Avi Krawitz, analyste spécialisé dans le diamant, s’intéresse à la façon dont l’industrie du diamant naturel se rassemble et intensifie son marketing. Entre campagnes mondiales et partenariats avec des détaillants, le secteur se mobilise autour d’un objectif commun : refaçonner la manière dont les consommateurs perçoivent les pierres et redonner tout leur éclat aux diamants naturels.
L’industrie du diamant naturel intensifie ses efforts marketing pour tenter de reconquérir les parts de marché perdues avec l’essor rapide des pierres synthétiques.
Bien que certaines entreprises et organisations aient lancé des campagnes individuelles, la demande pour une stratégie plus unifiée visant à remodeler la perception des consommateurs et stimuler la demande se fait de plus en plus forte.
« Il se crée de nombreux contenus sur les diamants naturels, mais c’est au secteur de diffuser le message et de le rendre viral », a déclaré Feriel Zerouki, vice-présidente sénior des affairesd’entreprise chez De Beers et présidente du World Diamond Council (WDC), à l’occasion d’un groupe de travail pendant la réunion des présidents de la World Federation of Diamond Bourses (WFDB) à New York. Elle a insisté sur la propension des membres de l’industrie à diffuser des informations négatives, affirmant qu’ils devraient déployer cette même énergie pour diffuser les histoires positives des diamants naturels.

Défendre la cohésion
Lors de la réunion des présidents de la WFDB, l’organisation a diffusé un nouveau court-métrage, qui s’inscrit dans une série de films de promotion des diamants naturels, et a exhorté son réseau mondial d’entreprises membres, réparties dans 27 bourses affiliées, à partager activement ce contenu sur toutes les plates-formes adaptées.
« Votre soutien est essentiel pour nous aider à diffuser ce message dans le monde entier et à insister sur les qualités émotionnelles et durables des diamants naturels », a déclaré la WFDB en présentant le film. Cette initiative traduit une prise de conscience plus large de l’évolution significative du marketing depuis l’arrêt par De Beers de sa campagne emblématique « A Diamond is Forever » il y a plus de vingt ans.
« Les membres du secteur apprécient les campagnes, ils s’attendent à ce que les promotions ponctuelles stimulent les ventes, a déclaré David Kellie, PDG du Natural Diamond Council (NDC). Or, les consommateurs interagissent maintenant différemment avec le contenu. Ils utilisent principalement leur téléphone et les réseaux sociaux. Il nous faut donc développer des audiences – et des budgets – pour diffuser le bon message aux bonnes personnes. Tous les acteurs de l’industrie peuvent y contribuer. »
Des pressions sur les budgets
La publication de contenu sur les réseaux sociaux peut sembler gratuite, mais pour développer des campagnes percutantes et s’assurer qu’elles touchent le bon public, des investissements financiers importants sont nécessaires, un défi auquel l’industrie est actuellement confrontée.
Le Natural Diamond Council (NDC), responsable du marketing mondial des diamants naturels, a vu son budget réduit de 80 % au cours des deux dernières années. Ce recul est en grande partie dû au départ du minier russe ALROSA, au lendemain du déclenchement de la guerre avec l’Ukraine.

