Après la rébellion, la liste Rapaport sera mensuelle

Rob Bates

Les jeudis ne seront plus jamais les mêmes dans l’industrie diamantaire.

Après le soulèvement déclenché par une baisse des prix de 7 % en moyenne de sa fiche tarifaire du 20 mars, Martin Rapaport, créateur et éditeur d’une liste largement consultée, a annoncé qu’il allait en modifier de nombreux aspects lors d’un webinaire organisé mercredi 1er avril.

Parmi les faits notables, figure le fait que la liste Rapaport, qui était publiée chaque semaine depuis sa création en 1978, sera désormais publiée chaque mois.

La nouvelle fréquence « laissera à l’industrie du temps pour réagir aux changements, a indiqué Martin Rapaport. Laisser un mois entre deux fiches tarifaires va donner à l’industrie l’occasion de respirer et du temps pour interagir avec nous et nous dire : « vous avez tort ici, vous êtes raison là. Montez ici, baissez là. » Nous aurons ainsi davantage d’échanges. »

Martin Rapaport affirme qu’il a de toute façon tendance à attendre pour changer les prix, afin d’éviter que le marché « ne se morde la queue », en réagissant constamment à des baisses et hausses de prix hebdomadaires.

Mais il a rejeté les demandes d’une publication annuelle, affirmant que cela la rendrait inutile pour les acheteurs.

Il a déclaré qu’il essaierait de standardiser les escomptes sur la liste et de maintenir des prix de 30 % à 40 % environ en dessous des tarifs de RapNet.

« Il s’agit de l’écart le plus probable au sein duquel trouver les marchandises. S’il est inférieur à 30 %, nous devrions monter. Et s’il est supérieur à 40 %, nous devrions descendre. »

Lors de la crise du Covid-19, M. Rapaport allongera la plage basse des escomptes de sa liste jusqu’à 45 %.

Il prévoit également de compléter sa liste mensuelle par une « fiche commerciale » hebdomadaire, qui s’appuie sur les prix de RapNet.

« Nous avons déjà publié les fiches commerciales en ligne mais maintenant, nous allons les rendre plus disponibles pour les abonnés, a-t-il affirmé. Les gens disent : « Comment savoir lorsque vous descendez ? »Maintenant, vous pourrez regarder ces fiches commerciales et voir où en est Rapaport… Vous obtiendrez une transparence bien supérieure à ce qui se passait avant car vous verrez vraiment ce qui se passe et nous nous en tiendrons à certains écarts de prix. »

Il constituera également un comité consultatif chargé de proposer des idées et des contributions.

Le comité « sera très utile, a-t-il déclaré. À chaque fois que nous dépasserons les repères, avec ces pourcentages, il déclenchera une alerte. Nous traiterons également de certaines choses avec eux, par exemple de ce qu’il faut faire à propos de la fluorescence et d’autres questions. Il n’y aura pas que l’équipe Rapaport qui réalisera ces listes de prix, nous aurons aussi une meilleure interaction avec la communauté. »

Ces mesures répondent à une fronde sans précédent dans l’industrie diamantaire qui a incité des centaines de sociétés à retirer leurs marchandises de sa plate-forme commerciale, RapNet.

La fronde semble avoir été largement initiée par le négociant israélien Doron Serrouya qui affirme au JCK qu’il ne tentait pas de lancer un mouvement, qu’il était simplement contrarié par la liste du 20 mars.

« J’ai des diamants dans mon coffre qui ont perdu leur valeur du jour au lendemain, explique-t-il. Les diamants, ce n’est pas la bourse. Ils ne fluctuent pas à la hausse ou à la baisse de 10 %. Il n’est pas logique qu’ils aient autant baissé. Tout le monde était bloqué à la maison. »

Il ajoute qu’il n’a rien de personnel contre Martin Rapaport.

« M. Rapaport est très intelligent mais je ne pense pas qu’il comprenne l’activité comme nous, ajoute-t-il. Nous devons vivre avec tous les jours… Je ne veux pas me réveiller tous les vendredis en me demandant si j’ai perdu ou gagné de l’argent. »

Le 20 mars, Doron Serrouya a chargé un employé de son bureau de concevoir un logo annonçant que ses marchandises ne seraient plus cotées sur RapNet. Il l’a ensuite envoyé à certains de ses collèges sur WhatsApp.

