Et vous ? Achèteriez-vous un bijou en diamant synthétique ?

Marianne Riou

Cette question me trotte dans la tête depuis quelques mois. Qui pourrait acheter un bijou serti d’un diamant synthétique ? Quels sont les arguments qui font – réellement –mouche ? Est-ce que moi, avec tout ce que je sais des diamants naturels, je pourrais acheter un diamant synthétique ?

Elle est bel et bien légitime cette interrogation : comment comprendre les velléités d’achat de tel ou tel produit si on n’essaie pas de se mettre à la place des acheteurs éventuels ?

J’ai posé autour de moi la question de savoir si acheter un bijou en diamant synthétique était envisageable et les réponses ont été aussi variées que les interlocuteurs… Personne n’a catégoriquement répondu non.

Mais deux mots-clefs sont toujours revenus :« l’occasion d’achat » et le « naturel ». [ed1] [MR2] Autour de ceux-ci, viennent se greffer d’autres mots et arguments qui, tous ensemble, motiveront ou pas la décision d’achat :

Le design

Soyons honnête, le design ne sera jamais relayé au second plan. Quiconque achète un bijou est forcément motivé par le désir de le porter ou de le voir porter. S’il ne plaît pas à la personne à qui il est destiné, l’achat ne vaut rien ou n’avait pas lieu d’être. Et en ce cas, tous les arguments ci-dessous sont caducs.

En matière de bijoux en diamants synthétiques, qu’aurions-nous à nous mettre sous la dent ?

Lightbox évidemment, sur le marché américain. Il y en a d’autres, mais arrêtons-nous sur cette startup lancée par De Beers. Être adossée à un des plus grands noms de l’industrie des diamants naturels donne paradoxalement du crédit à Lightbox. En voilà qui maitrisent leur gamme dans le domaine des diamants.

Je me suis abonnée à la newsletter et j’en reçois une chaque semaine, l’entreprise fait bien son « job » pour se rappeler à mon bon souvenir et susciter l’envie d’achat. Le site est fonctionnel, agréable, les photos des bijoux portés sont belles et engageantes et on s’identifierait bien à cette histoire-là… Quant au design stricto sensu (porté par l’image véhiculée et la mise en scène des pièces), il est classique, sobre, hyper accessible. Je ne suis pas bouleversée par leurs propositions, mais je pense que cela s’adressera très bien au plus grand nombre. Le bijou en diamant synthétique est vraiment apparenté ici à l’achat d’un bijou de mode, sans que l’on soit noyé dans une offre pléthorique, ce qui permet de continuer à associer ces bijoux en diamants synthétiques à une certaine qualité ou excellence à défaut de rareté. Les clous d’oreille simples en diamants blancs ont sérieusement de quoi convaincre…

D’autres encore se positionnent sur un créneau de joaillerie très moderne, résolument dans l’ère du temps ; ils taquinent même la haute joaillerie et s’en inspirent, proposant des bijoux sertis de diamants synthétiques à des prix inférieurs (30 à 40% environ) à ceux des diamants naturels.

Les collections affichent un petit air branché et éthique jusque dans le choix des noms. Les modèles sont dessinés pour être faciles à vivre et toucher les jeunes femmes qui souhaitent se faire plaisir : mieux qu’un it-bag (plus discret) et plus durable !

Alors oui, ces designs sont engageants et trouveront leur public.

Le prix

Sur les pages des sites 12Fifteen (qui ne mâche pas ses mots à l’encontre de l’industrie des diamants naturels !) et Diamond Nexus, qui vous proposent donc des solitaires, bagues, colliers et boucles d’oreilles en diamants synthétiques, j’ai lu les arguments suivants :

– « Nexus Diamonds cost approximately 70 – 90 percent less than mined diamonds. »

– et « Prices change because the diamonds change. The stone gets bigger and/or more perfect, it costs more. Metal costs change on the daily. » 

Simple, concis, imparable. Les 4C ne sont pas aussi facilement compréhensibles et accessibles par tous. Il faut croiser les informations, comparer les prix au carat, vérifier le sertissage, le métal, la taille, les certificats, bref, il n’est pas si facile d’acheter un diamant naturel et d’en comprendre le prix pour qui n’est pas initié. Quand j’ai écrit cet article, je pouvais donc acheter pour 243.75$ (Black Friday Week) des clous d’oreille taille coussin de 1,03 carat sur Diamond Nexus ; ou un solitaire de ¼de carat porté sur chaîne à 300$ chez Lightbox. De quoi s’offrir un bijou de mode, de simple facture, portable aisément, avec une très belle pierre et sans grever son budget.

Alors oui, le prix est certes un excellent argument.

L’éthique

L’argument massue des producteurs de diamants synthétiques ! Qui, en ce qui me concerne, me semble l’argument le moins convaincant.

