Du changement chez Tiffany

Michelle Graff

L’article de lundi évoquant le départ à la retraite de Mike Kowalski, le PDG de Tiffany & Co., a été publié très à propos, juste avant ma dernière chronique sur la mine de Pebble, en Alaska. Ce projet de mine d’or et de cuivre à ciel ouvert serait aménagé sur le cours supérieur de la magnifique baie de Bristol, dans un écosystème immaculé.[:]

Après tout, Tiffany figurait parmi ceux qui ont mené la lutte en 2009 pour convaincre les bijoutiers de boycotter l’or de la mine. Au centre de cette action figurait Mike Kowalski, qui s’est personnellement rendu dans la baie de Bristol pour pêcher à la mouche. Dès son retour à New York, il a diffusé le documentaire Red Gold au conseil d’administration de Tiffany. Cela a suffi à le convaincre de se prononcer sur cette question.

C’est avec la mine de Pebble que j’ai personnellement découvert M. Kowalski.

En 2009, je ne connaissais pas encore bien National Jeweler. J’ai donc accompagné Teresa Novellino, l’ancienne rédactrice-en-chef exécutive, et Whitney Sielaff pour un entretien au siège de Tiffany & Co. avec Mike Kowalski.

Les discussions portaient sur la prise de position de Tiffany face à la question de Pebble et de Red Gold. Le détaillant en a fait un documentaire pour les rédacteurs-en-chef à New York.

Je ne prétendrai pas me souvenir de nombreux détails de l’entretien ; j’étais (c’est relatif) jeune à l’époque, assez nouvelle à ce poste et je n’en savais pas autant qu’aujourd’hui sur l’industrie ou le comportement des consommateurs.

Or, lundi, j’ai eu l’occasion de relire l’article produit à l’issue de cet entretien en 2009, publié dans la version papier de National Jeweler (une relique !) – dans laquelle, me semble-t-il, Tiffany avait aussi acheté une pleine page de publicité pour faire pression contre la mine – et archivé sur notre site Internet.

Dans l’article, Mike Kowalski abordait un sujet qui n’est devenu prégnant que cinq ans après sa sortie : l’intérêt de la génération Y pour l’origine des produits qu’ils achètent et pour l’attitude des sociétés qui créent ces produits.

Les questions sociales et environnementales n’ont pas « la priorité dans l’esprit des gens, affirmait-il en 2009. Ce n’est pas comme si les personnes venaient nous demander d’où vient notre or. (Mais) je pense qu’il est dangereux de dire « Personne ne pose de question, donc cela n’a pas d’importance. » À mon avis, il faut se montrer prudent face à ce tournant. Il y a quelques années, personne ne parlait de changement climatique. Al Gore écrit un livre, nous assistons à certaines choses et, brusquement, tout le monde fait du climat sa priorité. »

Il faudra un autre article pour déterminer si nous avons ou non atteint ce « tournant » avec les clients qui s’inquiètent de l’origine des marchandises.

Mais je pense que la déclaration de Mike Kowalski montre bien ce qui a assuré la réussite de Tiffany & Co., une marque qui existe depuis plus de 175 ans : un positionnement avant-gardiste sur les questions qui comptent, comme la sensibilisation des consommateurs, la technologie ou le design. Ainsi, dans ce même article de National Jeweler de 2009, l’auteur évoque la « toute nouvelle » collection Tiffany Keys. Combien de fabricants ont créé leurs propres porte-clés après avoir vu ceux de Tiffany ?

Lorsque l’annonce est sortie lundi que Mike Kowalski, 62 ans, envisageait de quitter ses fonctions en mars 2015, les commentaires des analystes ne laissaient présager aucun recul des performances du détaillant à l’arrivée du prochain PDG, Frederic Cumenal, 54 ans, le 1er avril 2015.

Frederic Cumenal est arrivé chez Tiffany en 2011, quittant LVMH où il occupait dernièrement le poste de PDG des champagnes Moët & Chandon. La perspective qu’il dirige Tiffany est jugée positive pour la marque new-yorkaise du fait de sa vaste expérience internationale dans les produits de luxe.

Frederic Cumenal devrait également rencontrer le succès à la tête de Tiffany & Co. grâce, selon moi, à la forte reconnaissance de marque qu’il a bâtie au fil des ans et dont il jouit encore aujourd’hui.

Cela ne veut pas dire que le détaillant n’a jamais commis d’erreurs – rappelez-vous du récent procès qu’il a perdu face à Swatch Group pour 449,5 millions de dollars – et qu’il n’aura pas de problèmes à l’avenir, tel que la bataille juridique qui l’attend contre Costco à propos du terme « sertissage Tiffany ».

Mais Tiffany & Co. est une marque qui a été bâtie pour durer. Voilà pourquoi elle continue d’exister et reste indépendante après 177 ans d’existence.

Source National Jeweler



Photo tirée du film Breakfast at Tiffany’s