Comment certifier les synthétiques ?

Rob Bates

En 2006, lorsque Ralph Destino, président du Gemological Institute of America (GIA), a annoncé que son laboratoire de certification délivrerait des rapports pour des synthétiques, il a provoqué un vaste tollé et fait naître des craintes sur le marché diamantaire traditionnel. Or, il n’aurait pas dû en être ainsi.[:]

Dans les années qui ont suivi, les Rapports de synthétiques du GIA ont eu peu de succès. La plupart des vendeurs ont choisi d’autres laboratoires, ce qui est surprenant étant donné la réputation et le prestige du GIA. Sans compter que certains consommateurs n’achèteront pas de diamants hauts-de-gamme, y compris des synthétiques, sans rapport du GIA.

Alors, pourquoi cette antipathie ? D’une part, le GIA qualifie ses rapports de « Rapports de synthétiques » et les professionnels du secteur détestent ce mot « synthétique ». D’autre part, il fait appel à une échelle « descriptive », contenant des catégories de certification générales, au lieu des 4C habituels. Pour la couleur, il emploie les catégories générales : « colorless », « near colorless », « faint », « very light » et « light ». En termes de pureté, il utilise les catégories « VVS » et « included », sans les classer 1 ou 2.

En février, le GIA a expliqué qu’il envisageait de modifier le rapport, au vu des changements apportés aux guides de la Federal Trade Commission (FTC) et sur le marché. Il a affirmé que les nouveaux rapports seraient « bientôt » disponibles. Très peu d’annonces ont été faites depuis.

De fait, les spéculations vont bon train mais on peut tenter de lire dans le marc de café. Le GIA utilisera probablement moins le mot « synthétique » dans les rapports et n’en fera peut-être même plus usage puisque la FTC l’a supprimé de sa liste d’adjectifs recommandés pour qualifier les diamants synthétiques. (Contrairement à certaines affirmations, la FTC n’a pas déclaré que le terme ne devait jamais être utilisé.) Le GIA a également estimé que tous les traitements devaient être déclarés, même sur les synthétiques. Actuellement, il ne fait pas figurer ces informations dans ses rapports mais cela risque de se produire à l’avenir.

La grande question est de savoir si le GIA certifiera les synthétiques à l’aide de l’échelle standard des 4C, comme l’a annoncé le HRD Anvers au cours de la semaine du 4 mars. Les professionnels du secteur des synthétiques espèrent fortement que ce soit le cas.

Mais une source pense que, comme à son habitude, le GIA jouera la carte de la sécurité. Et même s’il peut faire figurer davantage de données sur la couleur et la pureté, il semble peu probable – du moins à l’heure où j’écris – qu’il sortira le grand jeu et certifiera les diamants selon l’échelle standard des 4C. Le GIA voit certainement cela comme un compromis. Pour les personnes qui travaillent dans le secteur des diamants artificiels, ce serait un peu rédhibitoire.

Comment pourrait-on expliquer cette réticence ?

Le système de certification initial du GIA a été conçu pour attribuer des grades, en fonction de la rareté du diamant, de la difficulté à en trouver dans la nature. Ainsi, le grade le plus élevé est D car les plus difficiles à trouver sont les diamants sans aucune couleur.

Un bon fabricant peut fournir des grades de couleur à la demande. On peut donc avancer que les grades devraient être basés sur l’aspect, plutôt que sur la rareté.

Ainsi, les qualités des synthétiques varient effectivement, comme dans le cas des diamants naturels. Mais la répartition de la rareté risque de ne pas être la même que pour les diamants naturels. Elle pourrait changer au fur et à mesure des améliorations technologiques. Ainsi, le GIA a affirmé que puisqu’il « faut encore étudier la continuité dans le temps des grades sur les synthétiques… il ne nous a pas semblé logique d’appliquer le même degré de précision pour déclarer les couleurs. » Vous trouverez une explication plus détaillée de ce raisonnement ici.

La certification des synthétiques constituerait également un énorme changement pour une organisation qui n’a pas pour habitude de publier des rapports pour des produits artificiels. Cela pourrait ouvrir la porte à la certification de pierres de couleur artificielles, voire de la moissanite, que l’on trouve également dans la nature. Cela pourrait même ouvrir la porte à la certification du zircon cubique. Après tout, pourquoi certifier un matériau artificiel plutôt qu’un autre ?

Il est également possible que les fabricants dévoilent le secret de la fabrication homogène de diamants D Flawless. (Je me suis entretenu avec des personnes de cette industrie qui s’en inquiètent car les produits ressembleraient moins aux diamants naturels.) Et même si nous n’y sommes pas encore, si cela se produisait, on pourrait estimer qu’il n’y aurait plus beaucoup de raisons de certifier. Ce serait comme certifier un iPhone. Et c’est d’ailleurs le raisonnement que Lightbox avance pour ne pas appliquer de rapport à ses diamants.

Je comprends ces arguments et je les soutiens – du moins la plupart d’entre eux. Ce que je ne trouve pas convaincant, c’est le raisonnement évoqué le plus souvent : que le GIA ne doit pas certifier de synthétiques, simplement parce que certaines personnes sur le marché ne les aiment pas et se sentent menacées par eux.

Certaines personnes adorent les diamants artificiels, d’autres moins. Point final. Que les gens ne vendent que ce en quoi ils croient.

