Baisse du prix des bijoux et recul de la demande : où est la logique ?

Ken Gassman

Lorsque la Fed américaine veut ralentir la croissance économique, elle augmente les taux d’intérêt. Lorsqu’elle veut stimuler la croissance économique, elle les baisse. C’est une application de l’offre et de la demande.[:] Cela fonctionne également pour les marchés de détail : augmentez les prix et la demande des consommateurs baisse, baissez les prix et les acheteurs se précipitent généralement dans les magasins.

Les joailliers utilisent le marketing des prix depuis des années : des affichettes « 50 % de remise » ornent régulièrement leurs vitrines pour attirer des acheteurs en quête de bonnes affaires.

Or, récemment, ces affichettes ont été remplacées par des panneaux indiquant « Jusqu’à 70 % de remise », sans pourtant que la fréquentation des clients augmente. En réalité, les prix des bijoux baissent depuis fin 2013. Parallèlement, la demande continue de ralentir. Pire encore, notre panel de joailliers montre que cette tendance devrait se poursuive : les ventes de l’industrie souffrent de clients de moins en moins nombreux et de factures moyennes de plus en plus réduites.

Les problèmes de la « conjoncture »

Que se passe-t-il ? Nous avons tous entendu évoquer la « conjoncture ». Tout d’abord, les baby-boomers, des consommateurs plus âgés et plus aisés, n’achètent pas de bijoux au même rythme que les générations précédentes. Deuxièmement, la génération Y, un groupe démographique fait de personnes jeunes et généralement à l’aise financièrement, repousse l’âge du mariage. Et même lorsqu’ils se marient, ils n’achètent plus la traditionnelle bague de fiançailles en diamants, préférant souvent quelque chose de plus tendance et de moins cher. En outre, la génération Y ne veut plus acheter de « choses », elle veut des « expériences ». L’étude de la De Beers a montré que l’industrie des voyages, qui propose une « expérience de voyage », est le principal concurrent du marché diamantaire.

Deux grands obstacles à des prix des bijoux en hausse

La principale raison pour laquelle les joailliers ont perdu du pouvoir tarifaire – la capacité à augmenter les prix – est qu’ils ont également perdu en crédibilité tarifaire. Les affichettes des détaillants, « 50 % de remise », placardées chaque jour, ne marquent plus les acheteurs, qui voient les mêmes promotions jour après jour dans les centres commerciaux. Lorsque les acheteurs ne savent pas ce qu’ils devraient payer pour des bijoux, ils n’en achètent pas, souvent sceptiques, craintifs et méfiants vis-à-vis du détaillant. Nous appelons cela la « roulette des tarifs » et les commerçants perdent à chaque fois. Ensuite, la plupart des bijoux se vendent sans marque, les acheteurs ne savent donc rien de la qualité perçue des marchandises, en particulier sur un marché où le produit est discrétionnaire, où les acheteurs ont une connaissance limitée de la marchandise et où les achats sont peu fréquents.

Les négociants ne comprennent pas

Face au recul de la demande des consommateurs, nous avons remarqué que l’industrie appelle à une hausse des prix des diamants. Cela va absolument à l’encontre des lois de l’offre et de la demande. Les prix du taillé ont atteint un pic à la mi-2011 et se sont engagés sur une pente descendante depuis cette époque. En tentant d’augmenter les prix, les négociants semblent vouloir fuir les rares acheteurs qui restent sur le marché.

Perspectives : les temps changent

Les joailliers et leurs fournisseurs doivent repenser leur stratégie marketing et produits. Ils ont une question à se poser : « Comment puis-je toucher les couples de la génération Y, ceux qui ont deux salaires et pas d’enfant ? » L’expérience d’un acheteur de bijoux doit se limiter à cela, une « expérience ».

Il existe toute une flopée de consultants marketing qui comprennent ce que l’industrie des diamants et des bijoux doit faire pour survivre et se développer. Le problème est que l’industrie des bijoux reste fermement ancrée au XIXesiècle et que les commerçants semblent peu soucieux d’admettre que le marché a évolué. Les commerçants doivent accueillir les consommateurs du XXIe siècle et satisfaire leurs besoins d’aujourd’hui, tels qu’ils sont, et non pas tels qu’ils étaient pour leurs parents et leurs grands-parents, il y a plusieurs générations. Selon nous, ils vont avoir besoin d’une aide extérieure.

C’est certain, le marché des bijoux ne va pas disparaître. Les gens portent des bijoux depuis plus de 50 000 ans. Les bijoux vont durer. Mais le marché ne connaîtra la croissance que lorsque les fournisseurs et les détaillants cibleront les besoins des acheteurs d’aujourd’hui.

Source Idexonline


Photo Boucles d’oreilles Dior Bagatelle.