Ce qui me gène dans cet argument, c’est qu’il est donné en opposition à l’industrie des diamants naturels. C’est l’argument du « tout propre » contre un « tout sale » – ce qui est déjà éthiquement* discutable ! –, en plus d’être injuste. Il n’est simplement pas tenable. Chaque industrie a un coût environnemental, et rien jusqu’à présent ne nous permet de comparer de manière exacte celui des diamants synthétiques à celui des diamants naturels.

On ne va pas non plus épiloguer sur l’importance de l’industrie diamantaire pour le développement économique de certains pays africains.

En revanche, présenter l’éthique comme un critère de choix des diamants synthétiques n’est pas une aberration en soi. Très loin de là !

Certains le font en parlant « d’alternative éthique et écologique à la joaillerie traditionnelle ». Ou en mettant l’accent sur les prouesses de haute technologie qui permettent de reproduire la nature avec bonne « conscience », dans le respect de critères sociaux et environnementaux.

Bref, le discours est ici positif, pas très développé (à chacun d’y mettre ce qu’il veut !) et fait appel aux valeurs de chacun sans mettre à mal l’industrie des diamants naturels. Il n’y a pas d’agression, juste une « autre » proposition.

Donc, oui, l’éthique, en ce sens, est un argument.

L’occasion (motif d’achat)

Ou la non-occasion finalement ?

Pour l’instant, nous avons tendance à supposer – c’est ce dont témoignent certaines études – que les diamants naturels gardent leur place prépondérante dans le cœur des gens pour les « grandes occasions » : fiançailles ou mariages. Un symbole de l’amour « éternel ». Une bonne nouvelle pour l’industrie des diamants naturels qui essaye de faire que cet état d’esprit (véhiculé par une campagne de communication de génie à une époque donnée…) perdure. Que les diamants naturels tentent de représenter mieux l’amour dans toute sa complexité est une nécessité.

Les diamants synthétiques peuvent prendre une large place sans empiéter sur celle des diamants naturels – il n’est d’ailleurs pas dit qu’ils ne trouveront pas leur place dans le domaine de la célébration des fiançailles et des mariages, puisque les fabricants de bijoux en diamants synthétiques se sont déjà positionnés sur ce créneau (hormis Lightbox, tous les sites de bijoux en diamants synthétiques que j’ai explorés ont des rubriques fiançailles et mariage.)

Néanmoins, il existe mille occasions de s’offrir, se faire offrir ou offrir un bijou : promotion, nouveau contrat, anniversaire à chiffre rond, réussite à un examen, 10 ans de mariage, etc. Et si l’on veut lier beauté d’une pierre sans pouvoir pour autant se permettre de dépenser des fortunes… les diamants synthétiques ont toute leur place. Ils pourraient rejoindre sur ce créneau les pierres semi-précieuses qui, parées de mille vertus, sont adoptées par nombre de créateurs inventifs aux propositions délicates et plébiscitées par les influenceuses.

Donc oui, l’occasion ou la non-occasion est un argument.

La qualité – perfection

Difficile de combattre les diamants synthétiques sur l’échelon de la qualité. S’ils sont tous de type IIA, comment demander ce niveau de perfection systématique à la nature ? Cela dépend donc de ce que l’on entend par « perfection ».  Un gemmologue ou un connaisseur privilégiera un diamant naturel, imparfait peut-être, même si très bien placé sur l’échelle des 4C, mais néanmoins EXCEPTIONNEL. Un diamant synthétique parfait ne sera jamais exceptionnel.

Mais la qualité des diamants synthétiques peut tout de même être un argument.

Le naturel

Le diamant naturel est par essence imparfait, rare et donc exceptionnel.  Cet argument-ci est imbattable… C’est un objet précieux. Le diamant synthétique n’a déjà plus (mais l’a-t-il jamais eue ?) cette image de pierre précieuse. Semi-précieuse peut-être, belle assurément. Mais, s’il reproduit la nature, il ne fait que ça : la reproduire. Notre époque, avide de sens, se tourne de plus en plus vers  le naturel et l’authenticité. Vers une consommation raisonnée. Or les diamants synthétiques peuvent être produits en masse et reproduits à l’identique, ce qui ne nous donne aucune garantie de production raisonnée et exclusive.

En cela, les diamants naturels gagnent la bataille haut la main.

Quelle conclusion pouvons-nous tirer de tout cela ? Il serait préjudiciable à notre industrie et naïf de croire que la bataille entre diamants naturels et synthétiques sera gagnée par les diamants synthétiques… ou par les diamants naturels. Et d’ailleurs, est-ce une bataille ? L’offre des diamants naturels va diminuer dans les années à venir, ce qui ajoutera à leur rareté et à leur valeur. Pour autant les diamants synthétiques qualité gemme, qui n’en sont qu’à leurs débuts, trouveront leur place. Il y a un public pour cette offre.

Ce sont simplement deux produits différents. Il faudrait juste que le public continue à le penser. À nous de travailler pour qu’il aille en ce sens.

Source Rubel & Ménasché



* L’éthique, selon le dictionnaire Larousse, en dehors de sa dimension philosophique, regroupe l’« ensemble des principes moraux qui sont à la base de la conduite de quelqu’un. » CQFD !