L’industrie du diamant doit se préparer à de nouveaux bouleversements : les restrictions sur l’approvisionnement russe pourraient en effet être levées plus tôt que prévu.
Le retour d’ALROSA sur le marché pourrait bien avoir lieu plus vite que prévu. À Kiev, le président Trump vient de présenter un projet en 28 points visant à mettre fin à la guerre menée par la Russie en Ukraine. Le plan, élaboré avec la contribution de Moscou, prévoit un allègement progressif et sélectif des sanctions, la possibilité pour la Russie de réintégrer le G8 et un renforcement de la coopération économique russo-américaine dans des secteurs clés, notamment celui des ressources naturelles.
Depuis le début du conflit en 2022, le G7 impose des sanctions à ALROSA. Il est notamment interdit d’envoyer des diamants d’origine russe aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Japon, au Canada, en France, en Allemagne et en Italie, des marchés qui représentent environ les deux tiers de la demande mondiale de bijoux en diamants.
Ces restrictions ont obligé le secteur à accélérer la mise en place de programmes de traçabilité qui permettent de vérifier l’origine d’un diamant brut, indépendamment du lieu où il a été taillé.
Dans le cadre du régime de sanctions actuel, cette déclaration s’appuie sur les attestations de l’importateur ou de l’exportateur. L’UE avait toutefois prévu de mettre en place un mécanisme de traçabilité pour suivre et contrôler les diamants transitant sur son territoire. Bien que cette initiative ait peu de chances d’être opérationnelle d’ici le 1er janvier 2026, date prévue pour le prochain train de sanctions de l’UE, l’Europe reste déterminée à mettre en œuvre ce processus.
L’industrie doit continuer à respecter les règles en vigueur, mais le plan Trump témoigne d’une intention claire et ouvre une voie possible vers la levée des sanctions, même si cette option est encore incertaine.
Dans ce contexte, lorsque les sanctions seront levées – si elles le sont –, l’industrie sera confrontée à des changements qui l’impacteront.
La fin des sanctions ne freinera pas les efforts de renforcement des process de vérification de la provenance. Il sera intéressant, et à la fois un peu frustrant, de voir si l’UE persiste dans son exigence de traçabilité. Toutefois, l’effort collectif de l’industrie se concentrera désormais sur le respect de ses propres principes éthiques et la nécessité d’un narratif plus transparent, plutôt que sur l’obligation de répondre aux exigences réglementaires.
D’un point de vue commercial, la réhabilitation de la production russe, qui représente environ 25 % de la production mondiale, simplifiera la chaîne d’approvisionnement, mais pourrait également durcir les conditions pour les autres miniers qui ont profité de l’absence présumée d’ALROSA sur les marchés du G7. La situation pèsera sur la concurrence dans le domaine du transport des diamants bruts, alors que le marché est déjà saturé de marchandises.
Cela permettrait également à ALROSA de réintégrer progressivement les structures de l’industrie où, avant 2022, ses prises de position et son budget pesaient lourd au sein d’organismes tels que le Responsible Jewellery Council, le Natural Diamond Council et le World Diamond Council.
La normalisation de l’approvisionnement en diamants russes soulève également une série de questions sur lesquelles le marché devra se pencher. La première concerne le statut des pierres russes extraites et vendues pendant la période des sanctions. Il sera difficile de prologer l’application des restrictions sur ces marchandises, d’où l’importance de continuer à vérifier la provenance.
Ces sanctions pourraient bien avoir une conséquence durable, celle du renforcement de la chaîne de contrôle des diamants. Les restrictions ont contraint l’industrie à élargir la notion de vérification de la provenance afin d’y inclure l’origine, c’est-à-dire le pays d’extraction du diamant brut.
Rappelons à ce propos que certains des plus ardents défenseurs actuels de la déclaration de l’origine en étaient autrefois les plus fervents adversaires. Le contexte réglementaire a contraint De Beers à faire marche arrière sur son leitmotiv selon lequel l’agrégation des diamants empêchait toute distinction entre les productions du Botswana, du Canada, de la Namibie et de l’Afrique du Sud. Aujourd’hui, l’entreprise fonde l’intégralité de son image de marque sur ce concept même. Les sanctions ont également contraint le Kimberley Process à rendre possible la déclaration du pays d’origine sur ses certificats de lots d’origine dite « mixte ».
La proposition de Donald Trump n’en est qu’à ses prémices, mais quoi que l’on pense de son approche, il faudrait rappeler lors des négociations que l’industrie va devoir se préparer pour l’avenir. De même que les sanctions ont remodelé le marché, leur assouplissement et le retour des marchandises russes sur le marché mondial vont une nouvelle fois redéfinir la dynamique du secteur.
Image : Une employée chargée du tri chez ALROSA inspecte un diamant brut (ALROSA).