Mais je frémis lorsque je lis quelque chose comme ceci de la part de d’un commentateur (et collègue respecté) au cours de la semaine du 25 février :

Pourquoi voudrait-on certifier un diamant synthétique ? Il n’a rien de spécial. Il n’a pas entrepris le périple fascinant et unique depuis les profondeurs de la Terre, où il a été créé il y a des millions d’années.

Je conviens que les diamants naturels ont une belle histoire à raconter. Mais nous devons prendre garde à ne pas discréditer d’autres produits et choix de consommation. De nombreuses personnes optent pour des diamants artificiels dans leur bague de fiançailles. Cela les rend spéciales.

D’autres expliquent que les synthétiques sont des « faux » (absolument pas) ou qu’ils n’ont aucune valeur intrinsèque. D’ailleurs, une question légitime se pose quant à savoir ce qu’il adviendra à long terme du prix des pierres fabriquées. Mais aucun d’entre nous ne peut y répondre de manière catégorique.

Comme pour les diamants naturels, les synthétiques ont de la valeur parce que les gens leur en accordent. Il existe des synthétiques qui se vendent des dizaines de milliers de dollars. Même aux tarifs Lightbox, une pierre de 4 carats se vendrait 3 200 dollars. Ce n’est pas rien.

Revenons au GIA. Je n’aimerais pas être à sa place au moment de prendre cette décision. Il risque de subir des pressions des deux côtés. C’est, comme ils disent dans le secteur des synthétiques, un cas limite.

Toutefois, le GIA doit être guidé dans sa mission, celle de servir le client. Et c’est pour cette raison que je considère qu’il doit proposer l’échelle de certification standard des 4C pour les synthétiques.

Cela aiderait le client de trois manières :

Il serait possible de comparer les prix de produits comparables. Puisque les sociétés de synthétiques ont tendance à baser leurs prix sur ceux des diamants naturels, les consommateurs pourraient comparer un diamant certifié par le GIA à un autre diamant certifié par le GIA.

Pour l’instant, rares sont les fabricants à présenter leurs diamants au GIA. S’il proposait une certification standard, le GIA se ferait une meilleure idée du marché et cela l’aiderait dans sa mission de recherche et d’identification des synthétiques et des traitements.

Par exemple, un employé d’une chaîne de retail m’a indiqué avoir vu certains synthétiques passer du blanc au jaune lors de la taille. « Imaginez une couleur G passant graduellement au K », a-t-il expliqué. Cela ne semble pas commun mais si cela arrive, même sur une seule pierre, il faut comprendre pourquoi et s’assurer que cela soit déclaré. Les diamants naturels sont soumis depuis longtemps à des traitements complexes. Il n’est pas inimaginable que cela arrive également avec les synthétiques. Il existe également un problème croissant – même s’il est, pour certains, contre-intuitif – de mélange de synthétiques avec des diamants naturels.

Le GIA emploie certaine des personnes les plus qualifiées sur le marché pour dénicher ces occurrences. Mais vous ne pouvez pas repérer ce que vous ne voyez pas.

Comme je l’ai indiqué, le GIA intégrera probablement des informations sur les traitements dans ses rapports. On peut douter que ces informations soient nécessaires, étant donné qu’il n’existe pas de différence de valeur prouvée. Or, clairement, plus le client reçoit d’informations, mieux c’est.

Un dernier point : même si je considère que le GIA devrait proposer la certification des 4C aux sociétés de synthétiques, il devrait aussi proposer aux fabricants d’utiliser une échelle plus simple. Le laboratoire devrait sérieusement se pencher sur cette question.

L’échelle de certification simplifiée est sans conteste plus adaptée pour les clients et plus simple à comprendre que le système complet, assez complexe et qui demande depuis longtemps à être mis à jour. Il est quasiment impossible de voir la différence entre un D, un E et un F à l’œil nu. Qualifier une pierre « d’incolore » est bien plus logique.

L’échelle du GIA, basée sur la rareté, a été conçue pour le marché. (C’est pourquoi elle commence par un D.) La plupart des clients ne s’intéressent qu’à l’aspect du diamant. Une échelle basée sur l’apparence d’une pierre répond bien mieux aux besoins des clients qu’une échelle basée sur la rareté. L’industrie des diamants naturels devrait également envisager de l’adopter.

Nous ne cessons d’entendre que les synthétiques perturbent le marché. Pourtant, les sociétés de synthétiques leur appliquent des tarifs indexés sur le Rapport sur les diamants de Rapaport et les certifient à l’aide des 4C standard. La liste Rapaport est vieille de 40 ans et l’échelle du GIA remonte aux années 50. Toutes deux ont leur utilité et ont résisté au passage du temps. Mais elles auraient aussi bien besoin d’une mise à jour.

L’industrie des synthétiques s’enorgueillit de l’attention qu’elle porte aux clients. Pourtant, le GIA propose une échelle plus simple, mieux adaptée aux clients, et des contradicteurs hipsters affirment : « Non, nous voulons utiliser l’ancienne échelle traditionnelle, plus confuse. »

Pour l’instant, le GIA n’a pas précisé de quelle façon il modifierait ses rapports, ni à quel moment ce changement serait annoncé. En attendant, la communauté des synthétiques devrait peut-être ne pas considérer l’échelle simplifiée du GIA comme une insulte, mais comme un point de différenciation, voire comme une opportunité.

Source JCK Online