Charles Leung réinvente l’esthétique de la maison, née il y a 245 ans. Avec ses designs calqués sur la nature, la marque contribue à la protection de l’environnement.
Rendre la Maison historique de la Place Vendôme désirable, à la pointe de la modernité et en phase avec son temps est une mission que Charles Leung, PDG de Chaumet, relève avec brio.
Le nom de cette Maison de joaillerie, créée il y a 245 ans, évoque les diadèmes, l’empereur Napoléon et son épouse Joséphine – des symboles enviables mais qui ne riment pas tout à fait avec modernité. Or, Charles Leung a désormais pris les rênes de la Chaumet. Entré dans l’histoire l’an dernier en devenant le premier PDG asiatique d’une marque du groupe LVMH, il fait partie des rares dirigeants issus d’une minorité à occuper un poste à responsabilité dans le secteur du luxe. Présent chez Chaumet depuis 2006 – à l’exception d’une parenthèse de quelques années à la tête de Fred, autre marque du groupe LVMH – il a réussi à introduire la Maison sur le marché chinois et à développer ses activités à l’international, au-delà des frontières françaises.

Dans la boutique Chaumet, Place Vendôme (Chaumet).
Charles Leung a imaginé le chemin à suivre pour cette Maison historique. « Nous avons suffisamment œuvré pour la légitimité de la marque, inutile d’aller plus loin», déclare-t-il sans détour.« Nous ne voulons certainement pas perdre cette image, mais quelles autres perspectives avons-nous ? Chaumet doit être davantage connectée au monde moderne. »
La joaillerie a été l’une des catégories les plus solides chez LVMH ces derniers temps, notamment comparée aux marques de mode et de maroquinerie qui ont continué à subir de lourdes pertes. Au premier semestre 2025, le groupe de luxe a enregistré une baisse de 8 % en glissement annuel de son chiffre d’affaires sur ces deux derniers segments et de 1 % seulement pour sa division horlogerie et joaillerie. Ainsi, la joaillerie pourrait bien occuper le devant de la scène à l’avenir.

Montre à secret Sword-Lily, issue de la collection Jewels by Nature, sertie d’un rubis du Mozambique taille coussin de 0,74 carat et de diamants sur or blanc (Chaumet).
Nature et vie sauvage
La nouvelle collection de haute joaillerie Jewels by Nature de Chaumet, lancée cet été à Marbella, en Espagne, traduit parfaitement la vision de Charles Leung. La nature est un thème traditionnel de la création joaillière et les Maisons internationales, jeunes ou anciennes, l’ont célébrée avec éclat. Mais le nouveau CEO souhaite honorer la nature de manière à permettre à Chaumet de se démarquer, tout en rendant hommage à l’identité historique de la maison, faite d’un savoir-faire exceptionnel et de compétences transmises de génération en génération.
« Notre fondateur se définissait lui-même comme un « joaillier naturaliste », explique Charles Leung. « Je me suis toutefois interrogé sur ce que nous avions fait pour la nature. J’aimerais vraiment parler de ce sujet différemment. »
Pour y parvenir, Charles Leung a notamment conclu un nouveau partenariat avec le groupe environnemental WWF, annoncé par la marque à peu près au même moment que le lancement de Jewels by Nature. Les deux partenaires travaillent actuellement sur des programmes communs pour la France, le Japon et la Chine. Le premier concerne la préservation des forêts françaises. La marque collabore déjà depuis 2023 avec l’organisation environnementale Reforest’Action pour régénérer la forêt de Chantilly, classée au patrimoine national.

La parure Wild Rose de la collection Jewels by Nature, ornée de diamants jaunes et blancs sur or blanc (Chaumet).
Les prochain(s) chapitre(s)
La collection Jewels by Nature, composée de 54 pièces, reprend ce récit avec trois chapitres thématiques. Le premier, ETERNELLE, inscrit des éléments floraux dans les créations, tels que trèfles, fougères, avoine et étoiles des champs. Les deux dernières s’illustrent dans un incroyable collier en or jaune orné de fleurs d’étoiles des champs sculptées en or blanc et diamants jaunes, dont trois pierres taille coussin totalisant 8,32 carats. Cette pièce, dont la création a nécessité 1 300 heures de travail, fait partie d’une parure comprenant une paire de boucles d’oreilles asymétriques transformables et une broche.

Des artisans de l’atelier de haute joaillerie de Chaumet (Chaumet).
Si ETERNELLE célèbre la capacité de la nature à se renouveler et à se régénérer, le deuxième chapitre, EPHEMERE, souligne sa fragilité et son impermanence. Le collier Carnation en forme de V imagine la fleur dans une palette inattendue de saphirs, allant du bleu profond au bleu ciel, tandis que le sublime collier Sweetshrub est un chef-d’œuvre rose tendre composé de perles d’eau douce parfaitement assorties, ponctué d’un spinelle de 44,23 carats d’un rose intense avec des nuances de violet.
« EPHEMERE nous rappelle que le temps passe, explique Charles Leung. À nous de choyer la beauté, qui ne dure pas, mais qui renaîtra. Ici, la nature nous apprend beaucoup. »
Enfin, le chapitre RENAISSANTE évoque la renaissance de la nature à travers des magnolias et des dahlias, mais aussi des abeilles, des libellules et de minuscules oiseaux – que Charles Leung appelle « les petits acteurs qui complètent cet écosystème et le rendent vivant, tout en racontant, espérons-le, l’histoire de la nature ».

Broche abeille de la collection Jewels by Nature, ornée d’une tourmaline verte de 13,87 carats et de diamants sur or jaune (Chaumet).
L’effervescence du changement
Plus tôt cette année, Chaumet s’est engagée en matière de traçabilité de l’or pour toutes ses collections et pour inaugurer ce projet, a créé un nouveau pendentif de sa collection emblématique de haute joaillerie Bee de Chaumet. Tous les éléments du bijou – chaîne, pendentif abeille, fermoir et bagues – sont en or 100 % traçable, issu de sources durables. Charles Leung explique combien il a été difficile de superviser et de coordonner cette tâche car plusieurs ateliers ont contribué à fournir les différents éléments.
Charles Leung est également à l’origine de la refonte du nom Bee de Chaumet, anciennement Bee My Love. Les résultats du premier semestre de LVMH ont présenté Bee de Chaumet comme un point d’attention majeur pour le joaillier. Grâce à ce changement de nom, les bijoux ne doivent plus uniquement être associés à des notions dépassées d’amour et d’engagement, mais être désormais apparentés à des thèmes comme la communauté et les convictions partagées, explique Charles Leung. Cela semble porter ses fruits : lors d’un récent événement VIC en Corée, raconte-t-il, une femme d’une quarantaine d’années a acheté cinq pièces Bee de Chaumet pour ses amies.
« Ce sens de l’amitié, de la famille et de la communauté est sous-exploité dans le monde de la joaillerie, dit-il. On parle tellement d’amour, de fiançailles, d’éternité… évidemment, c’est important aussi, mais la vie, ce n’est pas que cela. »

Boutique Chaumet de la Place Vendôme (Chaumet).
Aujourd’hui, les clients recherchent de la créativité et de la valeur, ajoute-t-il, mais également la possibilité de porter régulièrement leurs bijoux et que ceux-ci servent aussi d’investissement – des valeurs qui vont perdurer dans ce contexte économique difficile et incertain. « Ils recherchent des bijoux qui leur correspondent vraiment et qu’ils pourront porter plus souvent, pas seulement une fois dans leur vie. »
Image principale : Charles Leung, PDG de Chaumet (Chaumet).
Source : Rapaport