Génération Y : le nouveau défi marketing

Abraham Dayan

Hearts On Fire a lancé une campagne marketing internationale auprès de ce que l’on appelle la génération Y, c’est-à-dire les personnes nées entre 1980 et le début des années 2000. Elle a montré qu’il existe une difficulté : vendre des bijoux en diamants à cette catégorie d’acheteurs potentiels.[:] La génération Y est déjà en âge de se marier ou elle est sur le point de le faire mais, comme les spécialistes du marketing l’ont découvert, les habitudes d’achat de ce groupe sont différentes de celles de leurs parents et extrêmement diverses, ce qui complique le marketing.

La campagne Ignite Something de Hearts On Fire a démarré en septembre. D’après la société, elle sera présente dans les magazines de mode et de bridal ainsi qu’à la télévision, dans des points de vente numériques et sur les réseaux sociaux. Les versions TV et vidéo devaient être lancées sur les comptes Facebook et Instagram de Hearts On Fire fin août.

Hearts On Fire affirme vouloir redéfinir l’expérience de la possession d’un diamant, à destination de la génération Y. Comprenant mieux comment ce groupe d’âge transforme l’espace du luxe, Hearts On Fire tente de bâtir une plate-forme qui permettra aux jeunes consommateurs de se créer leur propre vision du luxe.

« Les jeunes couples d’aujourd’hui font partie d’une génération qui entretient une relation différente avec la tradition : ils agissent comme ils l’entendent, a expliqué Kristin Suppelsa, vice-présidente du marketing chez Hearts On Fire. Notre marque est réputée pour sa dynamique et sa créativité ; cette nouvelle plate-forme renforce notre capacité à nous adresser directement à toutes les générations et à accueillir les nouvelles traditions qu’elles se fabriquent. »

Créée aux États-Unis en 1996, Hearts On Fire a été rachetée l’année dernière par le géant de la vente de bijoux Chow Tai Fook, basé à Hong Kong. Après cela, la marque a lancé une série d’initiatives visant à sensibiliser la clientèle à ses produits partout dans le monde. Certes, le slogan A Diamond Is Forever de la De Beers a bien fonctionné pour la génération née pendant et après la deuxième guerre mondiale. Mais les spécialistes du marketing comprennent qu’il doit aujourd’hui être adapté à la nouvelle génération Y.

Combler le fossé entre les générations

Ce n’est pas la première fois que Hearts On Fire invente une nouvelle façon de faire apprécier l’achat de bijoux et de combler le fossé entre les générations. La société avait déjà conçu une nouvelle expérience d’achat : une de ses boutiques évoque le design subtil et les vibrations high-tech des points de vente Apple. Aujourd’hui, Hearts On Fire compte deux boutiques, une à Las Vegas et une à King of Prussia, en Pennsylvanie. D’autres devraient également ouvrir.

[two_third]Évoquant ses innovations en matière de présentation et de vente de bijoux en diamants, la société a affirmé : « Avec toutes les nouveautés technologiques et numériques présentes dans nos vies aujourd’hui, les consommateurs ne veulent plus acheter de la même façon qu’avant. Et quand il s’agit d’achats mûrement réfléchis, comme ceux de bijoux en diamants, ils refusent les expériences classiques, ils recherchent quelque chose de plus unique, de plus personnel. C’est pourquoi nous somme très heureux d’affiner et d’étendre notre concept de retail. Il bouscule les modèles d’achat traditionnels et met du plaisir et de l’interactivité dans l’achat d’un bijou en diamants.»[/two_third][one_third_last]

« [Bousculer] les modèles d’achat traditionnels et [mettre] du plaisir et de l’interactivité dans l’achat d’un bijou en diamants. »

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« Chacun des aspects de la boutique Hearts On Fire montre bien qu’il ne s’agit pas d’un lieu ordinaire. Tout commence avec les voilages des vitrines intérieures et l’utilisation étudiée des ombres et des éclairages pour créer une véritable ambiance à l’intérieur des locaux. Vous ne trouverez pas de spot fluorescent au plafond, mais des lumières indirectes que le personnel peut moduler en fonction des besoins et de l’atmosphère qu’il veut créer. La boutique comporte plusieurs miroirs de plain-pied qui accrochent la lumière et permettent de se voir de pied en cap lorsque l’on essaie un bijou. »

