Dans son 73ème épisode du podcast Diamond Analytics, Paul Zimnisky reçoit Tom Moses, vice-président exécutif du GIA (Gemological Institute of America) qui revient sur près de cinq décennies d’observation de l’industrie du diamant. Dans un contexte actuel qu’il juge « unique, mais pas sans précédent », Tom Moses analyse la situation du marché, entre les conséquences des droits de douane américains, l’état des stocks, la poussée du diamant de synthèse et les récentes décisions du GIA concernant ces derniers.
Le podcast est à retrouver en entier à la fin de l’article.
Tom Moses a rejoint le GIA en 1977. Sa longue expérience lui permet de partager son analyse sur les périodes de crise que le diamant naturel a traversées et de les mettre en perspective par rapport à la situation actuelle. Années 1970 : c’est une période faste pour le diamant naturel, alors considéré comme une valeur d’investissement. Le prix du carat frôle les 63 000 $ le carat… mais la bulle éclate en 1980 et le prix retombe brutalement à 10 000 $.
La crise actuelle a des fondements structurels et conjoncturels différents. Le marché du diamant se détériore pour plusieurs raisons, combinant la crise du Covid, l’inflation, le désenchantement chinois, l’arrivée massive du diamant de synthèse et plus récemment, les droits de douane américains.
Concernant ces derniers, l’impact sur le prix final ne serait finalement que de 10 % aux Etats-Unis, ce qui représente peu de choses sur le prix d’un bijou en diamant de synthèse mais la question est plus épineuse pour les bijoux sertis de diamants naturels. La hausse des tarifs douaniers a entraîné un autre phénomène négatif, la constitution de stocks sur le marché américain qui risque de freiner les commandes dans les 4 à 6 mois à venir.
Une période de transition inédite
Dans le retail, le prix du diamant naturel reste historiquement bas, parfois inférieur de 50% par rapport à 2022 et cela pourrait stimuler la demande auprès de la clientèle aisée, selon Tom Moses, même si ce n’est pas forcément un bon message qui leur est envoyé. Si le diamant de synthèse cannibalise des parts de marché, ce serait plutôt dans le segment des clients les plus modestes à la recherche d’une alternative (bagues à partir de 100$ chez Walmart et la chute des prix va se poursuivre). Le diamant de synthèse s’impose massivement aux Etats-Unis, mais certains retailers commencent à revenir vers le diamant naturel en raison de la baisse de leurs marges. Le diamant naturel conserve une valeur affective et émotionnelle forte auprès de la clientèle aisée, en particulier pour marquer les étapes de la vie tels qu’un mariage, un anniversaire ou une célébration. La capacité de l’industrie à communiquer sur la valeur émotionnelle et symbolique du diamant naturel est donc cruciale.
« L’industrie du diamant est résiliente mais elle doit s’adapter à une nouvelle réalité où la géopolitique, la technologie et l’économie s’entrelacent. Le défi n’est pas seulement commercial, il est culturel » estime Tom Moses.
Le risque majeur : la perte de confiance
Pourtant, le danger n’est pas absent et le risque majeur, la perte de confiance du client, la confusion, se situe bien au-delà des chiffres. Une grande partie du public reste mal informée sur les différences fondamentales entre diamants naturels et diamants de synthèse. Les fabricants de synthétiques affirment qu’il s’agit du même produit, ce qui sème le doute et nuit au diamant naturel alors que les différences sont bien réelles. Chaque pierre naturelle est « un fragment de l’histoire géologique de la Terre » parfois vieux de plus de 4 milliards d’années. Cette dimension symbolique, scientifique et émotionnelle constitue l’aura unique du diamant.
Les pierres de synthèse telles que le saphir et le rubis existent depuis longtemps mais dans la joaillerie, elles ne sont pas représentatives. Il est un peu tôt pour tirer des conclusions sur le diamant de synthèse qui semble se développer sur un marché plus lié à la mode et trouver des débouchés rentables dans la haute technologie.
Le GIA modifie son approche du diamant de synthèse
Le GIA a développé des outils de détection sophistiqués pour distinguer de façon infaillible les deux types de diamants, basés sur la structure cristalline et les impuretés atomiques.
D’autres outils existent, utilisables sur les points de vente directement, tels que l’appareil DiamondProof de De Beers. Tom Moses regrette qu’il soit encore peu utilisé par les retailers alors qu’il serait de nature à rassurer le client en vérifiant devant lui l’authenticité de sa pierre.
En ce qui concerne les rapports qu’il délivre, le GIA revoit sa stratégie de certification. Les diamants de synthèse représentent environ 10 millions de carats par an, venant essentiellement d’Inde et de Chine. En face, 100 millions de carats de diamants naturels sont extraits, dont 40% seulement de qualité gemme. Ce contraste montre à quel point l’offre synthétique peut inonder rapidement le marché. Face à la confusion possible entre les deux types de pierres, le GIA modifie dès octobre sa procédure d’évaluation en mettant en place des critères plus resserrés, moins détaillés, pour les pierres synthétiques. Cette initiative permettra de mieux différencier les deux types de diamants et de lutter contre la désinformation, observée, malheureusement, jusque chez les détaillants. Toutefois, pour espérer un rebond durable, l’industrie du diamant naturel devra miser sur la transparence, l’éducation et une meilleure narration.
« C’est à la filière du diamant naturel de recréer le désir» conclut Tom Moses.
Le podcast est à écouter ICI
Source : Paul Zimnisky