Comment De Beers considère sa nouvelle division de synthétiques

Joshua Freedman

Bruce Cleaver, le PDG de De Beers, explique pourquoi les diamants synthétiques de la société n’auront pas de grade de couleur ou de pureté et pourquoi ce ne sera pas si grave de les perdre à la plage.[:]

De Beers lance actuellement une gamme de bijoux sertis de diamants synthétiques, une initiative qui, selon son PDG Bruce Cleaver, pourrait procurer des revenus allant jusqu’à 200 millions de dollars par an.

Ce chiffre peut paraître réduit par rapport aux 6 milliards de dollars que le minier réalise avec son activité de diamants naturels mais Bruce Cleaver et son équipe s’engagent dans le retail des synthétiques car ils y voient une opportunité de réaliser des bénéfices.

La nouvelle société que De Beers met sur pied, baptisée Lightbox Jewelry, vendra des bijoux de mode sertis de pierres synthétiques à des prix abordables, de 200 dollars pour une pierre de 0,25 carat à 800 dollars pour 1 carat. Cette opération tient compte des commentaires des clients qui apprécient l’idée d’un diamant synthétique ornant un bijou sans prétention, pour des occasions informelles, mais qui ne veulent pas dépenser autant que pour une pierre naturelle, réservée à une bague de fiançailles, à la naissance d’un enfant ou à un anniversaire de mariage important.

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« Ils considèrent que les diamants naturels ont du sens – émotionnellement, financièrement – à la différence des synthétiques, a expliqué Bruce Cleaver. Pour eux, les diamants synthétiques sont trop chers pour l’idée qu’ils s’en font mais l’offre actuelle, qui semble affirmer que c’est la même chose, les trouble. »

Dans un entretien avec Rapaport News, Bruce Cleaver explique ce qui se cache derrière cette stratégie, pourquoi les pierres n’auront pas de grade de couleur ou de pureté et pourquoi ce ne sera pas si grave de les perdre à la plage.

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« Pour eux, les diamants synthétiques sont trop chers pour l’idée qu’ils s’en font mais l’offre actuelle, qui semble affirmer que c’est la même chose, les trouble. »

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Rapaport News : Que disent les clients à propos des diamants synthétiques ?

Nous avons passé beaucoup de temps depuis un an et demi à analyser les avis des consommateurs à propos des diamants synthétiques et ce que veulent vraiment les clients. Ce qu’ils nous disent, c’est qu’ils sont déroutés par l’offre actuelle de synthétiques. Ils ne savent pas vraiment si c’est la même chose que les diamants naturels ou si c’est quelque chose de différent. Mais lorsque nous leur demandons ce dont il s’agit, selon eux, ils pensent que c’est exactement ce que nous annonçons dans Lightbox, c’est-à-dire quelque chose de complètement différent. Pour eux, c’est un produit de mode, accessible, sans prétention, coloré – un produit qui n’est pas vraiment en concurrence avec les diamants naturels car il est totalement différent, aussi bien du point de vue du prix que de la façon dont il est positionné et annoncé.

Et c’est là que nous voyons une opportunité et c’est pourquoi nous voulons lancer cette division Lightbox – pour répondre à un besoin auquel ne s’intéresse actuellement aucun producteur de synthétiques. Nous pensons que c’est ce que veulent vraiment les consommateurs. Et cela ne nous paraît pas contradictoire avec l’activité des diamants naturels. Nous pensons qu’elles sont complémentaires.

Comment cela se traduit-il pour les synthétiques que vous envisagez de vendre ?

Nous allons proposer beaucoup plus de couleur – du bleu et du rose – et beaucoup moins de blanc que ce que l’on trouve dans une offre de diamants naturels car cela est cohérent avec ce que les gens veulent en termes de bijoux de mode, légers, joyeux. Nous n’allons pas leur attribuer de grade. Franchement, nous ne pensons pas qu’ils méritent de grade car ils sont tous identiques. Vous pouvez demander à votre réacteur de faire ce que vous voulez, aussi souvent que vous le voulez. Aucun n’a de spécificité, il n’y a pas de facteur de rareté, ils n’ont donc pas besoin de recevoir un grade.

Vous envisagez de vendre un carat pour 800 dollars. Cela inclut-il le sertissage ?

Comme il s’agit d’un produit de mode, le sertissage sera certainement en argent, donc très peu cher. Les consommateurs pensent que ces produits synthétiques n’appartiennent pas au même domaine que les diamants naturels. Grâce à notre technologie [chez Element Six, une filiale de De Beers qui réalise des synthétiques à usage industriel depuis des décennies], et avec le coût que nous supportons pour produire ces marchandises, nous pouvons créer des synthétiques au positionnement commercial rentable, dans la gamme de prix qui nous semble correspondre aux souhaits des consommateurs, c’est-à-dire quelques centaines de dollars.

Selection of Lightbox Jewelry

En quoi cette offre tarifaire diffère-t-elle de celle des diamants naturels ?

Le prix des diamants synthétiques, des articles de mode parfaitement reproductibles, est totalement binaire. S’il faut une semaine pour réaliser un quart de carat et deux semaines pour réaliser un demi-carat, il est logique que le demi-carat se vende deux fois plus cher qu’un quart de carat. Cela n’a rien à voir avec l’activité des diamants naturels, dans laquelle la tarification est différente. Ici, elle est liée à l’offre et au fait de préciser clairement aux consommateurs que c’est une bonne activité pour nous, une activité amusante, mais une activité totalement différente. Les consommateurs nous disent, par exemple, qu’ils sont prêts à emporter ce genre de bijoux en vacances, au risque de les perdre à la plage. Vous ne feriez jamais ça avec des diamants naturels.