En quête de solutions à long terme, le ministère angolais des Ressources minérales, du Pétrole et du Gaz organise le 18 juin un sommet qui réunit ministres et dirigeants de l’industrie afin d’étudier de nouveaux modèles de financement. Une proposition à l’étude consiste à affecter au NDC une partie des revenus des importations de diamants bruts, un mécanisme qui nécessiterait des approbations à plusieurs niveaux gouvernementaux.
Bien que les détails n’aient pas encore été précisés, le sommet de Luanda devrait jeter les bases d’un modèle financier plus durable pour soutenir les efforts marketing mondiaux.
Selon David Kellie, PDG du NDC, rétablir un financement adéquat permettrait au NDC de sponsoriser du contenu sur les principales plates-formes de réseaux sociaux, d’être visible là où les consommateurs effectuent des recherches actives, comme sur Google, et de soutenir des initiatives de formation à grande échelle pour les équipes de retail du monde entier.
Des partenariats dans le retail
Face aux difficultés de financement qui s’accentuent, De Beers a considérablement renforcé ses propres investissements marketing. L’entreprise a élaboré un nouveau concept de bijoux phares, appelé Ombré Desert Diamonds, dont les créations s’inspirent des tons de couleur du désert, des blancs chauds aux teintes champagne et ambrées.
Le minier entend lancer une tendance qui pourra être exploitée par d’autres acteurs de l’industrie, un rappel de précédents « produits phares » à succès comme les alliances à trois pierres et les « alliances d’éternité ». Dans ce cadre, De Beers procure des supports marketing aux détaillants qui participent et promeut le concept par le biais de campagnes numériques et médiatiques.
Pour étendre davantage l’ampleur du projet, De Beers s’est associée à de grands détaillants sur des marchés clés : Signet Jewelers aux États-Unis, Chow Tai Fook en Chine et Tanishq en Inde. La société aégalement conçu des programmes sur-mesure pour les bijoutiers indépendants aux États-Unis et en Inde.
La collaboration entre De Beers et Signet, « Worth the Wait », lancée en octobre 2024, vise à repositionner les diamants naturels sur le segment du bridal américain, un secteur où les diamants synthétiques ont connu une croissance inattendue.
Avec plus de 2 300 boutiques à travers le pays, Signet bénéficie de l’envergure nécessaire pour propager la campagne. L’un des enjeux a consisté à former les 18 000 vendeurs au narratif des diamants naturels, une étape qui, selon les dirigeants de De Beers, reste essentielle au succès de l’initiative.
La priorité à la formation
De nombreux acteurs de l’industrie estiment que la désinformation – ou le simple manque d’information – sur le lieu de vente a largement contribué à l’essor des diamants synthétiques. Selon une étude de De Beers évoquée par Sally Morrison, responsable marketing des diamants naturels chez De Beers, 80 % des consommateurs entrent dans une bijouterie avec l’intention d’acheter un diamant naturel, mais repartent souvent avec une pierre synthétique. Ils réalisent en effet que les diamants synthétiques permettent d’obtenir une grosseur supérieure pour un prix moindre. Pour des vendeurs non formés, l’argument de vente est plus simple à utiliser.
« La formation est essentielle, a asséné Lisa Bridge, PDG de Ben Bridge Jewelers, lors du groupe de travail de la WFDB. Les vendeurs ne veulent pas être pris en défaut face aux clients. Ils ont besoin d’outils pour apporter les bonnes informations. »
Pour répondre à ce besoin, le Natural Diamond Council (NDC) a récemment lancé le Diamond Learning Center, une plateforme centralisée et gratuite proposant des ressources pédagogiques pour aider les équipes de retail à mieux comprendre et expliquer la valeur des diamants naturels.
Le NDC et De Beers exhortent le secteur non seulement à partager ce contenu destiné aux consommateurs, mais également à faire savoir à l’industrie que ces outils existent et qu’ils sont aisément accessibles.
« La WFDB a un rôle à jouer dans la formation des détaillants », a souligné Sally Morisson.
Il est encourageant de constater que le secteur semble réagir. Qu’il s’agisse des campagnes vidéo de la WFDB, du prochain sommet de Luanda, ou encore des initiatives d’organisations comme le Antwerp World Diamond Centre (AWDC) et le Gem & Jewellery Export Promotion Council (GJEPC), la dynamique prend de l’ampleur.
En cette période où la concurrence s’intensifie pour fidéliser les consommateurs, les leaders de l’industrie se mobilisent autour d’un projet commun : valoriser l’image et la valeur des diamants naturels grâce à un marketing cohérent, des partenariats solides et un accent plus fort mis sur la formation.
Après des années de plaidoyer pour une meilleure coordination du marketing, l’industrie semble enfin se mobiliser. Si les initiatives peuvent encore paraître fragmentées, il est de plus en plus admis que chacun a un rôle à jouer pour diffuser le message. Compte tenu de ce sentiment d’urgence qui se renforce, espérons que ce message se fera bientôt entendre.

Avi Krawitz est le fondateur de « The Diamond Press », mais également créateur de contenu et consultant de premier plan pour l’industrie du diamant. La justesse de ses analyses et de ses récits est largement reconnue. Ses publications offrent une vision claire aux professionnels de l’industrie comme aux consommateurs curieux qui évoluent sur un marché complexe et changeant. Découvrez le travail d’Avi Krawitz sur www.thediamondpress.com.
Image : Shutterstock
Source : gjepc