Les projets d’Al Cook, PDG de De Beers, pour redresser son entreprise

Rob Bates

À la suite du petit déjeuner annuel du vendredi de De Beers au salon JCK Las Vegas, Al Cook, PDG de De Beers, s’est entretenu avec le JCK au sujet des nombreuses initiatives annoncées lors de l’événement, ainsi que des récentes annonces sur les accords avec les sightholders et l’évocation d’un rachat possible de l’entreprise par deux anciens PDG de De Beers.

Que pensez-vous des annonces selon lesquelles deux de vos prédécesseurs, Bruce Cleaver et Gareth Penny, pourraient faire une offre pour racheter l’entreprise ?

[Rires] J’imagine que De Beers a un petit quelque chose qui génère un coup de cœur.

Plusieurs noms sont évoqués comme acheteurs potentiels, notamment des fonds souverains et des sociétés de diamants.

C’est Anglo American qui gère le processus de vente, ils sont très satisfaits de l’intérêt suscité pour leur entreprise. En revanche, je ne peux pas me prononcer sur des pays ou des entreprises en particulier.

Vous avez indiqué vouloir ouvrir 100 boutiques De Beers London [anciennement De Beers Jewellers], ainsi que 100 boutiques de retail Forevermark. Certains ont laissé entendre que ces projets étaient ambitieux pour des concepts de retail qui n’ont pas encore fait leurs preuves. Cela fait-il partie du processus de vente, afin d’accroitre la valeur de De Beers, considéré comme une marque de luxe ?

Tout d’abord, la stratégie que nous avons élaborée pour De Beers a été globalement définie avant toute annonce de scission [d’avec Anglo American]. Mon rôle n’est donc pas de gérer le processus de vente, mais de créer le plus de valeur possible.

Notre stratégie de retail est parfaitement cohérente avec la création de valeur. Notre approche de ces deux opportunités – Forevermark et De Beers London – est très différente. Concernant Forevermark, nous savons que l’Inde est le marché des bijoux dont la croissance est la plus rapide au monde. Les investisseurs s’intéressent à ce pays pour les bijoux, mais également pour tous les autres secteurs. L’Inde représente un territoire fantastique pour les investissements en ce moment. Nous avons une chance extraordinaire, c’est que l’économie à la croissance la plus rapide au monde apprécie les diamants depuis plus longtemps que tout autre pays.

Les boutiques que nous ouvrirons en Inde seront soit des boutiques propriétaires, soit des franchises, mais il y aura davantage de franchises que de boutiques propriétaires. Cela nous permet d’accélérer notre croissance.

De Beers London est pour nous comme un symbole du luxe ; elle incarne tout ce que nous voulons pour un diamant. Selon moi, il est essentiel qu’une société de diamants comme De Beers dispose d’une vitrine qui reflète fidèlement sa vision de la vente des diamants. C’est précisément l’objectif de De Beers London. Bien entendu, l’accent sera mis sur l’échelle, mais la qualité prime sur la quantité. Je préfère une boutique exceptionnelle rue de la Paix à Paris plutôt que dix boutiques moins prestigieuses ailleurs. De Beers London va se concentrer sur ces boutiques phares, qui incarnent notre vision. Vous avez d’ailleurs pu le constater avec notre nouvelle boutique au Dubai Mall, qui est tout simplement magnifique. Dès l’ouverture de celle de Paris plus tard dans l’année, le public pourra découvrir la création de Sandrine Conseiller [PDG des marques De Beers] et de son équipe.

La chaîne de retail De Beers existe depuis près de 25 ans. Pourquoi pensez-vous que le succès sera plus important aujourd’hui ?

Certains aspects sont très différents. En premier lieu, nous travaillerons sur la rentabilité de De Beers London. La structure est idéale pour de la création de valeur, et elle se doit d’être autonome. Tel est l’axe de son business plan. Nous veillerons à ce que les résultats financiers soient aussi éclatants que nos bijoux.

Par ailleurs, nous pouvons proposer des diamants issus de notre division de taille et extraits de nos mines. Nous avons là une chaîne de production inégalable. Dans un monde où l’authenticité, l’éthique et la durabilité sont des préoccupations majeures, nous pouvons affirmer que nous gérons ces diamants de bout en bout. Cette proposition nous semble unique en son genre.