La recherche d’une autre voie

Là où les générations précédentes appliquaient des rites de passage pour entrer dans l’âge adulte, la génération Y veut suivre un autre chemin. Ils repoussent l’âge du mariage ou ne se marient plus. Et quand ils décident de le faire, ils renoncent à bon nombre des traditions sur lesquelles comptent les spécialistes du marketing : dépôt d’une liste de mariage avec de la porcelaine fine, de l’argenterie ou du cristal ou investissement de trois mois de salaire dans un diamant après s’être arraché les cheveux à faire des recherches sur les 4C…

«Le problème pour les publicitaires des bijoux n’est pas que la génération Y refuse les bagues de fiançailles en diamants, c’est qu’ils doivent s’adresser à eux d’une façon qui fasse sens et qui s’accorde à leur style de vie », explique Pam Danziger, la présidente de Unity Marketing et auteur d’une nouvelle étude intitulée Vendre des bijoux à la génération Y : comment vendre du luxe à la prochaine génération de clientèle fortunée [1]. « Le slogan Diamonds Are Forever n’a plus autant de sens pour eux. Ils n’ont cessé d’entendre répéter les statistiques selon lesquelles 50 % des mariages finissent par un divorce et ont souvent vécu ce cas dans le cadre familial », affirme-t-elle.

Il semblerait que la génération Y se passionne davantage pour l’achat de produits technologiques que de bijoux. D’une part, elle remet en cause la nécessité de célébrer des fiançailles par l’achat d’une bague en diamants. D’autre part, une étude récente, portant sur 1 335 personnes aisées, dont 18 % faisaient partie de la génération Y, a montré que les membres aisés de la génération Y (entre 24 et 34 ans et gagnant au moins 100 000 dollars) prenaient bien plus de plaisir à acheter des produits technologiques que de la haute joaillerie.

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Ainsi, par exemple, environ 46 % des membres de la génération Y ont déclaré que l’achat d’un produit technologique leur apportait beaucoup de plaisir, contre 25 % pour les bijoux. Cette conclusion est particulièrement importante pour les joailliers car le temps consacré aux recherches avant l’achat et les sommes dépensées sont très similaires pour les produits technologiques et les bijoux.

Pam Danziger affirme : «Cette génération Y préférerait sans aucun doute dépenser 700 dollars pour le dernier téléphone ou la dernière tablette que pour une paire de boucles d’oreilles ou un bracelet. Les spécialistes du marketing et les détaillants doivent trouver comment orienter la conversation, pour que l’achat d’un bijou devienne aussi nouveau et passionnant que celui du tout dernier iPhone. Mais les joailliers doivent apprendre à communiquer avec la génération Y, pour les rassurer : ils ont déjà les compétences nécessaires pour acheter de la haute joaillerie et cet achat est tout aussi agréable que celui du dernier gadget technologique en vogue.

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« Environ 46 % des membres de la génération Y ont déclaré que l’achat d’un produit technologique leur apportait beaucoup de plaisir, contre 25 % pour les bijoux. »

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« Les joailliers doivent apprendre un tout nouveau langage pour se connecter à la prochaine génération d’acheteurs de bijoux, la génération Y. Ce langage doit permettre de communiquer non seulement des mots et des images, mais aussi des émotions et de l’expérience. Il doit porter la sophistication décontractée de la haute technologie, mais aussi les valeurs traditionnelles du design et de la qualité de la haute joaillerie », affirme Pam Danziger.

La génération Y, moteur de l’économie dans les décennies à venir

Les spécialistes du marketing, les fabricants et les détaillants admettent l’importance du potentiel de la génération Y pour leurs activités : ce sont les consommateurs qui entraîneront l’économie dans les décennies à venir.

