Economies « brutes »…

Avi Krawitz

Deux tendances sont apparues au début du deuxième trimestre, elles devraient influencer le commerce des diamants pour le reste de l’année 2012. Tout d’abord, les prix du brut ont augmenté alors que le marché du taillé continue de progresser avec prudence. Deuxièmement, la croissance est stimulée par la demande sur les marchés traditionnels mais les marchés émergents sont relativement limités, ce qui va à l’encontre de la tendance de l’année écoulée.[:]

La seconde tendance est peut-être plus facile à expliquer. Le rythme de la croissance économique dans les économies émergentes, en légère baisse par rapport aux bonnes performances de ces dernières années, devrait ralentir en 2012. En revanche, des données encourageantes arrivent des États-Unis, même si la croissance dans ce pays est comparée aux mauvais chiffres de l’année dernière. Les rapports indiquent que les ventes au détail américaines progressent et que la confiance des consommateurs s’améliore.

Pour certaines de ces raisons, le Fonds Monétaire International (FMI) a annoncé cette semaine de meilleures perspectives pour l’économie mondiale, laquelle, a-t-il indiqué, « s’améliore lentement mais reste fragile. »
Ces mots pourraient très bien s’appliquer au marché du diamant.

Le FMI prévoit une augmentation de la production mondiale de l’ordre de 3,5 % en 2012, contre 3,3 % annoncés en janvier.

Malgré un regain de confiance dans les économies avancées, en particulier les États-Unis et le Japon, qui a permis de revoir les prévisions à la hausse, le rapport fait mention, en filigrane, d’un sentiment général de prudence. « Ces six derniers mois ont été comme des montagnes russes », a déclaré Olivier Blanchard, économiste en chef au FMI. « Nous maintenons que la croissance sera lente dans les économies avancées ; elle se maintiendra, mais demeurera limitée, dans les pays émergents et en développement. Le risque que les choses tournent mal à nouveau en Europe reste élevé. »

Nous ne sommes donc en aucun cas sortis d’affaire. Il faut savoir que la situation a déjà été pire et que l’amélioration, bien que « fragile », est rassurante. Dans les discussions, les négociants font écho à ces préoccupations. Pour eux, la crise de la dette européenne est l’élément qui pourrait déséquilibrer le marché du diamant.

Ceux qui évoluent dans les centres de négoce signalent une amélioration de la demande de taillé aux États-Unis ; les autres marchés seraient relativement calmes. Il n’y a pas d’explosion du marché, la demande vise à satisfaire les commandes existantes. Encouragés par la stabilité des prix observée le mois dernier, les fournisseurs semblent disposés à suspendre les ventes, dans l’attente d’une hausse des prix du taillé qui ferait suite à celle des prix du brut au premier trimestre.

Gem Diamonds a annoncé cette semaine une hausse de 7 % en 2012 de son indice « Gem Diamonds Price Index », qui mesure les prix obtenus dans ses mines de Letšeng et d’Ellendale en données constantes. L’augmentation est à peu près conforme aux hausses mises en œuvre par la Diamond Trading Company (DTC).

La DTC a pu augmenter ses prix puisque De Beers continue de freiner la production. La société a annoncé une chute de sa production au premier trimestre de 16 % en glissement annuel, à 6,208 millions de carats. Les niveaux de fabrication sont également en-deçà des capacités et les liquidités dans les centres de taille restent limitées.

Comme toujours, le sentiment sur le marché est influencé par la capacité des tailleurs à tirer profit du brut qu’ils achètent et du taillé qu’ils revendent. Ils jugent le brut onéreux et leurs marges rétrécies. Ils auraient besoin soit que les prix du taillé augmentent, soit que ceux du brut fléchissent, ou encore que le brut reste stable sur une période prolongée.

Toutefois, Gem Diamonds, à l’instar d’autres acteurs sur le marché, s’attend à ce que les prix du brut continuent à augmenter au deuxième trimestre, stimulant ainsi les prévisions selon lesquelles les prix du taillé devraient suivre.

Cette hypothèse est dangereuse.

La capacité du marché à augmenter le volume des échanges et à traduire la fermeté des prix du brut en une hausse des prix du taillé dépend de la demande des consommateurs ; elle doit être suffisante pour justifier l’augmentation. Une hausse des prix du brut uniquement n’est pas saine pour le marché, sauf si elle s’accompagne d’une hausse justifiable des prix du taillé.

En substance, et dans un monde idéal, le marché du brut devrait suivre celui du taillé, et non l’inverse. Si les prix du brut poussent le taillé vers le haut, il faut qu’il y ait suffisamment de clients pour le produit fini.

La question est de savoir si les hausses de prix à court terme seront véritablement influencées par la demande de diamants ou par une pénurie du stock. Il est de loin préférable d’augmenter l’offre pour satisfaire la demande. L’augmentation des prix du brut, prise isolément, alimentera une demande spéculative qui finira par s’affaiblir, voire par disparaître, quand il deviendra évident que les prix ne sont plus alignés sur la demande. Le marché l’a appris en 2008, les hausses de prix spéculatives sur le brut ne sont pas durables.

Par conséquent, au vu des perspectives économiques limitées, l’industrie du diamant devrait se fier aux signaux du FMI. Elle devrait prêter attention à la prudence générale qui plane sur le marché, tant dans les économies avancées que dans les pays émergents. Malgré les légères améliorations constatées aux États-Unis, il n’y a pas encore de preuves suffisantes que la demande pousse les prix du taillé vers le haut.

Les perspectives pour 2012 dictent donc une approche conservatrice, afin que les prix reflètent la réalité. De nouvelles augmentations des prix du brut ne seraient justifiées que si le marché du taillé montrait des signes d’expansion. Une inversion des analyses dans les mois à venir pourrait bouleverser l’équilibre et finir par limiter les perspectives pour 2012.

Source Rapaport