corruption et la consommation ostensible a réduit les manifestations visibles de richesses et de dépenses. 

Fan Qin Fen, le directeur général de 21Gem, prestataire de services et de recherche pour le marché des bijoux, a affirmé que les détaillants se plaignent des effets de cette campagne sur leur activité, sachant qu’elle finira pourtant par profiter à l’économie.

D’après elle, la campagne a un effet positif, grâce à la réforme agraire prévue dans les zones rurales, qui contribuera à améliorer le pouvoir d’achat des régions moins développées. Fan Qin Fen a ajouté que la croissance à long terme est actuellement stimulée par l’extension des villes de niveau II et de niveau III. Elle souligne malgré tout que les joailliers doivent établir solidement leur marque dans les grandes villes de niveau I avant de se développer efficacement ailleurs.

Les exposants de diamants ont eu le sentiment que les joailliers chinois avaient grandi trop rapidement ces dernières années. Même si de nombreuses boutiques ont ouvert dans les petites villes, la demande des consommateurs n’a pas encore atteint les espérances. « Il y a eu un développement fort dans les villes de niveau II et III mais la fréquentation reste faible, a expliqué un négociant de Hong Kong. Nous avons vu beaucoup de monde dans les boutiques de Pékin et de Shanghai [au cours du Festival du printemps] mais pas dans ces petites villes émergentes. »

L’expansion rapide des boutiques ces dernières années a stimulé la demande de diamants, puisque les détaillants ont eu besoin d’achalander leurs nouvelles vitrines. Toutefois, le marché a depuis ralenti, à mesure que le taux d’expansion s’atténuait, voire reculait. Fan Qin Fen a estimé qu’il existe actuellement en Chine continentale près de 18 000 détaillants de bijoux et 64 000 boutiques, la plupart étant de petits indépendants. Pour beaucoup, y compris les grands noms, l’année 2014 a été relativement difficile, les ventes ayant chuté par rapport aux sommets atteints en 2013 grâce à l’or.

HK-JGF-September2014Fan Qin Fen estime donc que l’âge d’or de la croissance des bijoux chinois est terminé et que les sociétés se concentrent désormais plus sur une stratégie qui vise au-delà de la simple expansion pour stimuler les ventes.

Rien d’étonnant donc à ce que les acheteurs chinois ne se soient pas vraiment empressés d’acheter lors du salon ou qu’ils aient hésité, imaginant que les prix pourraient encore baisser. Tout comme leurs clients hauts-de-gamme, ils ont réduit leurs dépenses, sur leur lancée vers un nouveau modèle d’activité.

La consolidation du marché

La réalité est telle que les fabricants et les négociants aux États-Unis et en Chine parviennent à travailler avec des stocks réduits. Bien que la demande des consommateurs augmente, les conditions de marché ont changé. L’époque n’est pas au gaspillage et aux dépenses à haut risque en matière de stocks, mais plutôt à la prudence et au contrôle des coûts.

[two_third]De fait, les sociétés situées au milieu de la chaîne de distribution doivent maintenant se démener pour trouver leur place sur le marché. Et même si les joailliers poussent vers l’amont pour trouver leurs produits, ils réduisent le nombre de négociants et, dans certains cas, procèdent à leurs propres opérations de transformation. Aujourd’hui, des détaillants comme Chow Tai Fook, Signet Jewelers et Tiffany & Co. figurent parmi les plus gros acheteurs de brut. Simultanément, les fabricants mettent le cap vers l’aval, tentant d’obtenir de meilleures marges bénéficiaires grâce à la fabrication de bijoux.[/two_third][one_third_last]

« Bien que la demande des consommateurs augmente, les conditions de marché ont changé. »

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Il semblerait que les acteurs empiètent tous les uns sur les autres, négociants compris. Plusieurs exposants ont fait remarquer que leurs clients négociants sont désormais aussi leurs concurrents – ils exposaient leurs propres marchandises au salon.

L’industrie passe donc par un processus de consolidation. Leibish Polnauer, de Leibish and Co., un fournisseur de couleurs fantaisie, a expliqué que cette consolidation se constate non seulement dans des sociétés qui réduisent leurs opérations, mais également dans le nombre d’intermédiaires que le marché est en mesure d’accepter.

[two_third]« Pour obtenir des marges aujourd’hui, il faut créer de la valeur ajoutée ou se rapprocher de l’utilisateur final, a-t-il affirmé. Avant cela, un diamant changeait de mains cinq à six fois avant d’arriver chez le dernier vendeur. Aujourd’hui, il changera peut-être deux fois de propriétaire. L’activité se fait plus rare pour les courtiers. »[/two_third][one_third_last]

« Des détaillants comme Chow Tai Fook, Signet Jewelers et Tiffany & Co. figurent parmi les plus gros acheteurs de brut. »

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Ainsi, même si le salon de Hong Kong a reçu davantage d’exposants qu’auparavant, beaucoup considèrent que des chiffres aussi élevés ne sont pas durables, notamment parce que les fabricants ont beaucoup de mal à obtenir des bénéfices raisonnables.

Le marché a donc changé pour les diamantaires. Les fournisseurs de taillé doivent se démarquer pour attirer des acheteurs lors d’événements comme le salon de Hong Kong et créer de la valeur pour établir une activité durable.

L’une des grandes conclusions du salon est que le milieu de la chaîne de distribution semble se trouver dans une impasse. Les fabricants sont contraints par leur manque de rentabilité et les négociants ne savent plus quand acheter ni à quel prix.

Par conséquent, le salon n’a pas résonné de l’habituel brouhaha des exposants faisant affaire entre eux. Peut-être les négociants finissent-ils par admettre où est leur place. Pour réussir dans un tel environnement, les diamantaires devront rompre avec le cycle actuel, celui du train-train habituel. Ils vont devoir créer une valeur authentique pour leurs diamants, pour leurs clients et pour l’industrie. Ce n’est que dans ces conditions qu’un salon, comme celui de Hong Kong, pourra changer les règles du jeu sur le marché diamantaire. Ce n’est que dans ces conditions que le marché pourra relever ses attentes modestes.

Source Rapaport