Sa décision a alors fait boule de neige et il a reçu des centaines de messages de soutien. Après la création d’un compte Instagram, @stock_off_rapnet, de nombreuses sociétés l’ont rapidement rejoint, ajoutant leurs propres logos.

Au matin du 23 mars, le service de cotation en ligne, qui cotait généralement 8 milliards de dollars de stock, ne disposait plus que 4 milliards de dollars.

Après le webinaire, Doron Serrouya a affirmé sur WhatsApp ne pas être impressionné par les changements apportés par Martin Rapaport.

« Nous ne constatons aucune différence. Les changements de la liste de prix devraient intervenir au mieux une fois par trimestre puisqu’il faut trois mois à compter du début de la production pour qu’un diamant soit certifié par le GIA. »

Il a fait remarquer que, même avec le comité consultatif, Martin Rapaport resterait indépendant, selon ses dires, et que les décisions finales lui reviendraient.

« Il est impossible qu’une seule personne décide des prix des diamants pour toute l’industrie, et certainement pas un homme qui possède sa propre entreprise », a-t-il écrit.

(Martin Rapaport a affirmé qu’il n’était « pas un homme-orchestre » et qu’il avait « une équipe de personnes » qui prenaient des décisions.)

Ronnie VanderLinden, le président de l’International Diamond Manufacturers Association, qui a écrit dans un éditorial qu’il avait retiré ses marchandises de RapNet – ce qui a amené Martin Rapaport à le citer personnellement lors du webinaire –, déclare que la publication mensuelle de la fiche tarifaire est « une idée brillante », étant donné que les listes hebdomadaires ne changent pas beaucoup.

Il ajoute qu’il est en désaccord avec les appels au boycott de toute l’organisation Rapaport, faisant remarquer que celle-ci propose un « service d’actualités de premier ordre ».

« Vous avez le droit d’être mécontent et de décider que vous ne souhaitez plus utiliser RapNet. C’est votre droit et c’est d’ailleurs ce que j’ai fait. Mais un boycott n’est pas correct », déclare Ronnie VanderLinden.

Même ainsi, de nombreux négociants semblent toujours fulminer. Dans une lettre ouverte publiée vendredi 3 avril, des dizaines de sociétés se sont promis de n’utiliser que la liste Rapaport du 6 mars. Elles ont également répondu à la proposition de la World Federation of Diamond Bourses de créer une plate-forme commerciale inter-bourse.

Ernie Blom, le président de la WFDB, affirme que la bourse en ligne est toujours en cours de création.

« De nombreuses personnes considèrent qu’il est temps de changer et de faire les choses différemment. L’industrie doit observer le changement et l’accueillir. Nous disons : “ Ne vous contentez pas d’une seule plate-forme commerciale. Envisagez-les toutes. Et utilisez celle qui répond le mieux à vos besoins. Faites ce que vous jugez le mieux. ” »

Il affirme que la WFDB prendra une décision à propos de sa plate-forme au cours de la semaine du 6 avril, notamment pour savoir s’il convient de l’appuyer sur le service actuel de l’Israel Diamond Exchange, Get Diamonds. Il ajoute que la WFDB s’est prononcée contre le lancement d’une liste concurrente.

Lors de son webinaire, Martin Rapaport a affirmé qu’il n’avait aucun problème avec la concurrence.

« Tous ceux qui veulent des tarifs transparents sont nos amis », a-t-il déclaré.

Il a également affirmé, comme lors d’un entretien avec le JCK le 27 mars, qu’il n’avait « d’autre choix » que d’abaisser les prix sur la liste du 20 mars car les escomptes sur la liste avaient atteint des « niveaux sans précédent ».

« Après 42 ans, je ne vais pas mentir… Il est de notre responsabilité de dire ce que nous voyons. Toutes les personnes raisonnables ont admis que les prix avaient baissé. »

Il s’est également dit en désaccord avec les critiques affirmant qu’il n’aurait pas dû baisser ses prix alors que le marché était quasiment fermé.

« Des marchés fermés n’ont pas de conséquences sur les prix vendeurs, a-t-il déclaré. Le meilleur moment pour baisser, c’est lorsque le marché est fermé… Il aurait été catastrophique d’attendre que le marché rouvre et essaye de se rétablir. »

Martin Rapaport a également souligné que sa fiche tarifaire n’était qu’un avis et que n’importe qui pouvait lancer une liste concurrente.

« Tous ceux qui pourront m’ôter la pression des épaules sont les bienvenus », a-t-il déclaré.

Source JCK Online