[two_third]De Beers est, et sera toujours, une entreprise de diamants naturels. Nous dépensons actuellement près de 3 milliards de dollars pour nos programmes d’expansion [dans le domaine des diamants naturels] et nous n’allons certainement pas dévier de notre axe, nous allons intensifier cette activité. Cela met les choses en perspective, puisque nous allons dépenser environ 94 millions de dollars pour une nouvelle installation. Nous prenons ce nouveau projet très au sérieux mais il n’y aucune commune mesure avec notre activité de diamants naturels.[/two_third][one_third_last]

« De Beers est, et sera toujours, une entreprise de diamants naturels. Nous dépensons actuellement près de 3 milliards de dollars pour nos programmes d’expansion. »

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Est-ce une façon d’acheter son premier diamant ?

Je ne considère pas cela comme une porte d’entrée dans le monde des diamants naturels. Je pense que c’est une offre totalement différente à laquelle certains consommateurs veulent avoir accès. Les diamants synthétiques n’ont pas de véritable valeur émotionnelle car ils ne sont pas uniques. Pour tout dire, ils sont cultivés en laboratoire encore et encore, de la même façon.

Vous prévoyez de lancer Lightbox Jewelry en ligne aux États-Unis et vous annoncerez des partenariats de retail en temps voulu. Avez-vous pour objectif de vendre ces produits en ligne uniquement ou également dans des boutiques traditionnelles ?

Les deux. Nous lancerons d’abord une offre en ligne en septembre, pour nos premières ventes. Nous sommes également en pourparlers avec quelques détaillants pour faire des essais dans des boutiques.

À quel moment cela pourrait-il avoir lieu ?

Tout dépendra des discussions, je ne peux donc pas donner de date précise mais j’espère avoir des nouvelles peu de temps après le lancement du projet pilote en ligne.

Est-il juste de croire qu’aucun bijou Lightbox ne figurera parmi les marques Forevermark ou De Beers Diamond Jewellers ?

Absolument, c’est une activité totalement différente. J’ai pris bien soin de différencier les équipes dirigeantes. L’équipe Lightbox n’est pas sous les ordres de l’équipe marketing principale dirigée par Stephen [Lussier, vice-président exécutif de De Beers pour le marketing et PDG de Forevermark] et les autres. Stephen et son équipe restent très concentrés sur notre cœur d’activité, les diamants naturels. L’équipe Lightbox est une équipe tout à fait différente, dont la hiérarchie suit une structure distincte. J’ai donc pris soin de m’assurer qu’il n’y ait pas de confusion entre les deux.

Sous les ordres de qui exerce Steve Coe, le directeur général de Lightbox ?

Il rend compte à Neil Ventura, responsable de la stratégie de De Beers, qui est sous mes ordres directs.

Lorsqu’Element Six aura produit le brut synthétique, qui va le tailler ?

Element Six le produira [par dépôt chimique en phase vapeur, une méthode de création de diamants synthétiques] et le produit d’ailleurs déjà dans [ses installations britanniques d’]Ascot. Nous investissons aussi dans une extension dans l’Oregon. C’est une autre installation Element Six.

Nous testons la taille auprès de quelques personnes en Inde qui seront nos sous-traitants pour ces opérations.

Cela pourrait-il avoir des répercussions sur l’image de De Beers ou créer de la confusion autour de la société ?

Il est très important de séparer ces marques au sein de De Beers. Nous avons des équipes dirigeantes séparées, un marketing distinct, un marketing très différent, destiné à des publics très différents.

[two_third]Lightbox, même si elle vous est proposée par De Beers, ne porte ni la marque ni le logo De Beers. De Beers reste synonyme de diamants naturels, nous continuerons donc à diriger De Beers comme une entreprise de diamants naturels et, pour moi, il n’y a aucune raison de penser que cela aura impact sur nous, tant que nous nous concentrons sur les différentes marques, à la façon dont elles doivent l’être. Je ne suis pas particulièrement préoccupé par cela.[/two_third][one_third_last]

« De Beers reste synonyme de diamants naturels. »

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Quels sont les producteurs de synthétiques qui vous semblent être des concurrents ?

De nombreuses personnes produisent des synthétiques et les vendent au détail mais, à ce que je sache, personne ne s’est positionné comme nous le faisons. Je préfère ne pas penser à la concurrence. Je préfère penser à la meilleure façon pour De Beers d’optimiser la valeur de son activité Lightbox. Pour moi et pour l’équipe, il s’agit d’agir le mieux possible, en donnant aux consommateurs ce qu’ils veulent et, en retour, profiter d’une activité rentable.

Je veux souligner une fois de plus l’ampleur de notre activité des diamants naturels par rapport à celle des synthétiques : cette dernière est une petite fraction de notre entreprise. Je travaille pour trouver de petits ajouts utiles pour notre cœur de métier.

Pouvez-vous nous donner un chiffre approximatif des revenus annuels que vous attendez de cette activité ?

Lorsqu’elle sera fonctionnelle à partir de 2020, la [nouvelle installation Element Six] en Oregon pourra produire à peu près 500 000 carats de brut par an. Cela donnera près de 250 000 carats de taillé. On peut donc dire que l’activité pourrait représenter, tout compris, des revenus de 150 millions à 200 millions de dollars, ce qui n’est pas rien, mais n’a pourtant rien à voir avec les 5 milliards à 6 milliards de dollars des diamants naturels.

Source Rapaport