Confiance et Contrôle

Martin Rapaport

Les diamants sont un produit très complexe, aussi bien du fait de leur haut degré de qualité que des importants écarts de prix. Il existe des milliers de combinaisons de formes, de grosseurs, de couleurs, de puretés et de tailles, qui s’échangent sur les marchés, assorties d’informations restreintes sur les prix et les disponibilités.[:] Dans ce contexte, les vendeurs sont généralement mieux informés que les acheteurs et bien souvent, ils profitent du manque de transparence pour les abuser.
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Il existe deux aspects sur lesquels tromper le client : la qualité et le prix. Bien que de nombreux vendeurs ne mentent pas ouvertement à leurs clients, la plupart évitent de divulguer les informations négatives. La plupart du temps, les acheteurs ne s’informent pas correctement sur l’authenticité des produits qu’ils vendent, ni sur l’intégrité de leurs sources. Ils supposent que les diamants ou les bijoux qu’ils achètent et vendent sont authentiques, alors que ce n’est pas le cas. La culture des œillères (« je ne demande rien, je ne dis rien ») s’est infiltrée dans le secteur de la joaillerie, pour finir par un jeu qui consiste à montrer du doigt (« je ne savais pas que je vendais un produit traité, synthétique ou surévalué ») au moment où les inévitables fraudes, tromperies et fausses déclarations sont mises au jour.

L’industrie du diamant a toujours fonctionné avec la confiance. Mais il est temps désormais de poser les questions qui dérangent. Peut-on faire confiance à nos collègues négociants ? Devons-nous croire que les produits que nous achetons sont authentiques ? Les sociétés diamantaires qui exercent à la limite de la rentabilité peuvent-elles se permettre d’être honnêtes ?

Étudions les faits :

Ces derniers mois, l’International Gemological Institute (IGI) a confirmé que plus de 500 diamants synthétiques CVD non déclarés ont été échangés par des sociétés légitimes. Des milliers d’autres circulent sans aucun doute sur le marché.
Les diamants sont traités deux ou trois fois, pas seulement pour être améliorés, mais aussi pour tromper les laboratoires de classement qui, parfois, ne distinguent pas les opérations effectuées et classent les diamants comme des pierres naturelles.

Les tailleurs retaillent des diamants de moindre qualité pour leur faire obtenir un classement de qualité supérieure et les vendre à ce titre.

Les diamants de Marange sont régulièrement vendus en infraction avec les directives de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), tout comme d’autres diamants impliqués dans des violations des droits de l’homme.

Il est temps d’admettre la vérité. Les diamants et ceux qui les vendent ont perdu leur statut de « présumés innocents ». Les négociants et joailliers n’ont pas le droit d’assumer la légitimité des produits qu’ils vendent. Le marché des bijoux doit ôter ses œillères face aux fausses légitimités. La confiance sans contrôle est une arnaque.

Il convient maintenant de mettre en œuvre les principes suivants :
Chacun est responsable de ce qu’il achète et de ce qu’il vend.

Les acheteurs doivent enquêter à priori sur la légitimité de leur chaîne d’approvisionnement et vérifier l’authenticité des produits qu’ils vendent.

L’authenticité correcte et exhaustive du produit et sa légitimité doivent être confirmées par écrit.

Ainsi, en cas de fausses déclarations, les vendeurs auront obligation de rembourser immédiatement et intégralement les produits en numéraire. Les allégations du type « je ne savais pas » sont tout simplement inacceptables : elles montrent que les fournisseurs n’ont pas correctement vérifié la légitimité de leur approvisionnement ni communiqué de façon idoine sur les limites de son authenticité.

Les acheteurs sont également responsables de leurs actes et seraient bien avisés d’exiger de leurs fournisseurs qu’ils s’engagent sur l’authenticité du produit en faisant figurer la mention « diamants naturels non traités » sur toutes leurs factures. Bien que cet énoncé puisse servir de transfert de responsabilité financière, il ne résout pas le problème d’éthique et de réputation. Quelle femme a envie de savoir que son diamant est synthétique, en particulier si elle a payé plein tarif ?

Franchement, il est temps que les acheteurs anticipent et aient une vraie discussion avec leurs fournisseurs au sujet de leur approvisionnement. Si votre fournisseur n’est pas disposé à enquêter sur la chaîne d’approvisionnement des produits qu’il vous vend ou s’il n’est pas disposé à apporter une garantie écrite de l’authenticité et de la légitimité des diamants qu’il vous vend, mieux vaut aller voir ailleurs.

Le Rapaport Group progresse, en engageant des efforts pour soutenir et assurer une chaîne d’approvisionnement éthique des bijoux. Ces efforts comprennent notre campagne pour des bijoux éthiques sur ethicalpledge.com et des plans de certification éthique des diamants. Nous présenterons aussi nos nouvelles règles commerciales et procédures d’identification RapNet destinées à faire respecter le commerce éthique et des normes de déclaration justes.

Bien que les technologies et procédures modernes des laboratoires puissent nous aider à vérifier l’authenticité de certains diamants, elles n’empêchent pas les faussaires d’élaborer de nouvelles façons de nous tromper, nous et nos clients. Beaucoup d’entre nous excellent dans le classement des pierres. Il est temps d’exceller dans le classement des personnes avec lesquelles nous traitons et de séparer le bon grain de l’ivraie. Il est temps d’appeler votre fournisseur pour savoir d’où viennent vos diamants.

Le commerce des diamants n’est pas vraiment lié aux diamants, mais plutôt aux personnes qui évoluent dans cette industrie. Il est subordonné à la confiance des consommateurs dans l’intégrité du marché. En effet, au final, une fois que tout a été fait et que tout a été dit, nos diamants ne brilleront que de la qualité dont nous-mêmes pourrons nous targuer.

Source Rapaport