De l’importance de s’appeler Tiffany

Avi Krawitz

Il y a eu un instant, lors de la cérémonie des Academy Awards 2019, où le monde de la joaillerie s’est arrêté, bouche bée. Lady Gaga, qui remporterait plus tard dans la soirée l’Oscar convoité de la meilleure chanson originale, a posé le pied sur le tapis rouge dans une robe Alexander McQueen, des gants en cuir noir et un collier en diamants jaunes de Tiffany & Co., chargé d’histoire.

La pierre centrale du collier, pesant 128 carats et découverte par le fondateur de la société, Charles Lewis Tiffany, en Afrique du Sud il y a plus de 140 ans, n’avait plus été vue en public depuis son apparition au cou d’Audrey Hepburn pour la promotion du film Diamants sur canapé en 1961. Sa présence inattendue aux Oscars, parant l’une des personnalités les plus importantes du monde de la musique, a été le point culminant du retour d’une marque qui avait passé les deux années précédentes à essayer délibérément de retrouver son pouvoir de séduction.

Sous la direction de son PDG, Alessandro Bogliolo, et de son directeur artistique, Reed Krakoff, Tiffany est devenue une marque plus tendance, plus jeune et plus accessible. En cela, elle se pose en exemple pour le reste de l’industrie qui – particulièrement au vu du nouveau contexte de la Covid-19 – admet aujourd’hui la nécessité d’adopter un ton plus doux, plus joyeux, fièrement féminin.

Au lendemain de la pandémie, l’industrie se fixe comme objectif notamment de bâtir des marques plus fortes, en se calquant sur l’exemple de Tiffany. Ainsi, certains se sont interrogés – du moins dans les cercles de Rapaport – sur l’intérêt que pouvait avoir l’accord d’acquisition établi entre LVMH et Tiffany en novembre dernier pour l’industrie.

Sous l’égide de la maison de luxe française, Tiffany perdrait-elle son indépendance ou ses caractéristiques américaines si particulières ? Pourrait-elle continuer son parcours audacieux, axé sur un luxe plus abordable, tout en faisant partie d’un groupe européen, plus réputé pour son élégance à la française ? La direction de Tiffany a considéré quant à elle que sa croissance accélérerait avec l’appui d’une société-mère aussi puissante.

Or, les tracas se sont multipliés : LVMH a mis de côté la transaction et les sociétés se sont engagées dans une bataille juridique. De telles prises de bec en public pourraient nuire à la réputation des deux sociétés et affaiblir les résultats impressionnants obtenus par Tiffany ces trois dernières années. Sans compter que la mauvaise presse et l’opinion des consommateurs envers des marques d’une telle stature ont un effet domino sur tout le marché des diamants et des bijoux.

Le numéro d’octobre du Rapaport Research Report s’intéresse aux raisons pour lesquelles la bataille juridique entre Tiffany & Co. et LVMH face à l’échec de la transaction a des conséquences sur le marché des diamants et des bijoux.

Comme Tiffany continue de jouer un rôle majeur dans la définition du paysage de l’industrie, la marque doit absolument continuer sur le chemin tracé par Alessandro Bogliolo et Reed Krakoff. Selon nous, peu importe qui sera le propriétaire de Tiffany une fois que la décision de justice sera rendue. Le plus important, c’est que la société conserve ses vues originales, en innovant et en repoussant les limites de sa « blue box », afin d’entraîner le reste de l’industrie.

Source Rapaport


Photo © Tiffany & Co, Dr.