Fabrication diamantaire : l’avenir de l’Inde n’est pas menacé

Anil Prabhakar

Les investissements dans les infrastructures, la technologie et les talents aident l’Inde à consolider son leadership dans l’industrie diamantaire internationale.

La transformation de l’industrie diamantaire indienne qui est passée en 25 ans d’un producteur à bas coût de mêlé star à un leader mondial high-tech innovant s’est révélée phénoménale. L’utilisation d’outils de taille automatisés, de machines d’imagerie, d’imprimantes numériques 3D, de l’intelligence artificielle et d’outils analytiques des big data basés sur le cloud a amélioré la transparence, l’efficacité et la productivité.

« Notre investissement dans la technologie a payé pendant la pandémie. Les acheteurs avaient accès à notre stock en ligne et pouvaient passer commande. Quant à nous, nous pouvions acheter du brut auprès des miniers en étudiant leurs scans 3D », explique Rahul Jauhari, vice-président senior des ventes internationales et du marketing chez Star Rays, et membre du comité de base des Young Diamantaires.

« Comprendre les besoins des acheteurs nous a aidés à lancer notre propre système de certification des diamants, certifié ISO. Notre fonction brevetée de vidéo HD à 360°, Digiplot, aide les acheteurs à déterminer la profondeur d’un diamant et à cartographier ses inclusions. Les traces qui permettent de suivre le trajet d’un diamant, de la mine au marché, sont également retranscrites dans une feuille de calcul Excel », explique Shreyans Dholakia, dépositaire des marques chez SRK Exports.

L’industrie diamantaire indienne obtient une note élevée sur l’indice de l’expérience des employés par rapport à l’industrie de la « fast fashion ». À la différence des ateliers textiles délabrés de Thaïlande et du Bangladesh, qui n’ont que peu d’égards pour la vie humaine, les usines de diamants de Surat sont construites pour durer. Dans l’industrie diamantaire au maillage étroit, les bonnes pratiques commerciales sont imitées et deviennent des normes acceptées.

« La distribution de repas gratuits, sains et complets, pour le déjeuner de nos 5 000 employés a amélioré le moral et la productivité. La technologie est un facteur qui nous a permis de trouver une situation équitable. Notre force réside dans des équipes de travail motivées et engagées, dans cette industrie compétitive », ajoute-t-il.

De plus en plus de sociétés de fabrication prennent conscience de l’enjeu environnemental et deviennent des entreprises citoyennes responsables. Kinjal Shah, directeur régional pour l’Inde et le Moyen-Orient du Responsible Jewellery Council (RJC) indique que l’adhésion au RJC en Inde a progressé de 20 % ces deux dernières années. Sur ses 160 membres, 60 % sont des fabricants de diamants et 30 % des bijoutiers.

SRK Empire, inaugurée en 2011 (bien avant que le développement durable ne devienne un terme à la mode), a obtenu la classification LEED Gold en 2015, puis est passée au statut Platinum Certification du US Green Building Council (USGBC) en 2018. La société est ainsi devenue la « première structure de fabrication en Inde et dans la région asiatique », ainsi que la première du secteur des pierres et des bijoux dans le monde à recevoir la notation Platinum de l’USGBC.

La deuxième installation de fabrication de diamants de SRK, qui occupe plus de 20 000 mètres carrés, SRK House, a également reçu la certification LEED Platinum par l’USGBC en 2020.

Star Rays travaille à devenir la première société de diamants neutre en carbone de l’Inde, soulignant son engagement envers des pratiques commerciales durables. La société participe à l’initiative de mesure et de compensation des gaz à effet de serre de la Confédération internationale de la bijouterie (CIBJO) afin de s’assurer que ses émissions et retraits de carbone soient mesurés conformément aux règles internationales.

La société se développe et a installé une usine ultra-moderne à Gaborone, au Botswana. Elle emploie un personnel féminin à tous les niveaux possibles pour promouvoir l’autonomisation des femmes.

Les deux grandes tendances de l’industrie diamantaire sont les suivantes :

1. La fabrication de petits diamants (mêlé star) est en train d’être concentrée aux mains de quelques grands acteurs, en raison des perturbations provoquées par le mélange non déclaré de diamants synthétiques par des négociants sans éthique. Il est maintenant impératif pour les fabricants d’installer des machines de détection de diamants synthétiques et de faire certifier leurs marchandises. Cela a augmenté les coûts et accru leurs problèmes car chaque diamant doit être vérifié. La production de mêlé star n’est donc plus lucrative. Shreyans Dholakia considère que le segment I1-I2, qui occupe une grande place aux États-Unis, sera très probablement remplacé par des diamants synthétiques. Plutôt que d’acheter des diamants de pureté et de couleur inférieures, les clients préfèreront acheter des marchandises mieux taillées.

Rahul Jauhari considère toutefois que les petits diamants naturels resteront attractifs pour un premier achat, pour des raisons émotionnelles. La demande de montres de luxe serties de diamants augmente également. Le fait que la plus forte hausse des prix concerne les petits diamants traduit un essor de la demande.

On constate également une demande croissante de diamants de tailles fantaisie. Rahul Jauhari affirme que les tailles poire et ovale se vendent vite. Shreyans Dholakia estime que ceux qui achètent pour la première fois préfèrent les rondes. Toutefois, pour leurs achats ultérieurs, ils sont attirés vers des tailles fantaisie, en raison de leur originalité. Le fait de pouvoir acheter un plus gros diamant au même prix renforce l’attrait de ces tailles fantaisie.

2. Comme la demande est à un plus haut historique, les fabricants de diamants sont en veine. Tout ce qui est produit aujourd’hui se vend. On constate une pénurie de taillé et les prix du brut sont en hausse de 20 %. 

Compte tenu du fait que les pays s’ouvrent et que les voyages reprennent, les consommateurs ont désormais de nouvelles possibilités pour dépenser leur argent, ce qui pourrait réduire la part des diamants dans leur portefeuille. La réaction défavorable des consommateurs face à la Russie pourrait également aggraver la situation car ALROSA contribue pour 30 % à la filière diamantaire.

Les fabricants se montrent donc d’un optimisme prudent et espèrent que les tensions géopolitiques s’apaiseront bientôt car la guerre ne profite à personne.

Source National Jeweler