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Depuis les années 60, c’est la génération du baby-boom, née entre 1946 et 1964, qui domine les stratégies d’entreprise concernant quasiment tout ce qui se vend. Représentant toujours un quart de la population du pays, les baby-boomers ont créé une économie alimentée par les cartes de crédit et les sorties au centre commercial dès l’âge de la majorité, à une époque de relative prospérité. Malgré toute la rébellion des années 60 et du début des années 70, la plupart ont fini par acheter des pavillons de banlieue, à manger dans des fast-foods et à acheter de spacieux minivans et SUV, alors même que les familles étaient relativement restreintes. Mais aujourd’hui, les jeunes adultes dans leur vingtaine vont dépasser les baby-boomers en taille de groupe d’âge et changer la façon dont tout se vend, jusqu’aux boissons du petit déjeuner et aux matelas.

Le plus gros changement vient peut-être du fait que les jeunes adultes d’aujourd’hui – en partie parce qu’ils ont atteint leur majorité dans un climat économique plus difficile, en partie parce qu’ils ont beaucoup plus de choix – reportent leurs grandes décisions de vie et les achats importants qui vont généralement de pair. Conséquence, leur comportement de consommation est imprévisible. « Ils ont appris à vivre différemment », explique un expert.

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« Ce langage doit permettre de communiquer non seulement des mots et des images, mais aussi des émotions et de l’expérience. Il doit porter la sophistication décontractée de la haute technologie, mais aussi les valeurs traditionnelles du design et de la qualité de la haute joaillerie. »

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Selon les données du recensement de juin 2014, il y a davantage de personnes de 23 ans (4,7 millions) que de n’importe quel autre âge. Le deuxième plus grand groupe de population concerne les personnes de 24 ans et le troisième ceux de 22 ans. Il n’existe pas de plage d’âge officielle pour la génération Y mais on considère généralement qu’ils sont nés entre le début des années 80 et le début des années 2000. En 2020, ils représenteront un tiers de la population adulte.

Parallèlement, la génération Y est celle qui a fait le plus d’études dans l’histoire de l’Amérique. Bien plus de membres de cette génération vont à l’université que dans les générations précédentes. La plus grande tranche est actuellement en train de passer ses diplômes et débarque dans un monde post-récession où le marché du travail reste troublé mais commence à montrer des signes d’amélioration. Bon nombre des nouveaux diplômés doivent rembourser des prêts étudiants. Et leurs salaires augmentent lentement depuis la récession, derrière ceux des employés à plein temps, ce qui complique les achats d’articles onéreux.

Mais ils ont aussi un potentiel de revenus significatif dans les années à venir et, du fait de la taille importante de ce groupe, ils peuvent changer le profil de l’économie, du jamais vu depuis l’arrivée de la grande génération du baby-boom sur le marché du travail et leur emménagement dans les premiers logements.

Les établissements de prêts et les constructeurs automobiles, qui sont ceux qui traitent les plus gros achats de la majorité des gens, doivent encore trouver comment profiter comme il se doit de cette manne de consommateurs.

Le marketing qui fonctionnait pour la génération Y il y a cinq ans n’est plus valable aujourd’hui. Mais savoir répondre à ce nouveau groupe de consommateurs devrait porter ses fruits. Certes les baby-boomers dépensent évidemment plus que la génération Y et de beaucoup, mais la génération Y représente déjà près de 1 500 milliards de dollars de dépenses de consommation aux États-Unis, sur un total de près de 11 000 milliards de dollars.

En 2020, la génération Y devrait représenter 50 % des travailleurs. En 2025, ce chiffre devrait atteindre 75 %. Il s’agit de personnes qui ont grandi comme des « digital natives », autrement dit qui ont eu accès aux réseaux sociaux, aux smartphones, aux tablettes et à quasiment tous les autres produits technologiques que nous utilisons aujourd’hui et aux nouveaux comportements qui vont avec. C’est une génération qui ne sait pas ce que c’est que de recevoir 200 e-mails par jour, s’asseoir à des postes de travail modulaires ou utiliser bon nombre des plates-formes technologiques existantes que la plupart des organisations utilisent aujourd’hui. En outre, la génération Y arrive avec de nouvelles attitudes, de nouvelles valeurs et de nouvelles approches du travail. Pas étonnant que les organisations partout dans le monde soient si préoccupées par ce nouveau groupe de travailleurs – et la façon de leur vendre leurs produits.

Source Rough & Polished


[1] « Marketing Jewelry to Millennials: How to sell luxury jewelry to the next generation of affluents »
Photo : extrait de la campagne Hearts on Fire Ignite Something, depuis leur site web.