Le mois dernier, Bloomberg a annoncé que certains sightholders bénéficiaient d’offres spéciales. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Nous ne ferons aucun commentaire. Je dirais simplement que nous travaillons en étroite collaboration avec nos sightholders. Nous travaillons aussi en étroite collaboration et en toute transparence avec les gouvernements des pays qui nous accueillent. Et nous sommes très fiers de notre modèle de vente.

Lors du petit déjeuner, vous avez évoqué votre intention de réduire de 30 millions de dollars le résultat financier de De Beers, en plus des 100 millions déjà radiés. Comment procéderez-vous à cette réduction ?

Elle proviendra en partie du resserrement de l’axe de la société. Tandis que nous nous concentrons sur des projets de grande envergure et à forte valeur ajoutée – Jwaneng et Orapa –, nous allons en suspendre et en arrêter d’autres, comme le projet souterrain de Gahcho Kué, Chidliak. Puisque nous limitons notre exploration à un seul pays – l’Angola –, nous réduirons nos opérations dans la région des Amériques.

En 136 ans d’existence, nous avons accumulé un nombre considérable de propriétés, d’actifs et de participations. Une énorme opportunité de simplification s’offre à nous. La simplification la plus visible a été la cession de nos redevances sur le minerai de fer en Australie. Mais au-delà de cela, nous pouvons nous débarrasser d’un grand nombre de participations dans de petites sociétés, de petits actifs, de petites entreprises, de petits bâtiments et de petits bureaux en rationalisant notre système. Ce sont ces opérations qui permettront d’obtenir des économies. Nous deviendrons alors une structure plus performante : moins bureaucratique, plus rationalisée et plus rapide. Une société du XXIe siècle, et plus du XIXe.

Quelle est la place de votre nouvelle division de diamants taillés dans le paysage global ?

La division de taille a été élaborée avec nos sightholders. Nous ne prétendons pas être les meilleurs tailleurs, et nous ne le ferons jamais. Nous saluons les compétences de nos sightholders et travaillerons en partenariat avec eux pour créer cette division.

La division de diamants taillés vendra-t-elle la nouvelle marque Origins ou les diamants Ombré Desert Diamonds ?

La division est avant tout axée sur la marque Origins. Ombré Desert Diamonds est un programme phare. Il est au service de l’industrie. Nous avons pris un excellent départ avec Signet, mais l’objectif est qu’il devienne un atout pour l’ensemble de l’industrie.

Origins est très différent. Son but est de mettre en avant les origines de De Beers et tout ce que nous apportons aux diamants – l’éthique, la durabilité, la responsabilité. Nous voulons pouvoir raconter cette histoire des diamants, de la mine jusqu’au moment où le client achète une bague.

Les pierres Origins seront-elles taillées sous contrat ?

Nous avons différents modèles à notre disposition. Nous pouvons procéder par le biais de contrats ou de partenariats. L’essentiel est toutefois de faire appel aux meilleurs de nos sightholders et de collaborer avec eux.

Lors du petit déjeuner, vous avez indiqué que le GIA envisage d’investir dans Tracr, la plate-forme de suivi de De Beers. Il a été question de transformer Tracr en association à but non lucratif. Où en sont ces projets aujourd’hui ?

Nous considérons Tracr comme un catalyseur pour l’industrie. Nous ne l’envisageons pas comme une source de profits considérables ou comme un avantage concurrentiel pour De Beers. Nous voulons que les clients, lorsqu’ils entrent dans une boutique, se posent la question : « D’où vient mon diamant ? Est-il éthique ? Est-il durable ? » Tracr devient alors un moteur de profits en amont et dans le retail. Mais le système n’est pas en soi une source de profits. Il ne s’agit pas non plus d’une organisation à but non lucratif. Tracr est une entreprise à part entière, et nous sommes ravis que le GIA envisage de nous rejoindre.

Le GIA sera-t-il impliqué dans la gestion de Tracr ?

Il sera impliqué dans l’ensemble des processus. Notre objectif est que Tracr soit indépendante de De Beers et que notre participation devienne minoritaire. Trois autres organisations souhaitent déjà entamer des discussions au sujet de Tracr.

Image : Al Cook lors du petit déjeuner De Beers au JCK (photo de Camilla Sjodin).

Source : jckonline