Fusions chez les miniers

Avi Krawitz

Le secteur de l’extraction a tendance à passer par des vagues d’acquisitions. Dernièrement, ce sont Dominion Diamond Corporation et Petra Diamonds qui sont apparus comme producteurs de gros volumes. [:]Les deux sociétés se sont arraché les mines mises en vente par BHP Billiton et la De Beers, respectivement. Peut-être le prochain cycle verra-t-il des fusions entre des entreprises moins grandes, de taille moyenne.

Trois sociétés se démarquent comme cibles potentielles. Les actionnaires pourraient en effet chercher à rentabiliser davantage leurs développements de production et de prospection en cours. En réalité, une super-fusion entre Gem Diamonds, Lucara Diamond Corporation et Firestone Diamonds devrait faire naître une société ayant à sa disposition un volume et une valeur en diamants substantiels. Le Canada serait aussi porteur d’opportunités, de nouvelles mines étant développées dans le pays. Mais dans l’immédiat, l’attention se tourne vers l’Afrique australe.

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Précisons d’emblée que le principe d’une telle fusion est pure spéculation et ne s’appuie sur aucune négociation officielle entre ces sociétés. Il va de soi qu’au moment où nous mettions sous presse, chacune d’entre elles avait refusé de s’exprimer à ce sujet ou de répondre à Rapaport News.

Cependant, personne ne peut nier que des synergies intéressantes sont en jeu entre ces trois sociétés.

La plus évidente est la composition des portefeuilles d’actifs et leur proximité géographique. Chacune possède un projet d’exploitation ou de développement minier au Botswana et au Lesotho ; un regroupement de ces actifs contribuerait à baisser les coûts.

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« La plus évidente est la composition des portefeuilles d’actifs et leur proximité géographique. Chacune possède un projet d’exploitation ou de développement minier au Botswana et au Lesotho. »

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Le Lesotho, qui est un petit pays entièrement enclavé en Afrique du Sud, possède quatre mines de kimberlite potentielles. La possible société fusionnée y posséderait la mine de Letseng, détenue par Gem Diamonds, la mine Liqhobong de Firestone et les opérations Mothae de Lucara. Sans compter le développement de la mine Kao, détenue par Namakwa Diamonds.

Letseng affiche une production relativement faible, de l’ordre de 95 000 carats par an, composée de diamants de grande valeur. La mine Liqhobong de Firestone produirait un volume plus important ; la structure devrait être mise en service au second semestre 2015, avec une production prévue de 1,1 million de carats par an. Lucara étudie actuellement un projet de développement pour ses opérations de Mothae au Lesotho, alors qu’elle s’est concentrée sur l’exploitation de sa mine Karowe au Botswana l’année dernière.

Letseng-Kholo-Diamond-Mine

Au Botswana, Karowe devrait produire environ 400 000 carats, soit environ 150 millions de dollars de revenus pour Lucara en 2014. Cela viendrait compléter la production de la mine Ghaghoo, dont Gem Diamonds prévoit de lancer la production plus tard cette année. La société projette d’atteindre une pleine capacité de 220 000 carats par an. Firestone fait actuellement l’objet d’un examen stratégique sur son actif BK11 au Botswana.

Selon les estimations de Rapaport, l’ensemble des mines exploitées des trois sociétés assurerait une production annuelle d’environ 2 millions de carats. Ce volume pourrait ne pas suffire à changer la dynamique de l’offre, mais cette production substantielle contribuerait à augmenter la valeur pour les actionnaires et à rehausser le profil de l’industrie auprès des investisseurs. Quelques opportunités d’achat intéressantes pourraient également se présenter sur le marché, avec une gamme de produits diversifiée.

En matière d’extraction, le volume compte à peu près autant que le prix. Bien souvent, les entreprises faiblement productrices s’efforcent de générer de la valeur, malgré les perspectives de hausse pour le marché du brut. Dans ce cas, le tout serait certainement supérieur à la somme des parties individuelles. Le chiffre d’affaires annuel de la société pourrait atteindre 500 millions de dollars, selon les estimations de Rapaport. Avec ces gains évidents de coûts, la structure pourrait bien susciter l’intérêt des investisseurs.

Bien entendu, il faudra résoudre de nombreuses questions avant qu’un tel scénario ne se produise. Le plus urgent est de savoir si les sociétés ont besoin de passer un tel accord. Certes, chacune considère que son propre potentiel de croissance est suffisant pour satisfaire les attentes de ses actionnaires à court terme.

Plus important encore, aucune n’a un besoin désespéré d’argent pour poursuivre ses développements, comme cela a pu être le cas dans le passé. Il est possible que, pour cette seule raison, l’occasion ait été manquée. Firestone vient d’achever une levée de financements, destinée à mener à terme le développement de Liqhobong. Lucara, quant à elle, a amplement profité du lancement de ses ventes l’année dernière. Quant à Gem Diamonds, elle devrait améliorer ses flux de trésorerie dans l’année à venir.

En outre, comme l’a noté Des Kilalea, analyste chez RBC Capital Markets, la volonté des actionnaires et du gouvernement du Lesotho jouent un rôle prépondérant. « Les actionnaires sont très différents dans chaque société et les différentes personnalités influeront sur l’accord, a-t-il affirmé. La transaction serait très difficile à mettre en place. »

N’oublions pas qu’il ne s’agit pas de la première tentative. En 2011 déjà, Gem Diamonds et Lucara avaient annoncé des pourparlers, avant de faire marche arrière. Les sociétés ont estimé que ce n’était pas exactement le bon moment, étant donné que leurs projets de développement n’en étaient qu’à leurs balbutiements.

À vrai dire, le calendrier n’est peut-être pas encore optimal. Si la transaction se poursuit, on pourrait s’attendre à ce que tous les actifs essentiels soient opérationnels. Leur association offrirait alors une valeur importante, encore absente aujourd’hui. Il serait peut-être plus réaliste d’attendre 2015 pour y songer. Peut-être même que la fusion serait plus viable entre deux sociétés plutôt que trois.

Certes, chaque entreprise affiche des plans de croissance ambitieux et leurs directions respectives jugent que les développements actuels représentent des réalisations négociables, qui peuvent être reproduites à l’avenir.

Dans un récent entretien avec Rapaport News, Stuart Brown, PDG de Firestone, a déclaré que sa société envisagerait une croissance par acquisitions à long terme si une occasion rentable se présentait, susceptible d’ajouter de la valeur.

De même, William Lamb, PDG de Lucara, a affirmé à Rapaport News qu’il pourrait envisager l’entrée de sa société dans un groupe consolidé de sociétés mono-actifs, ainsi que le développement d’une société à long terme, avec des flux de trésorerie solides et des actifs durables.

Des Kilalea a rappelé que l’industrie n’est pas particulièrement familière avec les fusions. Les sociétés minières ont eu tendance, pour se développer, à se concentrer sur l’acquisition d’actifs – Dominion et Petra en étant de bons exemples. Mais dans une si petite communauté, aux possibilités si limitées, les gens parlent et les transactions finissent par se conclure. Cela peut prendre un certain temps, mais l’émergence d’une société d’extraction de niveau intermédiaire, ancrée au Botswana et au Lesotho, ne surprendrait pas outre mesure. À tout le moins, les projets actuels présentent des opportunités intéressantes pour l’avenir.

Source Rapaport


Photos E.T. Global.